SIMPLIFICATION
Aïe, je me suis encore planté : j'ai écrit hier "sauve-qui-peut avec trois tirets". Monsieur O'Brien, mon instit' du CE2, aurait marqué "étourdi !" en rouge, souligné deux fois, dans la marge.
- Oh la la ! C'est traumatisant, pour un enfant.
- Meuh non. C'est gentil, étourdi, comme étourneau, un fier oiseau, une façon libre de concevoir la vie autrement qu'elle est.
L'étourneau se projette sur le monde, il le pense plus qu'il le comprend, et plus vite même. Dans cet exercice de recréation du monde, il happe au passage le moindre phénomène, parfois de façon parcellaire, minimale, furtive, susceptible de quelque développement exploratoire propre à satisfaire son appétit de savoir autant que d'imaginaire. C'est pourquoi nul petit écolier ne peut se défendre de regarder par la fenêtre les étourneaux passer en bandes sur les platanes de la cour de recréation.
L'étourdise est une des grandes vertus de l'enfance. Je suis donc resté un enfant... quelque part. Tout comme René D. qui m'écrit, puis me récrit pour s'excuser d'avoir précédemment orthographié mon nom "Ricard". Tiens donc, je n'avais même pas remarqué.
L'étourneau se projette sur le monde, il le pense plus qu'il le comprend, et plus vite même. Dans cet exercice de recréation du monde, il happe au passage le moindre phénomène, parfois de façon parcellaire, minimale, furtive, susceptible de quelque développement exploratoire propre à satisfaire son appétit de savoir autant que d'imaginaire. C'est pourquoi nul petit écolier ne peut se défendre de regarder par la fenêtre les étourneaux passer en bandes sur les platanes de la cour de recréation.
L'étourdise est une des grandes vertus de l'enfance. Je suis donc resté un enfant... quelque part. Tout comme René D. qui m'écrit, puis me récrit pour s'excuser d'avoir précédemment orthographié mon nom "Ricard". Tiens donc, je n'avais même pas remarqué.
"Il était tard, j'étais fatigué, plaide-t-il.
- Mais non, tu es étourdi, René.
- C'est grave ?
- Ben... tu devrais en parler à ton pédiatre. Ou mieux : consulter un pédopsychiatre. L'étourdite (autrement dénommée TOA, Trouble Occasionnel de l'Attention) est une pathologie, tu sais, comme l'hyperactivité, la dyscalculie, la dysorthographie, la phobie de l'école...
- Ca se soigne donc ? J'y cours.
- Mais non, reviens, René, je blague, c'est des conneries. Ces toubibs-là sont tout aussi étourdis que n'importe qui. Et crois-tu qu'ils se fassent soigner pour autant ? Non. Alors... "
- Mais non, tu es étourdi, René.
- C'est grave ?
- Ben... tu devrais en parler à ton pédiatre. Ou mieux : consulter un pédopsychiatre. L'étourdite (autrement dénommée TOA, Trouble Occasionnel de l'Attention) est une pathologie, tu sais, comme l'hyperactivité, la dyscalculie, la dysorthographie, la phobie de l'école...
- Ca se soigne donc ? J'y cours.
- Mais non, reviens, René, je blague, c'est des conneries. Ces toubibs-là sont tout aussi étourdis que n'importe qui. Et crois-tu qu'ils se fassent soigner pour autant ? Non. Alors... "
Valérie A., celle qui a écrit le si beau poème "10mn", pour sa part me réconforte et "m'aide à me déculpabiliser de faire des fautes d'orthographe" en me conseillant ce très sérieux duo de professeurs humoristes belges. https://m.youtube.com/watch?v=5YO7Vg1ByA8 . Je résume : l'orthographe est une création artificielle sans queue ni tête, qui sert à discriminer les gens du peuple et distinguer les nobles, bourgeois et lettrés. Leur conclusion est que simplifier l'écriture réduira forcément les inégalités en permettant aux écoliers, enfants d'ouvriers ou d'origine étrangère, de se consacrer à l'essentiel qui n'est pas de savoir où mettre ou pas l'accent circonflexe. On apprend certes beaucoup tout au long de leur démonstration fort documentée et on peut en prendre de la graine, mais on peut aussi en disputer.
Cette conclusion sous-entend d'abord, comme je l'écrivais hier, que les gens des classes défavorisées ne sont pas capables d'accéder au niveau d'orthographe des classes supérieures. Est-ce parce qu'ils sont plus bêtes ? Evidemment non. On constate d'ailleurs que l'orthographe, tout comme le beau langage, se perd aussi dans des milieux plus aisés. Ce qui est en jeu, c'est l'habitus (Pierre Bourdieu), en gros le miroir de classe, miroir déformant dans lequel nous avons appris et sommes habitués à nous voir. Le sentiment de supériorité ou d'infériorité sociale ne dépend qu'accessoirement de l'orthographe : c'est tout le fonctionnement de la société, par le filtre, par le sas de l'argent, qui le perpétue. L'orthographe n'est pas une si grande difficulté.
Il y a aussi dans le discours de nos deux compères l'idée que la simplification est en soi une bonne chose, que simplification rime naturellement avec bon sens et rationalité. C'est oublier que le monde est rien moins que simple. Notre lutte quasiment à l'aveugle contre le virus nous le démontre suffisamment. Simplifier l'écriture chinoise ou pire, la remplacer par le très simple et stérile système alphabétique, la priverait des multiples sens et subtilités que véhiculent ces idéogrammes plusieurs fois millénaires. (Peut-être bien que le camarade Mao y avait songé... à inventer une écriture de la classe ouvrière.) De même, puisqu'il ne nous sert à rien, ou si peu dans une vie, de savoir que la terre est ronde, faisons donc comme si elle était plate, à l'image d'un écran de cinéma. Et puis, tant que nous y sommes, simplifions aussi le système des retraites, faisons comme si tous les humains étaient égaux face au travail, au salaire, au confort de vie, à la santé...
Et voilà. J'ai encore dérapé.
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