jeudi 23 avril 2020

Journal de déconfinement - jour 38

Mon pote Alain m'a envoyé un article dont j'ai collé des extraits à la suite de ce message. Alain me bombarde d'infos, de documents, toujours intéressants, il m'inspire.
C'est en rapport avec une initiative qui m'a pris le temps de quatre messages et l'attente des réponses.
Certains d'entre vous, concernés par la prochaine rentrée scolaire, ont reçu mon premier message qui suggérait que nous interpellions le maire afin qu'il communique sur ce que la municipalité fait actuellement pour préparer le déconfinement et pour qu'il le fasse en concertation avec les publics concernés, agents et usagers. La proposition n'ayant pas emporté d'adhésion, j'ai interpellé le maire tout seul, et dans le même sens. Sa réponse a été qu'il fallait attendre les consignes du gouvernement. J'ai donc interpellé le président de la communauté de communes. Et j'attends sa réponse.

Le sens profond de ma démarche peut être mis en lumière par mon engagement avec les groupes de la France Insoumise de Thionville et de Yutz. Nous y débattons beaucoup, nous y partageons des expériences et des lectures, nous nous y enrichissons mutuellement. L'une de nos préoccupations militantes, qui ne s'accompagne pas d'arrières-pensées électoralistes, même si elle a un caractère éminemment politique, est de susciter, propager l'exercice de la démocratie directe.
Je voulais donc par cette initiative d'abord créer un groupe de réflexion et de parole capable de propositions constructives à soumettre aux élus et, au-delà de ça, d'agir de façon autonome dans le cadre du déconfinement, voire ensuite au-delà. Puis, en sollicitant tout de même les élus, je voulais leur suggérer d'organiser la concertation des publics avant de mettre en oeuvre quelque mesure que ce soit. Chou blanc sur toute la ligne... pour l'instant. 
Et voilà que je lis dans cet article, que M. Delfraissy, du conseil scientifique, que "la mobilisation de l'ensemble de la société paraît urgente pour réussir le déconfinement". Satisfaction de n'être pas seul ! Mais bien sûr, je n'ai rien inventé, l'idée circule déjà, se fait une place peu à peu dans les esprits, se glisse même à l'occasion dans les journaux et sur les plateaux de télévision : reprenons notre vie en main ! 
Trop de décisions viennent d'en haut sans souci du détail des problèmes que rencontrent les gens sur le terrain, et ce, à tous les niveaux. Nombre d'élus locaux se comportent en effet comme de petits chefs. Je me souviens - c'était mon premier mandat de conseiller municipal - d'avoir un jour à propos de je ne sais plus quoi, suggéré au maire de consulter les habitants. "Ils nous ont élus, non ? On n'a pas à leur demander leur avis." m'avait-il répondu. Mes collègues adjoints et conseillers qui étaient présents n'avaient pas estimé nécessaire de soutenir ma proposition. Depuis, les choses ont changé, dirait-on... mais ce n'est qu'en apparence. Portés par le vent écolo-citoyen, beaucoup d'élus communiquent, un peu avant, beaucoup après, sur leurs réalisations, croyant peut-être que cela suffit à l'exercice de la démocratie. Très peu impliquent les citoyens dans les décisions qui les concernent (ou alors sur des sujets sans importance telle que la couleur des réverbères). 

Je connais leur raisonnement :
"Tu demandes l'avis à trois personnes, t'as trois avis différents. Et alors, qu'est-ce que tu fais ?"
Si vous leur répondez que vous ne savez pas, ils voudront vous convaincre que la différence sème la zizanie, que les gens n'y connaissent rien, que c'est sur eux qu'après les reproches vont tomber et qu'il vaut donc encore mieux qu'ils décident tout seuls.
La raison humaine ne peut-elle vraiment pas dépasser ce stade d'une suite d'affirmations sans fondement déguisée en syllogisme ? 
"On ne va quand même pas demander l'avis de tout le monde et sur tout !"
Sur les décisions importantes peut-être, non ?
"De toute façon, les gens s'en fichent : tu demandes leur avis, y en a deux qui te le donnent."
Et voilà encore une affirmation gratuite qui se veut une preuve qu'il est non seulement dangereux, mais aussi vain de donner la parole à tous. 
"De toute façon, il n'y a jamais personne pour assister au conseil municipal."
Cà, nul ne peut le contester.
Qu'est-ce donc qui motive un tel comportement ? Des élus comme des électeurs ? 
Pour une réponse individuelle, je nous suggère un peu d'introspection, ou une séance d'analyse psychologique. 
Bon, il me semblait que étions en ce moment dans une situation idéale, propice pour initier un nouveau mode d'administration, qui accepte et encourage la participation des administrés, un nouvel élan démocratique des citoyens, qui les appelle à se mêler des affaires qui les concernent. Nous pourrions ainsi organiser entre nous tous les domaines de la vie sociale, ne solliciter les pouvoirs publics que pour ce qui est de leurs compétences. Pas besoin de leur demander une autorisation. Pas besoin d'avoir peur, ce qui n'est pas interdit est légal ; mais s'il faut désobéir, alors que ce soit ensemble.

Pour finir en illustrant ce propos, un souvenir d'école normale.
Notre prof de math était strict : la moindre seconde de retard nous privait de cours ; sans même vouloir entendre une explication, il nous envoyait au bureau des pions prendre une colle. Je n'étais jamais en retard ; quand certains traînaient, moi, je courais presque dans les escaliers quand on devait remonter de l'entresol où était le cours de sciences naturelles pour rejoindre la salle de math, tout au fond du couloir du troisième étage. Un jour, à l'heure sonnée, la chaise du prof restant vide, quelques-uns ont lancé "Allez, on se barre !". Nous nous sommes regardés : ça avait jeté un trouble. Est-ce qu'on peut faire ça à un prof  ? Est-ce qu'il est permis de braver l'autorité ? Quand un groupe, un tiers de la classe à peu près, a fini par se former, ces élèves ont quitté le cours et sont allés glander ailleurs. Je suis resté car j'étais respectueux ; trop ! Le prof est arrivé avec dix minutes de retard. Il n'a rien dit, mais au cours suivant il a admis que les frondeurs avaient eu raison. De ce jour, nos retards ont été beaucoup moins nombreux et le prof n'a plus jamais laissé personne à la porte.
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Devant la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Covid-19, mercredi 15 avril, le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy a mis en garde le gouvernement contre une « décision très top down sur le déconfinement. Il faudrait une discussion citoyenne ».
Le 14 avril, il a adressé, « à titre personnel »une noteElle a été envoyée à l’Élysée, au premier ministre, au ministère de la santé, ainsi qu’à Jean Castex, le préfet chargé de coordonner le déconfinement.
Cette note est issue d’une réflexion qu’il explique avoir partagée avec « des représentants des patients », mais aussi les présidents du Conseil économique social et environnemental (CESE), de la Conférence nationale de santé (CNS), et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).
Il y propose la création d’un « comité de liaison avec la société ». Car « les organisations de la société civile et les ONG ont une expertise spécifique que n’a pas l’administration, souligne-t-il. Elles ont une excellente connaissance de la diversité des milieux sociaux et, notamment, des catégories de la population les plus vulnérables. Elles ont une capacité à comprendre, interpréter et faire remonter les opinions et les attentes venues des territoires » Il affirme encore qu’« une grande partie des réponses apportées à la crise sont des réponses locales, qui s’appuient sur des élans de solidarité et l’inventivité des associations ».
« Cette pratique démocratique est la condition nécessaire pour prendre en compte les profondes inégalités sociales, d’âge, de sexe, d’état de santé ou de conditions de vie face à la maladie et à ses conséquences », insiste également la Société française de santé publique, dans un communiqué le 17 avril.
« Santé publique France est inexistante parce que c’est une agence aux ordres de l’État, affaiblie par les restrictions budgétaires. C’est un bouc émissaire parfait. En 2016, l’agence a été créée à partir de de la fusion de quatre organismes, ce qui a justifié des mutualisations de gains. Plus de trente postes ont été supprimés chaque année », s’agace le professeur de santé publique Pierre Lombrail, qui est aussi membre du conseil scientifique de l’agence.
La mobilisation de l'ensemble de la société paraît urgente pour réussir le déconfinement.

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