mercredi 15 avril 2020

Journal de déconfinement – jour 8

On a bien senti, dans le dernier discours du président, que du côté du gouvernement et des gros patrons, les chevaux de l'économie piaffent d'impatience pour une reprise ; c'est qu'ils craignent, davantage que la catastrophe sanitaire, la récession : "Il y aura cette année une croissance négative de moins 8%" (s'affole RTL), le temps presse. Quoique le CAC40 continue son business inutile... il y a toujours moyen de s'enrichir sur le dos d'autrui (mais pour ça, il faut déjà être riche). Bref. Le chef a annoncé le déconfinement. Et les premiers qui en bénéficieront, ce sont les écoliers. 
Ca inquiète forcément puisque, à peine annoncé, a commencé le cafouillage sur les modalités de mise en oeuvre de cette rentrée - comme tout, d'ailleurs, a cafouillé depuis le début (*),- signe que rien n'a été  préparé, ni même pensé. Du coup, vous m'avez écrit.

Des enseignants :
G. : "Réouverture de la grande garderie nationale ! On parle des tests pour les personnels soignants mais on oublie d'avance ceux des adultes des établissements. Pour répondre au fait qu'on interdit les lieux de rassemblement mais qu'on ouvre les écoles, ce matin Jean Mich' préconise de ne pas faire comme avant : un mélange de cours en petits groupes, de télétravail...“ Un sacré boulot d'organisation en plus ! ” ...je vais donc servir au laboratoire de l'immunité collective, j'aurai un rôle important !"
P. : "Macron est illogique : 30 élèves dans une classe le 11 mai, mais pas de resto.... Peu ou pas de protection pour les élèves et les profs. Serions-nous avec les soignants, et les travailleurs “indispensables” les outils d'une immunité de groupe à atteindre ?"
Des parents :
C. : "On a besoin de relancer l'économie donc on va commencer par se débarrasser des enfants à l'école pour que les parents puissent aller bosser. On va continuer de ne dépister que les personnes avec des symptômes (parce qu'on a encore pas assez de tests; et après on en fait quoi des personnes positives?) donc on va continuer à faire proliférer le virus. [...] je ne vois pas comment on va pouvoir sortir correctement du confinement dans ces conditions. Personnellement, le fait d'avoir des enfants qui seront à l''école, signifie la fin de ma vie sociale pour quelques temps si je veux protéger mon entourage. [...] Je me demande vraiment comment il est possible de rouvrir progressivement les écoles, crèches, etc...tout en respectant la fameuse distanciation sociale qu'on nous demande de respecter. Et je suppose, que les instits, profs n'auront pas les moyens de refuser cette reprise.
Je trouve que c'est vraiment, encore une fois du foutage de gueule d'envoyer des messages contradictoires. Comme dès le début de la crise où on nous avait dit de rester chez nous mais quand même d'aller voter !"

Tout est dit. 

Les gens (nous, vous et moi) sont en colère. Normal : l'intelligence de tout être humain réclame de comprendre à quoi sert ce qu'il fait, et davantage encore si on le lui impose. Mais là, ils ne comprennent pas la logique des mesures prises, ils en voient au contraire toute l'incohérence. Le problème, c'est le président : il parle comme s'il était sûr de faire les bons choix, sans jamais citer ses sources, ni nous expliquer comment il en arrive à de telles décisions. C'est insupportable.
S'il avouait la vérité, que les scientifiques ne sont pas d'accord entre eux mais qu'il a choisi d'écouter untel plutôt qu'un autre et que malgré ça, il ne sait pas où il va nous mener parce que oui, nous n'aurons jamais assez de masques et de tests pour tous les travailleurs, et qu'il assume le désordre qui s'en suit... qu'est-ce que les gens diraient ? "Hou ! l'incapable !" Oui, il y en aurait bien quelques-uns, mais je crois plutôt que la plupart lui en seraient reconnaissants.
 Cet aveu nous libérerait en effet d'un poids, du poids oppressant de la bureau-technocratie, tout cet appareil d'état qui pense pour nous, agit en notre nom, nous impose ses solutions (toujours les mêmes). Nous saurions enfin, officiellement, qu'il n'existe pas de solution miracle, ni unique, qu'il n'y a pas tout à attendre de l'état, comme il n'y a rien à attendre du capitalisme financier.
Le type qui avant disait "Tous des branleurs. Ils ne savant même pas ce qu'ils font. Ils servent à rien. Je vais plus voter." et qui rentrait chez lui se confiner dans une passivité de spectateur du monde, pourrait et devrait en conclure que "Je ne peux donc compter que sur moi-même... ? et sur mes proches, mes voisins, mes collègues ?", et puis s'en aller trouver tous ceux-là et avec eux reprendre en main son destin, petit à petit, en commençant par les choses les plus banales de la vie quotidienne.
C'est ce que font parfois les ouvriers, les ouvrières, quand les patrons ferment l'usine pour la délocaliser et se barrent avec la caisse et le matériel : ils créent un comité, un conseil, ils occupent les locaux, ils continuent la production, ils vendent la production pour eux-mêmes et ils découvrent que ça marche. Le seul obstacle, l'ennemi de leur travail, celui qui va chercher à les détruire, c'est le propriétaire de l'usine ou l'actionnaire : lui, il se contrefiche bien que le salarié mange ou pas, que l'usine produise des masques ou des godemichés; lui, il veut-son-fric et la loi est faite pour accéder à sa demande. La justice lui donnera raison et l'état enverra les flics tabasser les rebelles et les foutre dehors. 
Mais, quelquefois ça ne fonctionne pas. Certains juges résistent...
Alors le 11 mai, et même d'ici le 11 mai, les profs et les parents ne pourraient-ils organiser eux-mêmes conjointement, collectivement, à l'échelon local, leur déconfinement, trouver les aménagements et le matériel nécessaire, organiser la progressivité, les emplois du temps, les priorités, résoudre au plus proche et au mieux les problèmes que cela pose à chacun, dans son département, sa ville, son quartier, son travail... y compris décider de ne pas se déconfiner ? Pas forcément viser la lune, au moins réfléchir, prendre des initiatives, les proposer officiellement, faire front ! Avec la messagerie de l'école, ce serait facile.
Et si là était la leçon ?
(*) Piqûre de rappel que J. vient de m'envoyer : tout y est. https://www.facebook.com/brutofficiel/videos/679855826158062/

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