mercredi 1 avril 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (7)

7. Ce que prépare en réalité la réforme des retraites


Dans le même temps que le budget de la Sécurité Sociale était amputé d'une partie de ses recettes (voir chapitres précédents), les caisses de retraite complémentaire se constituaient 
une réserve de 137 milliards.

Pourquoi ne pas les utiliser pour abonder le régime général ?

Il n'y a pas d'explication logique.



L'AGIRC-ARRCO, qui gère et verse les retraites complémentaires, étant un organisme
MUTUALISTE 
et 
SANS BUT LUCRATIF
pourrait très bien "rapporter davantage à la branche retraite de la SS" comme le souhaiterait son président, Gérard Rivière. 



L'AGIRC-ARRCO regroupe au moins une douzaine de caisses de retraite complémentaire parmi lesquelles : 
AG2R la Mondiale
Groupe AGRICA, 
Groupe APICIL, 
BTP R, 
MALAKOFF Humanis, 
PRO BTP Groupe, 
LOURMEL, 
C IRCEM Groupe, etc.


AG2R la Mondiale regroupe elle-même :
Réunica Prévoyance, 
AG.Mut, 
ViaSanté Mutuelle, 
Réunica Mutuelle, 
la Mutuelle Interprofessionnelle Antilles Guyane (Miag), 
la Mutuelle du Ministère de la Justice (MMJ), 
Prado Mutuelle
et Territoria mutuelles.


Toutes ces caisses, nées à partir de 1990, sont elles-mêmes des 
organismes paritaires, mutualistes et à but non lucratif 
dites Sociétés de Groupe d'Assurance Mutuelle (Sgam).

Ce statut les incite donc à faire profiter leurs adhérents des bénéfices qu'elles dégagent.
Mais non ! Elles les taxent toujours davantage (voir chapitres précédents).



Et en même temps, elles placent de l’argent en bourse. (AG2R va jusqu'à sponsoriser une équipe cycliste.)

Exemple : 
PREDICA est la filiale assurance vie de Crédit Agricole Assurances
qui est filiale du Crédit Agricole 
qui est quant à lui une simple banque, loin du mutualisme de ses début. 

En vertu de la loi (européenne) sur le secret des affaires, il est certainement impossible de connaître comment circulent les capitaux entre ces sociétés. Enquête à mener !


PREDICA et Malakoff Médéric Humanis 
ont acquis 1/3 du capital de 
Korian SA.


Korian SA est une entreprise privée de gestion de maisons de retraite médicalisées appelées EHPAD (780 établissements, 76000 lits), de cliniques spécialisées, de résidences services, de soins et d’hospitalisation à domicile, présente dans six pays (France, Allemagne, Belgique, Italie, Espagne et Pays-Bas). 

Au capital de Korian SA participe aussi le fonds de pension canadien, Investissements PSP.

Vous me direz, c'est bien que tous ces organismes investissent dans la santé et pour le bien-être des personnes âgées dépendantes. Seulement, Korian SA ne fait pas dans la  philanthropie. Ceux qui ont un vieux parent dans un EHPAD Korian en savent certainement quelque chose. Les soignants qui y travaillent peuvent aussi en témoigner. Et ils le font déjà depuis des années... en vain.                                                                             Korian SA, c'est seulement du business.    (*)                                   

Et c'est bien logique puisque 55,96% des actionnaires sont des personnes de droit privé qui réclament chaque année leurs dividendes.

Voici d'ailleurs une analyse boursière de Korian SA en 2019 : « marché de l’EHPAD privé en forte croissance et capacité du groupe à maintenir sa rentabilité, y compris dans les projets comportant des volets sociaux »

* * * * *

Ainsi, les cotisations aux caisses de retraite créent de l’excédent et cet excédent abonde les capitaux de personnes et de sociétés privées au lieu de bénéficier aux affiliés.

Ne s'agit-il pas tout bonnement d’un détournement de l'objet des cotisations ?

Les assureurs privés se sont d’ailleurs réjouis de cette réforme. On ne se demande plus pourquoi.

* * * * *

Concernant la variable des cotisations, je disais au chapitre précédent "on constate des changements dont on comprend difficilement les raisons". Je voulais seulement signifier qu'elles étaient plus ou moins cachées, car on ne les comprend que trop bien : la nouveauté est par exemple qu' au-dessus de 3 fois le plafond de la Sécurité Sociale, personne ne cotisera plus pour la retraite : ça va être dur pour les hauts salaires de percevoir une retraite correspondant à leur revenu d'activité... avant qu'on abaisse bientôt le plafond SS, grâce aux manettes de pilotage du système, de façon à augmenter encore le nombre de salariés dans le même cas.

Au secours, qu'est-ce qu'on va faire pour compenser cette perte ? 

On apprend en effet dans le texte de la loi que les retraites complémentaires ne seront plus utiles et qu'elles seront fondues dans  le système universel. Il y a d'ailleurs de nombreux articles  expliquant comment se fera la transition pour chaque régime complémentaire "spécial".



Qu'on ne s'inquiète donc pas pour cela. La réforme pour une retraite universelle a tout prévu.

"Article 65
Le présent article ratifie trois ordonnances relatives aux dispositifs de...
  retraite supplémentaire."

Ce sont en fait les complémentaires mangées par la fenêtre qui reviennent par la porte, mais cette fois, sans l'obligation du statut d'organisme paritaire, mutualiste et à but non lucratif.

"L’ordonnance n° 2019-575 du 12 juin 2019 relative aux activités et à la surveillance des institutions de retraite professionnelle transpose la directive (UE) 2016/2341 dite « IORP II » et a été prise sur le fondement de l’article 199 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE). La transposition de la directive précitée ayant été anticipée par l’ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017, qui mettait en place les organismes de retraite professionnelle supplémentaire, l’ordonnance n° 2019-575 en achève la transposition, notamment en renforçant l’information à fournir aux affiliés et en introduisant la faculté de transfert transfrontalier de portefeuilles de contrats. Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise doivent par ailleurs être pris en considération dans les investissements financiers réalisés.
Enfin, le périmètre des engagements que les organismes de retraite professionnelle supplémentaire peuvent porter a été étendu aux contrats souscrits individuellement et à adhésion facultative, ce qui permet à ces véhicules d’assurer désormais tout type de plan d’épargne retraite. Les organismes de retraite professionnelle supplémentaire constituent, dans ce cadre complété, des véhicules spécifiquement conçus et adaptés pour porter des engagements de retraite et pour financer l’économie sur le long terme, en dégageant une performance attractive pour les épargnants. Le secteur de l’assurance est appelé à se mobiliser, afin que le recours à ces véhicules se généralise et que l’économie française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l’épargne retraite généré par la loi PACTE."


Ca va être vachement universel, la retraite ! Et tout ce bazar va être mis en place par ordonnances.

Vous en tirez vos conclusions.


(fin)

(*) Ceci explique peut-être aussi la situation dramatique des EHPAD face au covid-19...

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