dimanche 1 novembre 2020

Journal de redéconfinement (jour 57) - Toussaint

Je suis allé sur la tombe de mes parents ce matin, avec les fleurs, l’éponge, le chiffon et le seau. Pour respecter la tradition, si vous voulez. Parce que ça se faisait quand j’étais enfant : les jours précédant le dimanche de la Toussaint, les femmes (et quelques hommes) se retrouvaient au cimetière à briquer les tombes familiales avant d’y déposer les bouquets de chrysanthèmes.

Cet après-midi, nous irons nous recueillir quelques instants, avec les enfants et petits-enfants, masqués bien sûr. Ma sœur et mon petit-frère ne viendront pas, à cause de l’éloignement et du confinement. Il n’y aura pas foule. Pas comme dans le temps, quand la surface du cimetière tout entière était recouverte par les parapluies.

Oui, il pleuvait presque toujours à la Toussaint.

Le curé, accompagné de ses enfants de chœur, se frayait lentement un chemin dans cette mer de fidèles, de croyants et de moins croyants, désireux de recevoir quelques gouttes d’eau bénite au passage. Et puis on restait encore un peu, histoire de discuter avec les familles des tombes voisines et les amis anciens qui avaient émigré et qu’on ne voyait plus guère qu’une fois l’an, en cette occasion précisément.

Depuis quelques années, le curé ne passe plus dans les allées nous arroser avec son goupillon. Le dernier que j’y ai vu a presque couru d’un bout à l’autre du cimetière, comme s’il avait mieux à faire. Peut-être qu’il devait se rendre aussi dans les autres communes qui désormais constituaient sa paroisse.

Tout fout le camp.

Il n’y a même pas eu hier soir un petit vampire, une sorcière, un squelette ou un fantôme pour venir sonner à notre porte et nous réclamer des bonbons avec la menace de nous dévorer ou de nous transformer en morts-vivants. On peut même plus rigoler.

C’est triste.

Alors rétrospectivement, je me rends compte que la Toussaint d’autrefois ne l’était pas. Seule la messe des morts était lugubre (avec toujours ces injonctions à se repentir et à se soumettre...). A la maison, on se tapait la cloche en famille en racontant les histoires des défunts, les mêmes que chaque année, qui pourtant nous attendrissaient ou nous faisaient rire toujours autant.

Avec le virus vampire à l’affût dans chaque humain, chaque objet, avec le spectre de l’assassin terroriste rôdant à chaque coin de rue, on finirait par se méfier de tout le monde. C’est insupportable.

Ajoutez à ça la pauvreté qui menace ceux que le confinement a interdits de travail, le poison de la distanciation sociale, la solitude et l’inactivité, la menace de la répression, l’impression d’être comme des rats coincés dans une nasse…

Non, cette année le cœur n’y est pas.

Depuis vendredi, jusqu’à ce soir, les musulmans étaient censés fêter Mawlid - en gros, l’anniversaire de la naissance du prophète. C’est un peu comme Noël, quoi. Je suppose donc qu’il s’agit de réjouissances. Et peut-être qu’ils font comme nous autrefois à la Toussaint, qu’ils se tapent la cloche en famille en racontant des histoires...

Mais après l’attentat de Nice, le président du Conseil Français du Culte Musulman a demandé la fermeture des mosquées dès le jeudi soir et l’annulation des fêtes du Mawlid.
En signe de deuil et de solidarité.

 Que tous les religieux du monde se donnent la main !

Richard

 

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