Réunion du Conseil de Défense-Sécurité-Urgence au Palais de Leslisiers, République du Banana.
9h30. On attend le président.
Salmonelle, le directeur de
- Qu’est-ce qu’il a à être en retard comme ça, systématiquement, depuis un moment ?
- Il n’a pas le moral, ça se comprend. Il sent bien que pour sa réélection, c’est foutu.
- Moi, je dirais carrément qu’il est en rogne.
- Bin-in, y a de quoi : en plus, rien ne marche.
- Chut, le voilà.
9h35. Le président entre. On se lève. Il s’assoit. On s’assoit.
- Bon alors, Salmonelle, qu’est-ce que vous nous annoncez pour aujourd’hui ?
- Une catastrophe, mon président ! Le virus circule à la vitesse de la lumière. Selon nos calculs, chaque Bananien est susceptible d’être infecté dans les dix jours qui viennent. Dans un mois, ils seront tous morts. Il faut donc rapidement monter encore en puissance, interdire tout déplacement, imposer le masque à domicile…
Véreux opine du chef mais Castorex s’agace :
- Arrêtez, Salmonelle, ce n’est pas possible. Vous n’avez
pas vu comme les gens se rebiffent ? Les commerçants bravent
l’interdiction d’ouvrir, les maires lancent des pétitions pour les soutenir, les
gens manifestent dans toutes les villes, même les vieux se mettent à gruger…
- Oui, il faudrait au moins rouvrir les commerces. Hasarde Lamère.
Salmonelle tape du pied :
- Pas question. Pas question. Je ne veux pas me dédire.
Un blanc. On regarde le président qui est en train de se ronger
un ongle. Son regard fait des allers et retours des uns aux autres. On sent que
la marmite bout. Et voilà qu'elle explose :
- Putain de bordel de merde ! Vous ne comprenez donc
rien ? Il n’est pas-ques-tion-de-re-cu-ler ! (coup de poing sur la table)
J’aurais l’air de quoi, hein ? Vous voulez que je me ridiculise ?
Protestations vigoureuses de Castorex et Véreux. Darmanino
baisse les paupières. Salmonelle jubile :
- Vous êtes donc d’accord avec moi, mon président.
- Ah, vous, fermez-la ! Tonne le président. C’est à cause de vous et de vos experts qu’on est embringué dans cette galère.
9h40. La femme du président entre dans la pièce.
- Mon bébé ?
On se lève. On salue. Madame fait un petit geste d’humilité.
- Dis, bébé, il y a des gens qui manifestent dans les rues
de la capitale. Je les entends très bien. C’est très désagréable.
- Ah bon ? Et qu’est-ce qu’ils veulent.
- Euh, ils veulent travailler, je crois.
- Eh ben, qu’ils se sortent les doigts du cul et qu’ils traversent la rue.
- Oh. Tu n’es pas gentil de dire une chose pareille, bébé. Tu sais, il paraît qu'il y en a qui ne peuvent même plus s’acheter à manger… C’est triste, un peu.
- Eh bien, qu’ils jeûnent. C’est très bon pour la santé.
- Oui, c’est vrai ça.
- Bon. Darmanino va s’occuper de ces gueux, Maminia.
- Merci, bébé.
Madame se retire. On se lève. On bredouille des respects. On s’assoit.
9h45. Silence.
- Bon, on fait quoi ? Demande Lamère.
- Rien. On ne change rien, j’ai dit. Confinement jusqu’au 1er décembre. Après, on ouvre les commerces jusqu’à Noël, mais pas les bars, pas les restaurants. Et reconfinement en janvier. Mais il faut absolument que cette chienlit s’arrête.
- OK, président. Je vais leur serrer la vis. Plus aucune autorisation de manifester. Et je vais augmenter les contrôles, je mets tous mes gendarmes sur le coup. Qu’est-ce que vous penseriez de leur donner le droit d’entrer dans les maisons ?
- Excellente idée, mon cher Darmanino. Demain, Castorex, dépôt de la loi. Vote. Et vous prenez l’ordonnance après-demain.
Lamère se marre :
- Ho ho ! J’imagine la tête à Mélichon. Il va en faire
une jaunisse. Mais il faut penser aux Bananiens, il y a des chances qu’ils
râlent, quand même.
Véreux lève le doigt :
- Il n’y a qu’à leur faire encore plus peur, en remettre une couche sur
la dangerosité du virus, la mortalité exponentielle, la tension dans les
services de réanimation, la fatigue des soignants…
- ...et le foyer comme premier nid à virus ! S’exclame Salmonelle, tout content de sa trouvaille.
Les autres le regardent, affligés.
- Et c’est pour ça que vous voulez les confiner ensemble ?
Tout le monde rigole. Pas le général. Pas le président, qui
a repoussé sa chaise.
Castorex se frotte alors les mains en se levant :
- Bon. Comme d’habitude, je me charge de briefer les médias.
Mot d’ordre : le virus tue de plus en plus.
- C’est bien ce que je disais, non? s’offusque Salmonelle.
- Mais il va falloir trouver des gusses pour monter au front. Poursuit Castorex. C’est que les toubibs commencent à renâcler eux aussi, et même nos députés…
9h55. Le président soudain devient livide. Il fusille son Premier Sinistre du regard et quitte la salle sans un mot.
- Ben, qu’est-ce qu’il a ?
- Il est contrarié.
- Ben oui, mais c’est la vérité : on est dans la merde jusqu’au cou.
- Et vous, mon général, pourquoi vous ne dites jamais rien ?
A propos du conseil de défense :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire