jeudi 12 novembre 2020

Journal de redéconfinement (jour 68) – Kärcher

Ca y est, les amis, nous nous sommes habitués.

Après 67 jours stricts, sur une période de 8 mois à trembler et à surveiller soi-même et les autres, nous vivons désormais le confinement les doigts dans le nez.
Le masque ? Pas si difficile à porter (personne n’est mort d’étouffement).
Le lavage des mains : normal, non ? (il n’y a que les chochottes à qui ça irrite la peau)
La distance ? Eh ben quoi, on peut s’aimer aussi sans se papouiller à tout bout de champ.
La rétention domiciliaire, c’est formidable, parce qu’on peut faire un tas de choses qu’on n’aurait pas faites autrement et que ça nous empêche de polluer avec nos sales bagnoles.

Nous devrions dire merci pour ce confinement quotidien.

Ah ça, nous avons été bien dressés, comme on dresse les chevaux à supporter d’abord une couverture sur le dos, puis le licol, puis le mors, puis la selle, puis les éperons et la cravache. Et quand nous nous cabrons et ruons dans les brancards parce qu’il n’y a plus assez d’avoine au râtelier, c’est la schlague, le coup de badine dans l’œil, les grenades dum-dum au-dessus de la tête et les entraves judiciaires.

Nous nous sommes laissé dresser comme des enfants qui craignent des parents terroristes. Nous croyons que si nous sommes punis, nous l’avons mérité et que forcément nous avons commis une faute.
- Ah non, pas nous, protestent certains (la majorité d’entre nous, en fait).
- Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. dit le père.
Allez hop ! papa confine tout le monde.
- Mais... si c’est mon frère le coupable, pourquoi tu me punis, moi ?
- Je suis le Père, je suis Jupiter, et toi, tu te tais et tu m’obéis, un point c’est tout.

En vérité, c’est papa qui a décidé avec sa bande de vautours (je les ai vus !) que l’infirmière et l’armoire à pharmacie ne servaient à rien quand on était en bonne santé et qui les a balancées par la fenêtre, et maintenant qu’il n’y a plus rien ni personne pour nous soigner, il nous accuse et il nous met tous en pénitence. Papa est injuste et méchant. Maman, elle dit même que c’est carrément un salaud.
Moi, quand je sera grand, je le tuera.

J’ai constaté depuis quelque temps (depuis 2017 en fait) que nous ne réagissons plus comme des adultes, ni comme des citoyens ; nous réagissons comme de faibles enfants médusés par l’énormité disproportionnée de la puissance que le pouvoir oppose à notre simple protestation qui n’est que la conséquence de notre souffrance et de notre désarroi collectifs.

Par exemple, nous savons tous :
- que ce confinement est une connerie économique et sociale,
- que la covid est à peine plus dangereuse que la grippe ordinaire à laquelle on impute chaque année de 10 à 20 mille morts,
- que la somme de tous les fêtards clandestins du samedi soir et de tous les clients de tous les petits commerces de toute la France sera toujours un million de fois inférieure à la somme des individus qui se frottent en continu dans les supermarchés de 8h à 20h, se pressent dans les transports deux fois par jour et s'échangent des gouttelettes dans les écoles, les crèches et les périscolaires cinq jours sur sept,
- que le professeur Raoult fait l’objet d’une cabale,
- que le vaccin annoncé et payé d’avance ne peut pas être efficace sur un virus qui a déjà muté, et que la plupart d’entre nous ne se fera pas vacciner parce qu’il n’est pas question qu’on nous injecte des saloperies dans le corps,
- que la puissance de l’industrie pharmaceutique est derrière toutes ces manigances et coupable de ce désastre, conjointement à la doctrine libérale qui en rend complices les politiques.

Eh bien, la raison en nous ne triomphe pas pour autant, parce que notre capacité à raisonner se trouve troublée par la peur.  

Peur de la covid.

Peur de la police.

Peur de la justice.

Alors nous espérons (prions) sottement pour que :
- le ciel nous aide  
- le virus disparaisse par miracle
- le gouvernement arrête simplement de dire que tout va mal parce que s’il disait que tout est fini, nous le croirions illico avec un immense soulagement, nous oublierions la peur et nous ressortirions gambader avec nos congénères et les papis et mamies se remettraient à pourlécher leurs petits-enfants avec une frénésie de bonheur. Pas vrai ?

Allez, qu’ils nous laissent seulement libres d’appliquer de nous-mêmes les précautions sanitaires et la pandémie ne sera pas pire que confinés comme des cons.

Autre exemple de notre infantilité : le dernier marché qui nous est proposé, distillé par petites touches dans les médias : « vous serez certainement confinés jusqu’au printemps, mais vous aurez peut-être un petit Noël… si vous êtes sages. »

Ce « vous » vise en réalité les jeunes, les fêtards, les banlieusards, les anarchistes, les gilets jaunes et autres réputés réfractaires. Si l’hôpital est encore en surcharge en décembre, ce sera donc la faute à ceux-là. Mais nous serons quand même tous consignés, comme si encore une fois nous n’étions pas capables de respecter des consignes sanitaires sans avoir un flic dans le dos qui n’attend qu’une chose, nous coller un PV de 135 euros pour une demi-minute de dépassement de l’horaire autorisé.

Putain, je vais me trouver une Kärcherschnikov et je vais débouler dans les territoires perdus de la république et dans toutes les fêtes de partouzards et je vais tous te les dézinguer, ces connards de viveurs qui sont la cause qu’on est, nous, bons citoyens dociles, empêchés de vivre.
Comme ça on sera tranquille.

Et après on saura si c’est vraiment eux qui propagent le virus.
Rigueur scientifique !

Richard

(à suivre)

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire