mardi 25 juillet 2017

La comédie du pouvoir - 14. Comme d'un rien on nous amuse.

J’avais pas vu la photo, que j’avais déjà les commentaires. Cadrage, mise en scène, avalanche de symboles : la fenêtre ouverte, l’horloge pour le "maître des horloges", trois livres dont les "Nourritures terrestres" d'André Gide, un coq (à l’envers !) dans un smartphone et autres mignardises. Il y aurait même une histoire secrète de cette photo, malgré que la photographe qui l'a prise a elle-même posté (sur un réseau social) un film du making-off. Pourquoi donc ? Des fois qu’on n’aurait pas pigé tout seul ? Ou pour nous montrer le président, comme il est simple ? Sais pas ; j'ai pas regardé.
Mais franchement, quand j’ai déroulé la page (web) et vu enfin l’objet en entier, j’ai été déçu par la mise en scène, puérile (on dirait une couverture de « Nous deux »), et la symbolique à deux balles, et puis surtout j’ai halluciné que personne n’ait été frappé que Macron, avec ses bras écartés, genre « voyez mes biscoteaux », fait tout de suite penser à Popeye... ou à une fusée prête à décoller. Paraît que la pose fait décontracté. Mais non, c’est le contraire, il est tout raide, le pauvre. Pour qu’il semblât décontracté, mon cher, il eût fallu d'abord qu’il sourît vraiment, du regard, et puis qu’on le vît en pied, appuyé au bureau négligemment du bout de la fesse et les jambes tendues croisées vers l’avant. Donc? Photo ratée, qui montre cependant toute l’épaisseur du personnage (je me comprends). En attendant, ça a fait causer.

Et enfin, la voilà au format papier, arrivée dans les mairies, cette photo officielle tant attendue. Ah zut ! En hauteur, elle mesure cinq centimètres de plus que les photos de tous nos précédents monarques. Serait-ce un acte manqué ? Désir d’assomption, folie des grandeurs, vertige des cimes ? 
- Meuh non, c’est pour pas faire comme tout le monde, va ! 
- Révolutionnaire ou affirmation de soi ?
- C’est pour le beuze, coco. 
Au journal de TF1, champion toutes catégories de la rigolade, on expose ainsi le problème : les maires devront acheter un nouveau cadre ; à 70 euros pièce (mazette !) ; multiplié par 36.000 communes… ; mais l’affichage n’est pas obligatoire ; cependant c’est une convention : bref, tu te demandes où est le problème ; et ça finit par ce maire malicieux qui coupe le bord de la photo. (Fiou ! On frise le crime de lèse-majesté, là.) En attendant, ça aura fait vendre de la copie, enfin… du papier (5 cm x 36.000, ça en fait des ramettes).
Le malin qui a lancé le truc a toutefois pu caser que si les communes en sont à se serrer la ceinture, l’état ne devrait pas leur occasionner des dépenses supplémentaires. Et toc ! Bon, pas bien méchant, allez. Par parenthèse, ce qui l’est davantage, c’est ce qui se trame derrière la baisse des dotations : la mort programmée des petites communes par étranglement financier, puis absorption par les grosses communautés de communes où seuls les candidats friqués seront en mesure de gagner les élections. Exit la liste apolitique et le maire du cru que vous connaissez bien et dont le plus gros souci est de gérer sa commune en bon père de famille.

Autre pantalonnade.
1. Le gouvernement annonce une baisse du budget de l’armée.
2. Devant la commission idoine de l'Assemblée, le chef d’état-major des armées réclame au contraire des sous et ose affirmer que le gouvernement a tout faux. Un député ou un huissier ou un attaché (ou un oiseau passant par là) s'empresse de le crier sur les toits.
3. Ubu soi-même, froissé, descend du trône et prend le micro des mains de son Premier Sinistre pour rappeler au général récalcitrant qui est le chef - cornegidouille !
4. Ubu fait alors savoir au bon peuple qu’il a convoqué le général tel jour, à telle heure (pour lui remonter les bretelles).
5. A quoi le général récalcitrant répond « Merdre ! » en démissionnant.
6. Le public ravi applaudit des deux mains, car le spectacle est bon.
Analyse flash. Dans ce cas particulier où il est question de l’adéquation des moyens alloués aux missions de notre armée, la fameuse société civile, c’est le chef d’état major, qui est la personne compétente pour juger des affaires militaires. En face, on a un président, certes autoritaire, mais qui n'en est pas moins dans le rôle du politicard n’y connaissant rien. Il devrait donc se taire et écouter. Mais non, obstiné, le voilà qui grille encore la politesse, cette fois à la ministre des Armées qui naturellement n’ose piper mot - c’est qu’elle a trop peur de dire une connerie et de se prendre une ramonée en public. En attendant, dans cette histoire, Macron a perdu toute mesure et en même temps… la face.

Eh ben oui : vu qu'à peine deux jours après, on a la ministre Trucmuche des Armées, tout enjouée, sur France Inter : « En 2018, le budget des armées sera exceptionnel ! » Exceptionnellement bas, comme annoncé ? Non, non, il sera augmenté. 
- Ah bon ? Alors en plus, le père Ubu avale son chapeau ? 
- Dignement. Et en silence… 
Enfin, jusqu’à ce que Castaner, le héraut de l’Elysée, explique, mauvais joueur : « Peuh ! Le général de Villiers n’a voulu que mettre en scène sa démission. » Bigre ! Notre gouvernement serait-il schizophrénique pour tenir compte de ce qu’a dit le général tout en prétendant qu’il ne l’a pas dit ? On l'aura deviné : cette perfidie était en fait pour l'information du peuple. Oui mais là, le peuple se marre, tout comme au Tartuffe de Molière.

Heureusement, il y a des choses plus sérieuses. Par exemple, à peine nommés, le garde des sceaux Bayrou et les ministres, dont on a déjà oublié les noms, issus du MODEM et ralliés à Macron, démissionnaient parce que soupçonnés d’avoir employé à leur QG parisien des attachés parlementaires européens. C’est la pétulante Corinne Lepage qui aurait vendu la mèche, dans un livre publié plusieurs mois avant… qu'elle rejoigne elle-même le MODEM (c'est la logique typique d'une personne qui veut le pouvoir à n'importe quel prix). Depuis, silence radar. 
Et voilà maintenant l’affaire Pénicaud. Edouard Philippe perd ses nerfs, se cabre : « Ah non, ça suffit ! Elle ne démissionnera que si elle est mise en examen - na ! »
- Et aucun journaliste n’a demandé à Ubu s’il était au courant quand il est parti pour Las Vegas ?
- Oh ben non, i’ peuvent pas : il a fait savoir que c’est lui-même qui se poserait les questions désormais.
- D’accord. Mais pour eux-mêmes, et pour nous, les journalistes ne pouvaient pas la poser, cette question ?
- …

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