vendredi 30 novembre 2018

Se battre pour des emplois qui polluent, ça n’a plus de sens.

Le Luxembourg est un formidable pays ! Le gouvernement de ce formidable pays fait en ce moment un doigt d’honneur au gouvernement du grand pays qu’est la France.

Quand le gouvernement français refuse toute augmentation du SMIC, au nom de la compétitivité qui serait la seule façon de défendre l’emploi (on se marre, mais c’est tragique d’être aussi fourbe, et en même temps si bête), le gouvernement luxembourgeois va augmenter le SMIC de 100 euros par mois.

Quand le gouvernement français taxe les carburants, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique,  le gouvernement luxembourgeois continue sa politique du carburant bon marché qui vient encore de baisser à la pompe avec par exemple le gazole à 1 euro 09 centime.

Quand le gouvernement français laisse le CICE s’engloutir dans les poches de MM. Arnaud, Mulliez et compagnie, qui continuent dans leurs supermarchés de nous fourguer de la merdre à bouffer, le gouvernement luxembourgeois annonce un soutien direct et massif à son agriculture biologique. 
Le Luxembourg est donc formidablement écolo ! Il réclame d’ailleurs la fermeture de la centrale nucléaire de Cattenom, et se dit même prêt à payer pour. C’est fort, quand même !
Bon, avec les retombées de la pollution automobile, le bio a déjà du plomb dans la cuisse, même en admettant que le carburant luxembourgeois soit consommé pour la plus grande part en France et que le CO2 et autres gaz d’échappement ne traversent pas la frontière. Pour ce qui est des investissements luxembourgeois dans d’autres pays, on ne sait pas s’ils sont vraiment écolos, mais l’argent n’ayant pas d’odeur…

Quoi qu'il en soit, le Luxembourg est quand même un formidable pays pour se payer le luxe de refuser les 120 emplois directs, plus un wagon d’indirects, promis par le pollueur Knauf. Refusé justement, ce projet Knauf, parce qu’il faisait tousser les Grëngen, les écolos luxembourgeois.

La France est en revanche un grand pays misérable qui n’a pas les moyens de ce luxe ; la France n’a plus aucun choix, pas d’alternative : elle doit accepter les pires merdres industrielles, quel qu’en soit le prix. En Moselle Nord, il paraît même qu’on pleure à gros bouillons, qu’on mendie pour avoir de l’emploi, et quand on en trouve un peu, tout le monde en chœur se réjouit amèrement avec le président du conseil général : « Des emplois, des emplois, quelle chance ! ».

Allons, allons, qu’est-ce que c’est que 120 emplois sur bientôt 100.000 frontaliers français ? Ca ne pèse pas. 120 voitures de moins sur l’autoroute, ça ne pèse pas. De si maigres retombées fiscales, ça ne pèse pas.
Enfin, est-ce que les ouvriers français veulent vraiment travailler en France pour un SMIC de misère ? Est-ce qu’ils ne préfèrent pas s’exiler au Luxembourg, où ça paiera bientôt double ?
Pourquoi donc regretter les hauts-fourneaux, et se battre pour qu’ils rouvrent, alors qu’on était finalement heureux qu’ils aient arrêté de nous empoisonner avec leurs rejets aussi mortels qu’un cubilot de chez Knauf ?

Petite paie et pollution, voilà à quoi les travailleurs de la Moselle Nord, et de France en général, sont réduits. Ben oui, ils ne sont pas assez compétitifs : les charges sociales sont trop élevées, les salaires sont trop élevés, les normes environnementales sont trop contraignantes.
Et comme le gouvernement français continue de baisser les charges et les salaires (au regard de l’inflation) et s’assoit un peu sur les normes environnementales, il est prévisible que nous n’aurons plus jamais d’autres industries chez nous que les plus polluantes d’Europe, celles que les autres se paient le luxe de refuser. (Ah ben oui, l’Europe, il fallait bien que ça sorte. C’est tout de même le conseil des ministres de l’Union Européenne qui permet au Luxembourg de sucer le pognon des autres pays et de leur faire en plus un doigt d’honneur.)

Alors, franchement, pleurnicher pour avoir, côté français, une usine Knauf ou un haut-fourneau qui nous empoisonneront de toute façon, quel que soit le côté où ils se trouvent, sous prétexte d’emploi, ça n’a plus de sens.

Pour respirer un air propre, nous allons tous travailler au Luxembourg. Le problème des déplacements ? Allez. Ce sera tellement engorgé, tellement enfumé, qu’on sera enfin obligé de mettre des solutions sur la table (augmentation phénoménale de la taxe carbone !?). On va créer une super mégalopole Luxembourg Arlon, Longwy, Thionville, Trèves, dans laquelle aucune usine polluante ne sera admise. Ca sera plus grand que le grand Paris. On construira un métro qui desservira le moindre patelin qui sera lui-même noyé dans la grande cité. Tout autour, ce sera le désert, et outre-mer seront tous les pollueurs, qui enverront par conteneurs toute la bouffe et les biens dont nous aurons besoin… mais pas grave : nous auront du boulot !

Non, je déconne. Ça, c’est un cauchemar. On va simplement refuser Knauf et tous ces emplois pourris qui contribuent à nous tuer et on s’inventera un autre monde, ensemble, tranquillement… tant qu’on a encore une protection sociale qui laisse le temps de se retourner. Enfin ceux qui ont cette chance...

Point de vue : Pablo Servigne, collapsologue : https://youtu.be/kSVA5Q79Urc

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