La biodiversité, les écosystèmes,
la qualité de l’air et la qualité de l’eau, le climat, la planète, l’humanité sont
en danger. J’ai découvert ça il y a un demi-siècle, avec « L’An O1 »
de Gébé et en lisant « La Gueule Ouverte » ; dès ma première fois,
j’ai voté René Dumont, puis quelques autres écolos après lui.
Mais les Verts ont très vite été
récupérés, ils sont entrés dans les partis traditionnels, ils ont participé à
des gouvernements, ils ont mis du vin dans leur eau, ils ont baissé le froc en
échange d’un peu du pouvoir et ont fini par devenir des politiciens politicards
au discours parfois plus électoraliste qu’écologique.
A se compromettre ainsi, la pensée
écologiste a peut-être gagné en visibilité et peut-être permis des mesures
importantes pour atténuer les effets désastreux du libéralisme capitaliste
économique, comme course sans fin au profit dans laquelle le souci de
l’environnement et de la santé n’interviennent que comme dégâts collatéraux sans
importance, mais elle s’est surtout reniée et dépréciée pour devenir peu à peu
la caution de politiques qui avant tout visent à ne rien changer au modèle
économique dès lors qu’il ne s’agit pas de l’étendre ou de l’endurcir encore.
L’écologie que le gouvernement
prétend mettre au centre de ses préoccupations est en fait complètement dans la
marge ; son budget et ses moyens en sont la preuve. Avec la Macronie, un seuil a en outre été
franchi : l’écologie est maintenant une arme de classe contre les pauvres,
contre les travailleurs, contre le peuple. Le devoir écologique en effet ne
s’applique qu’aux pauvres, aux travailleurs, au peuple (les citoyens qui
subissent tout sans jamais avoir voix au chapitre).
Les industries polluantes sont
subventionnées, les porte-conteneurs et les avions cargo exonérés des taxes sur
les carburants, les financiers investissent dans tout ce qui rapporte tout de
suite et beaucoup et donc pas du tout dans les productions propres qui leur
reviendraient certes trop cher, ce qui minorerait leur bénéfice, tandis que le monarque élyséen dépense sans compter, voyageant
avec sa cour de par le monde en brûlant des tonnes de kérosène sans l’ombre
d’un scrupule.
En même temps, les pauvres, les
travailleurs, le peuple se voient taxés, pour la bonne cause, évidemment :
fini le chauffage au bois, changez la chaudière ; finie la bagnole pas
chère ; changez la voiture ; isolez vos maisons ; payez pour
l’eau, payez pour l’air ; payez pour les erreurs du passé (l’amiante, le
tout nucléaire), et cetera. Sauf que tout ça coûte des sous, beaucoup de sous.
Ceux qui ne comptent pas leurs sous peuvent se payer ce luxe de changer de voiture, de chaudière et de toiture et, en prime, se targuer d’être écolos. Oui, changer son mode de consommation et prétendre
se soucier du climat, de la biodiversité, de la qualité de l’air et de l’eau,
tout ça est un luxe que les pauvres, les travailleurs smicards, le peuple ne
peuvent pas se permettre sans consentir au sacrifice d’autres pans de leur vie.
Polluer mais vivre d’une part, faire
écolo mais crever d’autre part, ils n’ont pas d’autre alternative. C’est très
précisément ce que la politique de Macron, soi-disant écologique mais
véritablement de classe, comme dans l’Ancien Régime, met en lumière quand elle pousse les
gilets jaunes dans la rue. Ce qui rend la pilule encore plus amère, c’est que les réfractaires à l’étranglement fiscal sont de surcroît accusés par Macron soi-même
d’irresponsabilité, de destruction de la planète.
Cette politique met aussi
en lumière la fourberie de ce pouvoir, et de Macron en personne, et leur bêtise quand pour préserver les
mesquins intérêts de la classe des super riches, ils se tirent une balle dans le
pied. Un jour, il leur faudra beaucoup mieux payer les CRS pour qu’ils restent
fidèles au roi contre le peuple.
Ce matin, Yves Veyrier, du
syndicat FO, était au micro de l’inénarrable tandem Demorand-Salamé de
France-Inter. Comme d’habitude, ils avaient préparé une interview accusatoire,
procédé journalistique désormais banal et célèbre qu'on ne connaît qu'en France (qu’on enseigne peut-être dans
les écoles de journalisme ?) dont toutes les questions visent à obliger
l’interviewé à se défendre ou à se renier afin de conforter dans l’esprit de
l’auditeur que les opposants à la pensée gouvernementale pataugent dans de
glauques marécages bassement politicards.
Veyrier l'a dit : il n’est pas contre le
nucléaire, pas pour non plus. En fait, FO défend le nucléaire mais ne
veut pas le dire trop fort afin que les écolos de tout-venant ne lui tombent pas sur le râble, tout en le disant assez fort pour que les gens qui
travaillent dans le nucléaire l’entendent. On le lui fait donc répéter à dessein.
Bon, le syndicat, c’est fait pour
défendre les intérêts des travailleurs. L’intérêt des travailleurs, c’est leur
salaire, leurs conditions de travail, pas beaucoup plus, et c'est déjà assez difficile à défendre. On ne peut par exemple être (ouvertement) pacifiste quand on bosse dans
l’industrie de l’armement.
Les travailleurs ne se payeront le
luxe de devenir écolos que lorsqu’ils n’auront plus besoin de compter leurs
sous à partir du 15 du mois. (De la même façon, allez donc parler d’écologie
aux enfants indiens qui par leur travail font survivre leur famille !)
Alors, oui, cette situation génère pour les pauvres, les travailleurs, le
peuple, tout un tas de dilemmes - par exemple, accepter n’importe quel boulot pour
vivre un peu bien ou renoncer à un certain confort pour préserver sa santé
- qui de toute façon se résumeront à une
souffrance, quelle que soit l'option choisie.
Si vous avez bien écouté Macron,
et bien analysé tout le discours autour du phénomène des gilets jaunes, vous en
avez forcément tiré une leçon : opposer emploi et travail au souci de
l’environnement et de la santé, c’est une manière de diviser le peuple. Tomber
dans ce piège, c’est donc d’une part, conforter la puissance du monarque, d’autre
part laisser perdurer tranquillement le modèle économique qui est cause de cette contradiction.
Que les écologistes n’aboient pas
avec le pouvoir contre les gens qui veulent juste défendre leur pouvoir d’achat
et vivre dans une relative sécurité pécuniaire. Que les syndicats et les défenseurs
de l’emploi ne soutiennent pas aveuglément les industries les plus polluantes
sous prétexte qu’elles donnent du boulot.
Ces deux mondes doivent se
rejoindre dans la même lutte, pour se comprendre, se compléter, affirmer la volonté de rechercher des solutions nationales, européennes,
mondiales, universelles, même si elles ne sont d’abord qu’idéales et plus ou moins
lointaines, mais pour le bien de tous. Le reste pourra se discuter point par
point, au jour le jour. Pour ça, la France Insoumise a déjà un programme, l'Avenir en Commun.
Ah oui, pour finir sur une note humoristique, une petite
perle de Salamé, ce matin, disant au secrétaire de Force Ouvrière « Est-ce
que les gilets jaunes ne font pas finalement la démonstration de votre
inutilité ? » Vraiment, la pensée totalitaire est En Marche.
Analyse très lucide a méditer
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