lundi 4 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 48

RANDOMISATION
Aux infos télé d'hier soir, nous apprenions d'un présentateur un peu confus que la grande étude européenne “Discovery”, sur l'évaluation de quatre ou cinq traitements contre le covid-19, n'a rien donné, aucune conclusion, pas même la conclusion scientifiquement validée que conclure n'était pas possible. Ben mince alors ! Cette annonce triomphante d'une coopération entre états membres de l'UE (enfin solidaires), tout ce battage pompeux et ces scientifiques mobilisés pendant des semaines, tout ça pour que dalle ?
Je ne peux pas le croire. Qu'est-ce qui a foiré ? On a eu affaire à des incapables ?
Le Monde peut révèler aux gens cultivés la vérité qu'à la télé ils ont toujours du mal à dire au péquin ordinaire :
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/01/covid-19-sur-les-essais-cliniques-l-europe-est-un-echec_6038383_1650684.html
"L'Union Européenne, c'est vraiment de la merde." (Josette, gilet jaune)
 Ou alors, peut-être que les résultats sont bien établis, mais ne font pas plaisir aux laboratoires pharmaceutiques qui comptaient bien faire leur beurre avec le SARS-CoV-2 (une occase en or !) et qui susurrent à l'oreille des gouvernements qu'il vaudrait mieux que le grand public de cons que nous sommes n'apprenne pas qu'ils ont voulu nous fourguer n'importe quoi, mais très cher. 
Et si les équipes médicales dans tous les pays concernés ont traîné la patte pour participer à l'étude, c'est peut-être parce qu'elles ont senti le coup tordu. Non, je déconne, il n'y a pas de complot de Big Pharma...
Mais il y a peut être une autre raison.
Vous savez à peu près comme moi en quoi consiste une étude randomisée, ce que devait être Discovery, étude que, selon certains, il fallait absolument faire avant d'administrer le moindre traitement aux malades. En gros, on fait deux groupes de malades, dont l'un recevra le traitement dont on veut tester l'efficacité, l'autre des pilules à l'eau claire, selon des règles expliquées ci-après.

"Critères de qualité d’une étude randomisée

Deux critères essentiels doivent être respectés pour prétendre à un niveau de preuve :
  • L'attribution dans un groupe se fait de façon aléatoire par tirage au sort (randomisation)
  • La répartition des groupes se fait à l'insu des participants (étude en aveugle) et éventuellement des cliniciens (double aveugle)
Une étude randomisée permet ainsi d'établir formellement un lien de causalité, sous réserve qu'aucune source de biais secondaire ne soit été introduite en cours d'essai (comme par exemple des procédures de suivi différentes dans les deux groupes). Sans groupe témoin, l'effet du traitement se composera de l'effet intrinsèque du médicament additionné de l'effet placebo."
Si on est logique, on dira que le fait de craindre l'effet placebo, c'est reconnaître son efficacité - on peut donc guérir sans médicament si on croit qu'on en a reçu un ?
Je me suis demandé avec effroi si on prévenait les malades qu'on allait faire sur eux une petite expérience, mais je n'ai trouvé la réponse que là, et pas tout à fait formelle :
Voici l'extrait qui nous intéresse : 

"Problèmes éthiques

Si l'efficacité statistique des études en double aveugle ne fait aucun doute, celles-ci ne sont pas sans poser des problèmes éthiques. En effet, si les essais mettent en jeux des cobayes animaux, s'ils font intervenir des pathologies bénignes, ou des traitements d'une efficacité présumée douteuse, il n'y a alors pas de problème pour employer des placebos. La situation est cependant différente dans le cas de pathologies lourdes, qui font intervenir des tests sur des humains. Fournir des placebos à des patients, alors que des études pilotes ont pu par exemple par ailleurs confirmer l'efficacité d'un traitement, frôle avec les limites de l'éthique médicale et des principes annoncés par la Déclaration d'HelsinkiLes responsables des études ont en effet souvent tendance à dégager leur responsabilité par la signature du consentement éclairé du patient, alors que le plus souvent ce dernier n'a pas d'autre alternative que de donner son accord sinon de refuser tout traitement, en étant peu à même de juger de la pertinence ou de l'opportunité des essais auxquels il est soumis."
Ca va, on a compris que dans ce genre d'étude les malades sont traités comme de pauvres souris de laboratoire.
On peut donc raisonnablement douter que dans le contexte actuel les médecins aient espéré trouver des volontaires pour prendre le risque d'être dans le groupe qu'on fera seulement semblant de soigner. Bon, il y a toujours les soignants qui peuvent se porter volontaires quand leur chef le demande, et si ça rate, on pourra toujours les rattraper – on a confiance, en ses collègues, oui ou non ?
Mais imposer aux gens la torture de l'ignorance quant à leur traitement, leur demander en quelque sorte de se sacrifier pour la science, je trouve ça un brin nazillon. Oui, oui, nazillon, parce qu'en plus, comme le signale l'article ci-avant, le malade qui arrive à l'hôpital avec des symptômes déjà sévères, n'a pas le choix puisqu'en dehors de l'essai randomisé, il n'a aucune chance d'être traité avant les résultats de l'étude - principe de précaution, des fois que le médicament lui serait fatal !
Oui, c'est un raisonnement de fou. Et j'incline à penser que ce sont les médecins, dans leur grande majorité, qui ont refusé de jouer à ce jeu de roulette russe pour faire leur véritable boulot qui est de soigner par tous les moyens qui leur semblent bons.
C'était pas une idée de Macron, cette grande étude Discovery ?
Non, ne répondez pas, écoutez plutôt Jean-Dominique Michel (un suisse !) dont l'interview m'a été envoyée par Guillaume. Du début à la fin, ça vaut le coup. 

*****************

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire