dimanche 10 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 54

 CONTRÔLE
Parvenu en cette veille de déconfinement, ayant vidé mon sac, je clos aujourd'hui cette chronique, car si j'insistais, je crains fort de ne pouvoir que me répéter. J'avais en réserve, depuis quelque temps déjà, dans le but d'alimenter une réflexion sur les médias, une courte vidéo (15 mn) d'une conférence que Gilles Deleuze a donnée en 1987 et dont je ne voyais pas trop  comment l'utiliser.
Ce que j'aime chez les philosophes, c'est leur manière de dire les choses. Voilà des gens qui  réfléchissent durant des mois, des années, après quoi ils vous livrent, avec l'aplomb de l'évidence, en une ou deux phrases, le résultat de leurs cogitations, vous laissant le soin de reconstruire le cheminement de leur pensée. C'est une énigme, un défi lancé, destiné à ébranler la machine du cerveau, un appel à l'intelligence.
Qu'est-ce qu'ils nous racontent, ces philosophes ? Comment en sont-il arrivés à des conclusions aussi éloignées de la pensée commune ?
Vous pouvez bien sûr acheter leurs livres, afin de tenter de comprendre leurs raisonnements, ce qui vous amènera toujours, au fil de leurs citations et références, à voyager fort loin et longtemps dans les jungles de la philosophie. Vous pouvez aussi lire un résumé pêché dans Wikipedia, mais vous serez déçus la plupart du temps. Vous pouvez enfin simplement fouiller dans l'arsenal de vos propres connaissances et de vos cogitations antérieures, et vous bricoler votre interprétation du concept que le grand penseur, la grande penseuse, viennent de vous donner en pâture. 
Ceci est de loin l'exercice le plus satisfaisant pour l'esprit. "Nous aimons exercer notre puissance de pensée, n'est-ce pas ?" disait mon vieux prof de philo. Et tout à coup, cette affirmation qui de prime abord semblait exagérée, infondée, gratuite, revêtait pour ses élèves le caractère de la vérité, par effet d'aiguillon. Jean-Paul Sorg n'était pas comme Gilles Deleuze, péremptoire et sûr - en apparence - de délivrer des évidences ; non, toutes ses affirmations se tempéraient de leur propre mise en question, jalonnées de "n'est-ce pas ?", "peut-être", "il semble que"... Mais le résultat était le même : mise en service des "petites cellules grises".
 Allons, assez disserté ! Gilles Deleuze, à propos de la société de contrôle, c'est en suivant le lien ci-après.https://iphilo.fr/2018/01/12/gilles-deleuze-linformation-cest-la-societe-de-controle/

Certains éléments du discours de Deleuze s'appliquent parfaitement à notre situation actuelle, dans comme hors confinement.
"On pourrait dire simplement que ce qu'on appelle la communication est la transmission et la propagation d'une information.
L'information n'est qu'un ensemble de mots d'ordre. Quand on vous informe, on vous dit ce que vous êtes censé devoir croire... ou censé faire semblant de croire."Jamais l'information télévisuelle de masse n'a mieux collé à cette définition. 
"Informer, c'est donc faire circuler des mots d'ordres. En cela, l'information constitue un système du contrôle. Nous entrons dans une société de contrôle."
"Michel Foucault distinguait :
- des sociétés de souveraineté
 [le souverain, un roi ou une autre forme de pouvoir, impose par la force son bon vouloir et des règles de vie arbitraires à la masse des gens] 
- et des sociétés disciplinaires [la vie sociale (et individuelle !) est soumise à des règles, à des lois, réputées consenties, et le pouvoir délégué surveille et punit en cas de manquement]. 
Pour nous, le passage de la première à la seconde s'est fait à partir de Napoléon. 
La société disciplinaire dans laquelle nous sommes encore se caractérise par la constitution de milieux d'enfermement : prison, école, atelier, hôpital..."
Difficile d'imaginer l'hôpital dans cette liste des enfermements, n'est-ce pas ? Il aurait dit caserne, d'accord. L'atelier d'accord, surtout si l'on songe à l'usine où des ouvriers spécialisés en rangs d'oignons font toute la journée le même geste. L'école, même, est le lieu d'enfermement où l'enfant apprend les règles et la discipline. Mais l'hôpital... ? Ah oui, l'Ehpad, c'est sûr. Les soins palliatifs, aussi. Même un banal séjour : pas de sorties, pas de visites...
"L'information est le système contrôlé des mots d'ordre. Nous sommes en train de passer d'une  société disciplinaire à une  société de contrôle qui n'aura plus besoin de lieux d'enfermement."
Deleuze ne connaissait pas les possibilités que l'informatique encore balbutiante a révélées rapidement pas la suite, mais il les avait conjecturées, comme d'autres d'ailleurs. Ce n'est pas un tel hasard que le moyen suprême de ce contrôle s'appelle informatique, information - et mots d'ordre - distribués automatiquement. Et on voit bien aujourd'hui à quel point notre société avance à grandes foulées vers le contrôle absolu des individus : 
- prison ouverte avec le bracelet électronique, bracelet que d'aucuns veulent étendre à d'autres usages 
- radars et boîtes noires, le PV surprise reçu par courrier
- enseignement à distance, vanté comme l'ultime progrès de la pédagogie (la dernière des conneries, oui) 
- travail à distance, avec contrôle de l'activité par l'ordinateur connecté
- caméras de ville avec reconnaissance faciale
- détecteurs  infra-rouge de température et tracking des malades
- flicage des échanges sur Internet ...
Vous trouverez sans difficulté d'autres manifestations de ce frénétique besoin de contrôler nos vies. 
Si nous nous laissons faire, nous n'aurons plus que l'illusion de la liberté, parce que nous porterons la police sur nous en permanence, dans toutes sortes d'objets d'apparence banale et utilitaire, et chacun finira par devenir le flic de soi-même. Et pourquoi pas bientôt la décharge électrique - justice immanente - au moindre faux pas ? 
Est-ce désirable ? Est-ce souhaitable ?  Pouvons-nous lutter ?
"Il y a bien sûr la contre-information, celle qui n'est pas un mot d'ordre", celle qui rétablit la vérité des faits, mais "la contre-information n'a jamais gêné les pouvoirs".
Deleuze a vu juste. Le pouvoir d'aujourd'hui, dans notre société de contrôle, a la parade absolue à la contre-information : il a le monopole de la "diffusion des mots d'ordre" puisque les supports d'information lui appartiennent ; journaux, télés, radios, tous, hormis deux ou trois, appartiennent à des milliardaires, même Google et tout l'Internet qui pourtant nous laissent faire de la contre-information. Quand ça les gêne, ils font dire fake-news et théorie du complot. 
 Pouvons-nous lutter ?
"La contre-information devient efficace quand elle se fait résistance."
Résistance est le cri de ralliement des Insoumis.

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Je croyais en avoir fini, mais ma belle-soeur m'a transmis un long message qui a quelque chose à voir avec la société de contrôle et dont voici, en deux extraits, les sujets résumés :
"Bill Gates veut faire vacciner 7 milliards d’individus au plus vite"
et celui-ci :
"Le Projet ID2020
“C’est encore une autre initiative financée par la Fondation Gates et par l’alliance GAVI, qui vise à développer des technologies pour aider les citoyens à bénéficier d’une identité numérique. L’objectif est de donner une identité numérique à chaque citoyen du monde à laquelle seraient associées toutes ses informations de santé. Votre passeport dit votre adresse postale, votre taille, votre sexe et la couleur de vos yeux. Dans certains pays on y ajoute votre religion. Dans votre passeport numérique sous la peau, l’ensemble de vos données médicales seront réunies. Naturellement les porteurs du projet ID2020 affirment développer ce projet pour le bien-être de l’humanité. Leur argument principal est la détresse des plus pauvres sur la planète, qui n’ont pas d’identité. Ils n’existent pas vraiment alors qu’avec le projet ID2020, ils seraient rendus à la vie !”

Voilà. Amies, amis, à un de ces jours peut-être.
Prenez soin des autres.
Richard


samedi 9 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 53

ETERNITE

A mon réveil, je me suis cru sur la lune. Pas celle de mes braves Sélénites ; non, la lune des hallucinés. C'est que le journal de France Inter ne débitait ce matin, à un rythme infernal, que des informations qui ne manqueront pas de piquer votre bons sens comme elles ont piqué le mien, quant au fonctionnement de notre société. Jugez-en.
1. "Des parents séparés, l'un voulant remettre leur enfant à l'école, l'autre non, prétendent régler leur désaccord devant la justice. Ca risque d'être long. Des avocats ont donc [déjà] créé une plate-forme de conseil pour les aider." Ou les faire simplement patienter jusqu'à ce que ça ne serve plus à rien, puisque l'école sera redevenue obligatoire avant que les tribunaux soient désengorgés. On peut se demander en effet ce qu'un juge pourrait juger en la matière, puisque chaque parent est dans son droit, en l'état actuel des choses. Sans nier leur utilité, les avocats, comme les psy', ça fait vraiment business de tout.

2. "Mea culpa de l'APHP, assistance publique et hôpitaux de Paris, qui avait annoncé trop vite l'efficacité du tooo... tocilizumab." J'avais déjà entendu que le reee... remedesivir n'avait pas vraiment fait ses preuves chez nous, qu'il était sans effet aucun dans la République Populaire de Chine, et cela malgré qu'il a eu des résultats positifs encourageants au USA. Le Pr Raoult dit par ailleurs que son protocole marche à fond la caisse, tandis que d'autres disent que nib, ou qu'il faut voir, qu'il faut attendre les résultats des études. Je me demande vraiment si tous ces gens-là connaissent leur métier, je me demande aussi s'ils ne seraient pas un petit peu malhonnêtes (intellectuellement). 
Si hypothèses avérées, quelle serait la pire des deux ? Ca donne le vertige, ou le frisson, pas vrai ? 

3. Faisant le décompte des morts, la journaliste cite "le Royaume-Uni comme le pays le plus touché en Europe et les Etats-Unis le plus touché au monde". 
En nombre de morts, c'est vrai ; mais cela a-t-il un sens autrement que rapporté à la population ? Voici les chiffres trouvés ici (1) et là (2).
                  morts de covid-19
payspopulationnombrepourcentagepar 100.000 habitants
Espagne 46 700 000262990,05656
Italie60 600 000302010,05050
Royaume-Uni67 500 000312410,04646
France65 100 000262300,04040
Etats-Unis329 100 000782000,02424
 Avec 24 morts pour 100.000 habitants, les Etats-Unis sont en fait le pays le moins touché de ceux que j'ai pris en exemple. La France, bien qu'en bonne place, est loin derrière. 
C'est inquiétant - non ? - de devoir supposer que nos journalistes main-stream n'ont pas assez d'intelligence pour penser à mettre les chiffres bruts en perspective. Si en revanche ils y ont pensé, on en déduit forcément qu'il sont malhonnêtes (intellectuellement). Ce qui est plus inquiétant encore.
5. "Dans le monde, le covid a fait 275.000 morts." C'est bien peu, allez, comparé aux 9.000.000 de personnes qui chaque année meurent trop tôt à cause de la pollution de l'air. Même BFM le fait savoir : 
https://www.bfmtv.com/actualite/la-pollution-de-l-air-fait-9-millions-de-morts-par-an-dans-le-monde-selon-une-nouvelle-etude-1651154.html

6. "Le Pakistan renonce au confinement. Parce que pour une majorité de Pakistanais pauvres dans un pays pauvre, c'est prendre le risque du covid ou mourir de faim." Qu'est-ce que nous ferions à leur place ? Eh bien, nous avons dès le début répondu à cette question en apprenant avec soulagement que les supermarchés resteraient ouverts et maintenant, avec autant de soulagement, que nous allons de nouveau pouvoir gagner des sous pour acheter à manger (sauf les cafetiers et les restaurateurs qui eux finiront comme des Pakistanais)

7. Il y a cette femme (je n'ai malheureusement pas retenu son nom), médecin spécialiste des soins palliatifs, qui rappelle que "la réanimation avec intubation est une agression du corps, une épreuve dont on ne sort pas sans difficultés", et qui réclame donc "qu'on laisse les malades, même âgés, même faibles, ou avant qu'ils en arrivent à un stade critique, choisir ou refuser la réanimation". Ce rappel au respect de la dignité humaine me paraît indispensable en cette période d'urgence sanitaire qui pourrait bien favoriser certains excès. On n'a pas le droit de soigner les gens contre leur volonté. Ceux qui penseraient le contraire n'ont qu'à songer aux médecins nazis.

8. Les psy' préviennent : "Il va falloir mettre en place des cellules psychologiques pour les élèves qui reprendront la classe." Nous allons d'ailleurs tous avoir besoin d'un suivi réparateur ; je l'ai entendu d'un autre psy sur une autre chaîne : "Vous n'imaginez pas les dégâts que le confinement aura fait, qui pourront se traduire en troubles divers, dépressions, névroses, qui ressortiront même dans cinq ou dix ans..." D'où la nécessité, bien sûr, d'un suivi très long... à cinquante balles la séance de trente minutes. Sans nier leur utilité, les psy', comme les avocats, ça fait vraiment business de tout.

Et après tout, peut-être ont-ils raison. Médecins, chercheurs, spécialistes de tout poil, politiciens, journalistes, tous sont en train de nous rendre fous. Chacun de nous sait bien qu'il faudra un jour sortir des règles du déconfinement, difficile à envisager comme mode de relation humaine - à moins que nous acceptions d'évoluer vers une autre espèce, humainement déconnectée, robotisée numériquement connectée -, mais quand nous songeons à la grippe qui va arriver en septembre, que nous soyons désormais inquiétés par ce danger-là aussi ou simplement d'un esprit logique, nous comprenons aussitôt que le confinement devrait n'avoir jamais aucune fin. 

Parce que nous aurons bientôt intégré l'idée qu'un seul mort sera toujours un mort de trop. Je ne parle pas des morts d'accident de la route ou du travail, pas des morts d'alcoolisme, de tabac ou de malbouffe, pas des morts de pauvreté ou de solitude, et pas des morts de la pollution... Non, seuls les morts d'épidémie nous seront devenus insupportables. A moins que... à moins que la Grande Industrie Pharmaceutique nous sorte de sa manche un vaccin, plusieurs vaccins, un vaccin par multinationale. Et là, miracle ! seulement là, nous serons instantanément sauvés de la grande peur qui nous paralyse. Plus besoin de se confiner ? Mais non, puisqu'on vous le dit ! Bien sûr, il y aura encore des morts du coronavirus, et par milliers, comme il y a des milliers de morts de la grippe malgré les vaccins, mais nous n'en aurons cure, parce que nous serons vaccinés. 
Le vaccin, ce sera, c'est déjà, comme Jésus, Allah ou Vishnu, un effet placebo à la puissance divine. Et son saint-siège, sans le moindre doute, se trouve à Genève. Applaudissons le seigneur.

En réalité, nous sommes d'ores et déjà dans une société schizophrénique qui fait de nous des schizophrènes. Il est grand temps d'en sortir. Comment ? Peut-être qu'en commençant à chercher ensemble... ? 

Amies, amis, à demain, pour la dernière.



vendredi 8 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 52

JOUER
Bon. La rentrée en mode déconfinement approchant, chacun se rend davantage et mieux compte que n'a aucune solution l'équation qui voudrait qu'on enseigne les élèves avec profit tout en les fliquant pour les gestes de protection (barrières ! je n'arrive pas à me mettre dans la tête ce mot-là), aucune solution tant qu'on reste dans des locaux soudain devenus exigus, à moins qu'on ait pour ambition de ne faire que de la garderie, et encore, ce qui néanmoins ne serait pas si mal. 

Bon. A moins aussi qu'on se réinvente, comme dit si souvent le président Macron. Je peux être d'accord avec lui sur le mot, mais pas avec l'a-sens qu'il lui donne en ne nous expliquant pas comment lui-même compte se réinventer. Mais alors, quand il nous prie si gentiment de le faire, veut-il signifier que nous sommes en panne d'intelligence ou en train de dormir, bercés par le train-train des réformes du code du travail et du système des retraites, par le bradage des entreprises nationales et la paupérisation des services publics ? Il ne l'a pas dit. Peut-être qu'il ne sait pas. Je vais donc l'aider. Se réinventer, ça pourrait être regarder le monde par l'autre bout de la lorgnette, en descendant de son nuage, en soulevant le tapis, en bougeant les meubles, de biais en louchant, ou écouter la rumeur des banlieues et des campagnes, la clameur qui monte des ronds-points. Se réinventer ne se fait pas qu'en temps de crise, mais en permanence. A peine une conviction est acquise, il faut déjà et à nouveau la soumettre à l'épreuve de la réalité, en permanence s'autoriser le doute. . 

Bon. Je me réinvente. J'ouvre la barrière des règles, celle que j'ai par routine intériorisée, et je me laisse aller, imaginant un contre-pied de ce qu'on attend de moi. Je suis en exercice. Si le problème des gestes barrière est insoluble dans une salle de classe, le serait-il encore dans une salle des fêtes ou dans un gymnase ? Non. Mais puisque le soleil brille, j'emmène mes quinze élèves, chacun le casse-croûte, la bouteille d'eau et quelques feuilles de papier toilettes dans le sac à dos, avec son calepin, son crayon, son téléphone portable pour faire des photos et des recherches sur Internet ; je les emmène dans les prés, dans les bois, au bord du ruisseau où en ce moment la vie se manifeste dans toute sa puissance, et on se fait tous ensemble (à autant de mètres qu'on veut les uns des autres) une journée de leçons joyeuses. N'y a-t-il pas suffisamment d'espace à l'entour du village pour respecter l'affreuse, insupportable distanciation sociale ?

Bon. Le sujet de ce jour m'est venu d'un témoignage entendu à la radio que Francine m'a répété : "Faire respecter les règles dans la classe sera difficile, et plus difficile encore pendant la récréation. Il va falloir inventer des jeux qui ne demandent pas qu'on se touche." Je me suis pensé "Tu n'as qu'à supprimer la récré !" Mais non, je blague ; et je suis injuste, j'en conviens ; cela m'est bien facile d'ironiser de chez moi, sachant que je n'aurai pas à gérer la classe dans ces conditions insensées. 
J'ai tout de même trouvé un peu gênante cette interrogation publique sur la difficulté à trouver des jeux de cour. D'abord, je n'aime pas qu'on se plaigne. Oui, les enfants sont bruyants, inattentifs, désobéissants, étourdis, fatigués le vendredi par la semaine de classe et fatigués le lundi d'un weekend débridé avec leurs parents... Mais ça fait partie du boulot. Ensuite, il me semble que la capacité, ou plus exactement la volonté, le désir, d'invention fait aussi partie du boulot, est une des aptitudes professionnelles de l'enseignant. Et enfin, des catalogues de jeux, ce n'est pas ce qui manque... non ?
Bon. D'accord, des jeux d'enfants qui ne demandent pas qu'on se touche, il ne doit pas y en avoir beaucoup. Ou alors qui ressemblent un peu à l'école pendant un cours... Quelle galère ! 
Le sujet d'aujourd'hui m'a été inspiré aussi par une trouvaille que j'ai faite en mettant de l'ordre dans mes affaires. Il s'agit d'un vieux film que j'ai réalisé en 1999 avec les élèves de ma classe. L'idée m'en était venue des discussions que j'ai eues - et que nous poursuivons encore - avec mon vieux prof de philo, Jean-Paul Sorg. J'ai appris beaucoup de lui, et en particulier, pour le sujet qui nous occupe, une chose qu'à l'époque je n'avais pas su analyser, à savoir qu'il existait une culture enfantine, au sens du bien commun à une population, qui se transmettait de génération en génération, indépendamment de celle de leurs parents et des adultes en général. Il parlait déjà au passé, d'un temps quand les enfants, toutes tranches d'âges mêlées, organisaient leurs loisirs ensemble, hors de vue des parents et des maîtres. Pour m'en convaincre à nouveau, il me suffit de me remémorer notre bande de copains, courant la campagne ou jouant avec les filles de la rue, et comment le petit citadin que j'étais avait appris d'eux, des plus âgés, les jeux, les chansons, les techniques du bois et du feu, les mots qui servaient à désigner les choses de notre univers, que leurs propres aînés leur avaient transmis.
Bon. J'ai entrepris ce film - vite fait et non achevé - avec la complicité de mes élèves de grande section de maternelle. C'est un inventaire illustré des jeux d'enfants dont je pensais qu'ils allaient bientôt complètement tomber à l'oubli. Qu'en est-il aujourd'hui, en 2020 ? 
Amies, amis, à demain.
Le film est ici : https://youtu.be/12E9WJtYaVs

jeudi 7 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 51

VACCIN
L'Organisation Mondiale de la Santé n'a plus de sous ? 
Elle nous tend la sébile, obligée de mendier ? Si c'est pas malheureux ! Mais pourquoi donc ? 
Elle a un projet particulier. En quelques mots, ici :
https://www.lefigaro.fr/flash-eco/coronavirus-l-oms-mobilise-le-monde-pour-un-acces-universel-aux-vaccins-20200424.
On s'étonne quand même qu'une organisation aussi importante ne profite pas de toute cette richesse produite année après année - à voir pour 2019 en un clic ici : 
https://www.credit-suisse.com/about-us-news/fr/articles/media-releases/global-wealth-report-2019--global-wealth-rises-by-2-6--driven-by-201910.html .
Bon, il est vrai qu'on apprend aussi que + 2,6% de croissance (de la richesse) est "un taux très modeste". Et puis, il y a Donald qui a coupé les vivres parce que l'OMS serait trop copine avec les Chinois sournois qui ont attaqué les Etats-Unis en créant un virus dont il savaient qu'il entrerait aux States avec les porte-clés "The big apple" qu'on vend aux touristes à New-York (je raconte ça parce que j'ai été très déçu, après en avoir acheté un, de lire en tout petit sur la tranche "made in China" Tu parles d'un souvenir de NY ! Oui, j'ai passé une semaine là-bas en 2007, très instructive. Je vous raconterai...)
Où en étais-je ? Ah oui, pour aider l'OMS, nos chefs d'état européens appellent aux dons :
 https://www.huffingtonpost.fr/entry/pour-aider-la-recherche-contre-le-covid-19-des-dirigeants-europeens-appellent-aux-dons_fr_5eac8fc8c5b639d6e5761cd5 
C'est pas vrai, je rêve. Même si ce sont les états et les entreprises (Bayer et Sanofi ?) qui sont sollicités en premier, c'est aussi et encore à nous,  pas bien riches et déjà sollicités par les Restaus du Coeur, les Compagnons d'Emmaüs, le Secours Populaire, la Fondation des Hôpitaux de Paris, Médecins sans Frontière et la SPA, qu'on demande de mettre la main à la poche. C'est que plus d'un milliard d'habitants en Europe et aux Etats-Unis qui donneraient chacun un dollar renfloueraient déjà l'OMS de la totalité de son budget fixé pour les états.

Mais donc comment vit l'OMS ?
Pour l'essentiel :
"- Le budget programme 2020-2021 s’élèvera à 5,840 milliards de dollars américains (soit 5,365 milliards d’euros)
- Le budget est partagé entre les contributions fixées pour les Etats membres (au nombre de 192), qui représentent presque 20% du budget de l’OMS (environ un milliard de dollars), et des contributions volontaires, pour les 80% restants.
- Les cinq premières contributions fixées pour le budget programme 2020-2021 sont celles des Etats-Unis (22%), de la Chine (12%), du Japon (8,6%), de l’Allemagne (6,1%) et du Royaume-Uni (4,6%). La France est en sixième position (4,4%), (soit au total 56,7%)
- Les contributions volontaires, quant à elles, peuvent être versées par des Etats membres mais aussi par des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des acteurs publics ou privés.
Les Etats membres sont les principaux contributeurs volontaires, ils apportent 52% de la somme totale. Les Etats-Unis sont aussi le premier contributeur volontaire, à hauteur de 281 millions de dollars (environ 260 millions d’euros)"
Une liste des contributeurs de 2017 (pas le temps de chercher plus récent) est ici :
https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA71/A71_INF2-fr.pdf?ua=1
"- Le second contributeur volontaire – et premier contributeur non étatique – est la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, qui a apporté 229 millions de dollars américains (soit 211 millions d’euros)"
La page d'accueil de GAVI :
https://www.gavi.org/fr/modele-de-fonctionnement/modele-de-partenariat-de-gavi/la-fondation-bill-melinda 

Je vous laisse digérer, tirer vos conclusions ou faire d'autres recherches que vous voudrez peut-être partager...

Et si vous avez encore du temps, faites un tour chez l'excellent Frédéric Taddéi (je le rappelle : viré de la chaîne publique parce qu'il donnait à comprendre et à réfléchir) pour écouter les invités de son émission "Interdit d’interdire" (sur Russia Today), à propos de la gestion de l'épidémie par
la Suède et le Portugal : https://www.youtube.com/watch?v=Anu6eoAWVag
 
Amies, amis, à demain.

mercredi 6 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 50

LE MONDE D'APRES

J'avais préparé mon texte hier soir mais j'ai reçu ce matin ces deux informations que je ne peux m'empêcher de partager immédiatement avec vous, amis, amies, parce qu'évidemment elles confortent mon opinion et parce que mon objectif, toujours militant, est de vous convaincre. Cela pouvait-il vous échapper ?
De Francine, qui est sur son ordinateur dans la pièce à côté, cet article du maire de Hettange-Grande (le deuxième sur cette page) à propos de la rentrée scolaire : 
http://www.ville-hettange-grande.com/actualites/
La moelle de ces deux prises de position ressortit à la question de l'exercice de la démocratie. D'un côté, des centaines de députés à qui le guide ordonne de marcher au pas, de l'autre un maire qui tient compte de l'avis des administrés.

Ceci fait, revenons à nos moutons. 
Le monde d'après, l'oeil humide et la tête penchée, craché juré, "ne sera plus jamais comme avant". Ah, combien de fois aurons-nous entendu ce mantra ! Et gravement,  nous opinions du chef.
C'était au début. Quand nous frémissions encore d'indignation et d'espoir. Mais à présent, il est clair que ce remords, ce mea culpa, cette promesse (on ne sait comment dire) sont oubliés comme le sont chaque année les bonnes résolutions de la Saint-Sylvestre. Après deux mois de godille, d'informations contradictoires et quelques mensonges, nous sommes las et vidés.
L'un ou l'une de vous, je ne sais plus qui - pardon -, m'avait envoyé une série de citations et de dessins d'humour dans laquelle figurait un aphorisme de Hannah Arendt qui disait à peu près ceci : après que par l'information et la désinformation, on a bien déboussolé un peuple, au point qu'il ne sache plus où est la vérité, on peut le mener n'importe où, là où on veut. 
C'est à peine à présent si nous nous demandons encore comment sera demain. Nous ne savons déjà plus nous projeter dans l'inconnu : l'aventure est-elle trop anxiogène ? Et en même temps, le monde qu'on nous promet, fait de dépression économique, de faillites, de chômage, de dette qu'il faudra rembourser jusqu'à la troisième génération en travaillant et en payant plus d'impôts tout en acceptant de nouvelles coupes budgétaires dans les services publics - sauf dans la police - n'est-il pas plus angoissant encore que l'inconnu ?

Qu'importe, nous ne croyons plus dans la possibilité d'un changement venant de nos dirigeants ; nous ne croyons plus en nous-mêmes, en notre courage ; nous sommes résignés. Alors, et c'est bien humain, nous oublions tout ce tracas qui donne le tournis et nous avons juste envie de courir nous rouler sur les pelouses des parcs, nous vautrer sur le sable des plages, nous taper dans la pogne, partager quelque chose, n'importe quoi, ne serait-ce qu'un banc public avec une personne non masquée, comme avant. Que tout redevienne seulement comme avant. Après cette galère, ce serait déjà bien.
Je dis nous, mais j'abuse. C'est qui, ce nous ? Vous et moi, ensemble ? Eh, pas forcément, vous êtes bien placés pour en juger. Moi, en tout cas, je résiste.
Enfin, j'essaie... de garder le moral... par sens du devoir.

J'avais préparé cette ébauche d'un inventaire des promesses d'un monde d'après (je n'ai pas tout lu, ni tout vu, juste survolé, question de temps. Alors vous pouvez bien faire pareil : choisissez)
- le monde d'après, c'est déjà maintenant grâce à la Commission Européenne (vidéo, 3'47)
https://www.youtube.com/watch?v=fwme3X0dQpM
- le monde de Bassens, une vidéo divertissante (17'22)
https://www.youtube.com/watch?v=8tfNkjth8VQ
- le bidonville va-t-il disparaître après ? vidéo (4'15)
https://www.youtube.com/watch?v=j7fb2JbxtDY

 Et je finirai sur une note d'optimisme volontariste et résistant avec :
Amies, amis, à l'après !
Euh... à demain.

mardi 5 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 49

EFFET PLACEBO

Le Dr Stéphane Lolignier, maître de conférences à la Faculté de Médecine de Clermont-Ferrand, au laboratoire de pharmacologie médicale, a réagi à RANDOMISATION, ma page d'hier. 
Je vous fais part de l'échange.

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"Quelques précisions, que je trouve importantes, par rapport à ton dernier mail. 
- La randomisation permet de s'assurer que les groupes sont homogènes en terme d'âge, de sexe, de comorbidité, etc... Par exemple, pour le cas du Covid qui nous intéresse, on sait maintenant que les femmes et les jeunes sont moins à risque. Si on donne un médicament A à un groupe qui contient 70% de femmes et un médicament B à un groupe qui en contient 50%, on pourra voir une amélioration du pronostic dans le groupe A et penser, à tord, que l'on a affaire à un médicament efficace. C'est ce qu'on appelle un biais expérimental. La randomisation permet d'éviter cela au maximum.
- L'effet placebo est hyper important, quel que soit le domaine d'étude. Dans mon domaine, la douleur, il est particulièrement puissant et peut représenter jusqu'à 70% de l'effet d'un médicament. Ce n'est pas de la magie, ce sont des phénomènes biologiques bien concrets que l'on peut observer, mesurer, et même bloquer (mais pour soigner l'idée est plutôt de maximiser l'effet placebo). On sait aussi que certains facteurs favorisent l'effet placebo (petite pilule plutôt que grosse pilule, médecin en blouse blanche plutôt qu'en pull, hôpital plutôt que cabinet de généraliste, etc...). Il y a des études vraiment passionnantes sur le sujet. Bref, tout ça pour dire que si l'on teste un médicament anti-douleur sans le comparer à un groupe placebo, on lui trouvera quasi-systématiquement un effet positif, et cela même si le médicament n'a pas la moindre efficacité intrinsèque. Le risque c'est donc de mettre sur le marché un médicament, avec comme tous les médicaments une toxicité et des effets indésirables potentiels, mais sans aucun bénéfice thérapeutique.
- Autre chose d'hyper important à comprendre, c'est que placebo ne veut pas dire “pas de traitement”. Quand une personne se porte volontaire pour une étude clinique, elle doit bénéficier au minimum du traitement qui lui serait donné en dehors de l'essai clinique. Par exemple, si on fait une étude pour un traitement contre un type de cancer, les patients auront soit le traitement expérimental, soit le traitement de référence. Comme c'est dit dans ton mail, on a l'impression qu'on laisse volontairement des gens mourir dans un groupe quand on soigne les gens dans l'autre. Ce n'est pas ça du tout : on fournit les soins de référence dans un groupe pendant que dans l'autre groupe, on essaie quelque chose de nouveau qui pourra être mieux, pareil, ou pire que le traitement classique. Si on fait l'essai c'est justement que l'on ne le sait pas. Pour le cas du Covid, les patients des groupes contrôle n'auront pas de traitement curatif puisqu'il n'en existe pas. Ils auront par contre les traitements symptomatiques que l'on donne à tout le monde à l’hôpital, et n'auront pas moins de chances de s'en sortir que les autres.
- Enfin, lorsque l'on fait une étude clinique, il est obligatoire d'expliquer au patient en quoi consiste l'étude et d'avoir son consentement (ou celui de la famille dans le cas particulier d'un essai en réanimation si le patient est inconscient). C'est justement l'un des nombreux reproches qui ont été faits à Raoult : avoir fait un essai clinique sauvage sans faire signer aucun formulaire de consentement. Mais bon, on entend beaucoup moins ses “supporters” parler de lui depuis qu'il passe son temps entre BFMTV ou chez Paris Match pour lécher le cul de Macron. A la limite ça le regarde, mais j'aurais préféré qu'on s'intéresse plus au contenu de ses travaux qu'à sa vie publique ou privée. Ca aurait permis d'avancer plus vite sur d'autres pistes.
- Concernant les autres pistes d'ailleurs, et l'étude Discovery en particulier (ne pas oublier qu'il y en a d'autres, l'histoire récente nous montre à quel point on est vite déçu quand on a mis tous ses oeufs dans le même panier), s'ils avaient eu des résultats préliminaires incroyables, on le saurait déjà. Les résultats de l'étude Discovery seront publiés, il ne faut pas en douter, mais malheureusement il ne faut s'attendre à aucun miracle. Au mieux on aura quelque chose du type Remdesivir, à savoir une amélioration qui va à peine justifier une utilisation large en clinique. Pour le moment ça parait être une infection particulièrement difficile à soigner, en tout cas avec les outils dont on dispose. On verra ce que donne par exemple le Tocilizumab (et d'autres immunosuppresseurs en cours d'essai). Mais pour l'instant les résultats définitifs ne sont pas connus. Au passage, l'étude Discovery n'est pas l'idée de Macron :) Je veux bien qu'on mélange science, médecine et politique en ce moment mais faut pas déconner, chacun son métier ! On a vu outre-atlantique ce que ça donne quand les idées viennent du premier de cordée."

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Je m'explique :
"Je mettrai d'abord de côté la personnalité de Raoult. Chacun la sienne : Gainsbourg écrivait de belles chansons, mais il pouvait être très con (résumé de mon opinion). Je trouve simplement l'approche du médecin plus adaptée que celle du chercheur en cette circonstance. 
Ensuite, même si je grossis toujours le trait, je n'accuse pas les médecins chercheurs de laisser les gens mourir, mais de ne pas leur donner des chances égales. Si on pense que tel traitement doit faire effet, c'est qu'on a des raisons, alors on le donne et on voit tout de suite si ça marche ou pas, avec ou sans l'effet placebo additionnel, en particulier s'il s'agit d'une pathologie grave. Ca me paraît le bon sens.
A cet égard, il ne me semble pas que Raoult ait parlé d'avoir réalisé une étude. Ou alors, j'ai raté... Il a juste publié les résultats d'un traitement sur un certain nombre de malades. Quand par exemple un cardiologue prescrit un traitement contre l'hypertension, il ne fait pas signer un papier...
Enfin, pour Macron, c'était de la malice, une blague, évidemment."
 
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 Il répond.
"On est d'accord sur Raoult, comme sur Gainsbourg d'ailleurs !
Je comprends l'envie que l'on peut avoir de donner les mêmes chances (ou malchances !) à tout le monde d'un coup dès qu'une nouvelle piste est explorée. Mais si l'on part de ce principe selon lequel toute nouvelle piste thérapeutique est forcément efficace et sans danger, et qu'il faut en faire profiter tout le monde tout de suite, alors pourquoi même réaliser un essai clinique et ne le réserver qu'à un petit groupe de volontaires ? Autant le mettre sur le marché directement pour que tout le monde en profite, non ? Quand on débute un essai clinique, tu as raison, on a toujours de bonnes raisons de croire à nos hypothèses. Mais dans les faits, moins de 1% des nouveaux médicaments qui fond l'objet d'un protocole clinique finissent sur le marché (et je ne te raconte pas le tri qui est fait en amont grâce aux tests in vitro puis in vivo chez l'animal). Il y a un nombre infini de choses qui restent imprévisibles quand on donne un nouveau médicament, ou même un ancien mais dans un contexte pathologique nouveau, à une dose nouvelle, ou en association avec une autre molécule. Et encore une fois, quand on fait un essai clinique, la seule façon d'isoler l'effet placebo pour savoir si le médicament apporte un réel avantage, c'est bien d'avoir un groupe placebo (ou comme la plupart du temps un groupe contrôle qui reçoit le médicament de référence, et qui intégrera donc l'effet placebo en plus de l'effet thérapeutique).
Pour que tu comprennes les enjeux qu'il y a derrière tout ça, une petite mise en situation : je suis un industriel et je travail depuis 10 ans sur un nouvel antidépresseur. J'ai déjà dépensé des centaines de millions d'euros pour son développement, mais les derniers résultats obtenus chez la souris ne sont pas du tout encourageants, loin de là. Si j'abandonne le projet les actionnaires ne vont pas être contents... Et adieu ma promotion ! Mais si je fais une étude clinique sans groupe contrôle, ma molécule va avoir un effet incroyable (merci l'effet placébo, qui dans ce cas constituera 100% de l'effet observé), et hop, une mise sur le marché obtenue les yeux fermés et des milliards de retour sur investissement. Si ça a pu être possible par le passé, heureusement ça ne l'est plus en France. Je grossis moi aussi le trait, et je me place volontairement de côté des "méchants", mais c'est vraiment ce qui a pu se passer maintes fois par le passé, et c'est à cause (ou grâce) à ça que l'on a maintenant des règles strictes.
Quant à Raoult, il a bien réalisé une étude puisqu'il a prescrit une association de médicaments hors AMM (autorisation de mise sur le marché). C'est parfaitement autorisé, mais ça doit être déclaré, notamment au comité de protection des personnes, et c'est considéré comme une étude. Mais bon je ne m'inquiète aucunement pour lui, il va se faire gronder mais il fait partie des intouchables. Et ton cardiologue, lui comme Raoult, n'a aucune obligation de te faire signer un formulaire de consentement s'il te prescrit un antihypertenseur dans le cadre de son AMM. S'il s'agit d'un médicament expérimental, alors c'est obligatoire.
Il est quand même bien “malicieux” notre ami Raoult pour téléphoner à la première dame, recevoir le président à l'IHU et en faire l'éloge dans plusieurs médias de première qualité journalistique. Sacré farceur... Plus c'est gros, plus ça passe, décidément."

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De cet échange, je retiens en particulier que "L'effet placebo est hyper important, quel que soit le domaine d'étude. Dans mon domaine, la douleur, il est particulièrement puissant et peut représenter jusqu'à 70% de l'effet d'un médicament. Ce n'est pas de la magie, ce sont des phénomènes biologiques bien concrets que l'on peut observer, mesurer, et même bloquer (mais pour soigner l'idée est plutôt de maximiser l'effet placebo)." 

Ce phénomène ne devrait-il pas interpeller les gens qui se gaussent un peu vite des médecines anciennes tels que le chamanisme, la phytothérapie ou le magnétisme des rebouteux ?
Voici un point de départ, si l'on veut s'intéresser au sujet : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/planete-geo/l-importance-des-medecines-ancestrales_1765367.html

Amies, amis, à demain.

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lundi 4 mai 2020

Journal de déconfinement – jour 48

RANDOMISATION
Aux infos télé d'hier soir, nous apprenions d'un présentateur un peu confus que la grande étude européenne “Discovery”, sur l'évaluation de quatre ou cinq traitements contre le covid-19, n'a rien donné, aucune conclusion, pas même la conclusion scientifiquement validée que conclure n'était pas possible. Ben mince alors ! Cette annonce triomphante d'une coopération entre états membres de l'UE (enfin solidaires), tout ce battage pompeux et ces scientifiques mobilisés pendant des semaines, tout ça pour que dalle ?
Je ne peux pas le croire. Qu'est-ce qui a foiré ? On a eu affaire à des incapables ?
Le Monde peut révèler aux gens cultivés la vérité qu'à la télé ils ont toujours du mal à dire au péquin ordinaire :
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/01/covid-19-sur-les-essais-cliniques-l-europe-est-un-echec_6038383_1650684.html
"L'Union Européenne, c'est vraiment de la merde." (Josette, gilet jaune)
 Ou alors, peut-être que les résultats sont bien établis, mais ne font pas plaisir aux laboratoires pharmaceutiques qui comptaient bien faire leur beurre avec le SARS-CoV-2 (une occase en or !) et qui susurrent à l'oreille des gouvernements qu'il vaudrait mieux que le grand public de cons que nous sommes n'apprenne pas qu'ils ont voulu nous fourguer n'importe quoi, mais très cher. 
Et si les équipes médicales dans tous les pays concernés ont traîné la patte pour participer à l'étude, c'est peut-être parce qu'elles ont senti le coup tordu. Non, je déconne, il n'y a pas de complot de Big Pharma...
Mais il y a peut être une autre raison.
Vous savez à peu près comme moi en quoi consiste une étude randomisée, ce que devait être Discovery, étude que, selon certains, il fallait absolument faire avant d'administrer le moindre traitement aux malades. En gros, on fait deux groupes de malades, dont l'un recevra le traitement dont on veut tester l'efficacité, l'autre des pilules à l'eau claire, selon des règles expliquées ci-après.

"Critères de qualité d’une étude randomisée

Deux critères essentiels doivent être respectés pour prétendre à un niveau de preuve :
  • L'attribution dans un groupe se fait de façon aléatoire par tirage au sort (randomisation)
  • La répartition des groupes se fait à l'insu des participants (étude en aveugle) et éventuellement des cliniciens (double aveugle)
Une étude randomisée permet ainsi d'établir formellement un lien de causalité, sous réserve qu'aucune source de biais secondaire ne soit été introduite en cours d'essai (comme par exemple des procédures de suivi différentes dans les deux groupes). Sans groupe témoin, l'effet du traitement se composera de l'effet intrinsèque du médicament additionné de l'effet placebo."
Si on est logique, on dira que le fait de craindre l'effet placebo, c'est reconnaître son efficacité - on peut donc guérir sans médicament si on croit qu'on en a reçu un ?
Je me suis demandé avec effroi si on prévenait les malades qu'on allait faire sur eux une petite expérience, mais je n'ai trouvé la réponse que là, et pas tout à fait formelle :
Voici l'extrait qui nous intéresse : 

"Problèmes éthiques

Si l'efficacité statistique des études en double aveugle ne fait aucun doute, celles-ci ne sont pas sans poser des problèmes éthiques. En effet, si les essais mettent en jeux des cobayes animaux, s'ils font intervenir des pathologies bénignes, ou des traitements d'une efficacité présumée douteuse, il n'y a alors pas de problème pour employer des placebos. La situation est cependant différente dans le cas de pathologies lourdes, qui font intervenir des tests sur des humains. Fournir des placebos à des patients, alors que des études pilotes ont pu par exemple par ailleurs confirmer l'efficacité d'un traitement, frôle avec les limites de l'éthique médicale et des principes annoncés par la Déclaration d'HelsinkiLes responsables des études ont en effet souvent tendance à dégager leur responsabilité par la signature du consentement éclairé du patient, alors que le plus souvent ce dernier n'a pas d'autre alternative que de donner son accord sinon de refuser tout traitement, en étant peu à même de juger de la pertinence ou de l'opportunité des essais auxquels il est soumis."
Ca va, on a compris que dans ce genre d'étude les malades sont traités comme de pauvres souris de laboratoire.
On peut donc raisonnablement douter que dans le contexte actuel les médecins aient espéré trouver des volontaires pour prendre le risque d'être dans le groupe qu'on fera seulement semblant de soigner. Bon, il y a toujours les soignants qui peuvent se porter volontaires quand leur chef le demande, et si ça rate, on pourra toujours les rattraper – on a confiance, en ses collègues, oui ou non ?
Mais imposer aux gens la torture de l'ignorance quant à leur traitement, leur demander en quelque sorte de se sacrifier pour la science, je trouve ça un brin nazillon. Oui, oui, nazillon, parce qu'en plus, comme le signale l'article ci-avant, le malade qui arrive à l'hôpital avec des symptômes déjà sévères, n'a pas le choix puisqu'en dehors de l'essai randomisé, il n'a aucune chance d'être traité avant les résultats de l'étude - principe de précaution, des fois que le médicament lui serait fatal !
Oui, c'est un raisonnement de fou. Et j'incline à penser que ce sont les médecins, dans leur grande majorité, qui ont refusé de jouer à ce jeu de roulette russe pour faire leur véritable boulot qui est de soigner par tous les moyens qui leur semblent bons.
C'était pas une idée de Macron, cette grande étude Discovery ?
Non, ne répondez pas, écoutez plutôt Jean-Dominique Michel (un suisse !) dont l'interview m'a été envoyée par Guillaume. Du début à la fin, ça vaut le coup. 

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