J’applique cette sentence à
la dimension des états : « Petit,
c’est bien aussi » ; et j’ajoute c’est même mieux.
(C’est
copié sur le dicton luxembourgeois « Schéi kromm as och schéin » :
« quand c’est de travers, c’est beau
aussi », ce qui signifie (peut-être) que le raté ou l’exception ont
autant de valeur que la perfection ou la norme.)
Les Luxembourgeois ne sont-ils
pas des gens sages ? Ils nomment leur propre pays « Ländchen »,
c'est-à-dire le petit pays. Je ne
crois pas qu’ils aient jamais désiré agrandir leur territoire en envahissant
leurs voisins. (Trop petits ? Ben oui, si tous les états étaient petits…) En
témoigne leur devise, « Mir wëllen bleiwen wat mir sinn », « nous voulons rester ce que nous sommes »,
c’est-à-dire petits, entre nous, et indépendants.
(Les
Luxembourgeois n’aiment pas plus les Français que les Allemands, c’est
historique, mais ils ne les détestent pas non plus.)
Les Luxembourgeois ne sont-ils
pas des gens intelligents, ou plutôt madrés, comme des paysans ? C’est
ainsi qu’ils ont choisi, après la mort de la sidérurgie, de devenir un paradis
fiscal… qui abriterait les pauvres entreprises et particuliers dont la richesse
fait l’objet de persécutions fiscales dans les autres pays d’Europe. Qu’à cette
époque, les gouvernements des autres pays d’Europe aient laissé faire prouve
naturellement leur complicité.
Moyennant quoi, les
Luxembourgeois vivent peut-être mieux que leurs voisins. Il y a des avantages à
vivre dans un petit pays.
En France, grand pays, des
Bretons, des Corses, des Basques naguère revendiquaient l’autonomie de leur
région, voire leur indépendance ; eux aussi se voulaient petits. Beaucoup
d’Alsaciens aspirent à quitter le Grand-Est pour former une région unique avec
davantage de compétences, mais ils n’osent toujours pas dire qu’ils n’aiment pas
La-France, trop jacobine, soumise au pouvoir absolu élyséen, intolérante à
l’égard des cultures régionales - ils sont pourtant moins radicaux que les
séparatistes majoritaires en Catalogne et en Lombardie !
Oui, le verdict est sorti des
urnes : les séparatistes sont majoritaires. Mais les états espagnol et
italien ne les entendent pas : Quand le gouvernement oppose un refus de
référendum ou envoie carrément l’armée des gendarmes avec les matraques et les
gaz pour « frapper son peuple », on comprend que la liberté des
peuples à disposer d’eux-mêmes n’existe pas.
Vous allez me dire que les
régionalistes ne sont que des égoïstes qui ne veulent pas partager leur
richesse avec les autres. Quand bien même ! Il y a des raisons bien plus
fondamentales : le sentiment d’appartenance à une culture commune ;
le sentiment que cette culture est incomprise, bafouée, menacée ; le rejet
du centralisme, du pouvoir lointain, de l’autoritarisme ; le désir enfin
d’une démocratie plus conforme à l’idée qu’on s’en fait, plus réactive, plus
proche du peuple, dont le peuple est réellement le maître.
Quant à La-France, elle serait
une et indivisible : la même loi sur tout le territoire et pour tous les
citoyens - pas une oreille qui dépasse. Pourtant, en Moselle, comme en Alsace, nous
avons des lois particulières, et qui nous conviennent très bien. Et puis il y a
l’Outre-Mer, la Nouvelle Calédonie en particulier, avec des statuts variés, des
prérogatives qui ne s’appliquent pas en métropole. La République une et
indivisible est donc une illusion ; la République peut tout à fait transiger,
admettre la division…
(Notre
Cinquième République et son actuel président des riches entretiennent même la
division, sur un plan différent : les capitalistes n’affirment-ils pas que
« Il n’y a pas de travail sans capital. » ? Ce qui à leurs yeux
justifie que le travailleur soit traité en esclave du capital. La formulation
conforme à la réalité est plutôt : « Sans capital, le travail ne
serait pas un esclavage et sans cet esclavage, il n’y aurait pas de
capital. » La majorité des travailleurs ne le savent pas, ils se laissent
assujettir et tondre sans protester.)
Revenons à nos moutons. Qu’est-ce
que ça ferait donc à l’Espagne, à l’Italie, à La-France de laisser quelques
régions s’émanciper ? Qu’est-ce que ça ferait à l’Europe si quelques pays
s’en détachaient ? Rien, parce que l’Espagne, l’Italie, La-France, sont en
grande partie des constructions de l’esprit qui ne peuvent donc pas répondre à
une question. Ceux qui répondent aux questions, ce sont des humains, les
gouvernements, les peuples, les électeurs, les individus.
Alors qu’est-ce que ça ferait
donc aux individus espagnols, italiens et français restants de ne plus compter
dans leurs rangs des Catalans, des Lombards et des Néo-Calédoniens ?
Qu’est-ce que ça nous a fait, à nous, Français, que les Britanniques aient quitté
l’Europe ? Rien non plus, parce que Français, Espagnol, Italien, Britannique,
sont également des constructions de l’esprit. Pour preuve : un Macron ou
un Bernard Arnault, français tous deux, ne verront pas leur francité de la même
manière qu’un Philippot ou un Depardieu qui ne la verront pas comme un
Cégétiste, un cheminot ou un salarié de Carrefour, sans parler, dans le
contexte actuel, d’un musulman ou d’un juif, tous également citoyens français.
Alors, pourquoi ne pas
laisser jouer la démocratie jusqu’au bout ? Laisser morceler ces empires
qui, tous ! se sont construits par les armes et parfois des génocides, et
ne tirent donc leur légitimité que de la loi du plus fort. Alors pourquoi les
gouvernements empêchent-t-ils, encore par les armes, toute émancipation ?
Pour quels intérêts nous refusent-ils de revenir à des entités petites, dans
lesquelles on se connaîtrait mieux, on se reconnaîtrait, librement, de la même culture,
du même peuple, de la même fratrie ? Voilà : Fraternité ! Le
joli mot, voilà le mot-clé, qui n’a cependant aucun sens dans le jeu politique
français.
Admettons que la Corse, après
referendum, réclame son indépendance et l’obtienne finalement après avoir
résisté aux gardes mobiles et à l’armée française. Est-ce que ça ferait une
différence pour les Mosellans ? Bof. Et peut-être que pour les corses ça ne
changerait pas grand-chose non plus. Ils n’auraient plus de subventions de
l’état français, ni de l’Europe, mais ils ne leur payeraient plus d’impôts. Ils
seraient en plein dans le circuit court. Mais ils auraient aussi des relations
économiques avec d’autres pays, directement avec la Chine, peut-être, ou
l’Afrique. Ils se feraient une petite constitution à leur main et s’inventeraient
un pays neuf, plus libre, plus égalitaire, plus fraternel, plus démocratique.
Et nous, on pourrait tranquillement
continuer de passer des vacances en Corse. Et on se dirait : ils vivent
bien, ces Corses, ils sont intelligents. Faisons comme eux. Et de citoyens et
travailleurs français, nous deviendrions citoyens et travailleurs de Moselle.
Peut-être même qu’on couperait la Moselle en petits bouts : la partie
nord-est retournerait avec l’Alsace, le sud resterait avec Metz et la région des
trois frontières se la jouerait perso... On pourrait croiser le président 3F et
ses ministres faisant leur marché le samedi matin à Thionville et ils sauraient
que le peuple les a à l’oeil. Ca ferait des envieux, et boule de neige, en
Europe.
« Mais, monsieur,
l’Union Européenne serait foutue ! » Justement, ce serait l’occasion
de construire une Europe fédérale qui respecterait les choix de chaque petit peuple.
Car l’Europe libérale peut très bien se défaire, le Brexit en est la preuve. La
France jacobine aussi peut changer. Mais pour ça, il faut aller voter. Et
d’abord manifester et faire grève, avec les camarades.
C'est tout le problème de la démocratie qui donne le pouvoir à un parti majoritaire ou, à défaut, à une coalition de partis minoritaires. Ceux qui n'ont pas le pouvoir, les minorités, se sentent floués et n'ont qu'un moyen pour faire passer leurs objectifs que l'autonomie ou l'indépendance.
RépondreSupprimerAinsi, les minorités ont tendance à se recroqueviller sur elle-même, entre personnes partageant des idées semblables pour se conforter mutuellement dans leurs opinions.
Cela va pour les minorités ethniques, religieuses, politiques ... Ce faisant, ces petits groupes peuvent être manipulés et devenir des cibles , voire des victimes pour des meneurs plus ou moins bien intentionnés. Alain
Je voulais dire que la démocratie s'accommode mal d'un cadre gigantesque, et que si les libertés individuelles ont un sens, alors la liberté de se déterminer en tant que groupe, si petit soit-il, doit également être acceptée, et que le morcellement politique n'est pas antinomique de l'universalisme. Au contraire. Mais bien sûr, nous (l'humanité) n'allons pas du tout dans cette direction.
SupprimerEt pour une simple raison: la prolifération de l'espèce humaine qui induit des guerres, la famine, la pollution, la disparition d'espèces animales et végétales et, aussi, l'obsolescence de la démocratie, impossible à appliquer dans des sociétés de dizaines de millions d'individus. Alors, c'est le retour de la loi du plus fort, de la minorité qui a l'arme, le pouvoir. Et cette minorité doit convaincre la majorité silencieuse que c'est ça la démocratie, grâce, notamment, aux élections avec leur deuxième tour bidonné.
RépondreSupprimerAlain