Connaissez-vous le projet de la région Grand Est pour les
lycées ? Supprimer les manuels scolaires et les remplacer par des
ordinateurs portables et des tablettes. Subventionnés, même pour les riches ! Espérons que le
lobby de l’industrie de l’informatique n’a pas trempé dans cette affaire…
« Enfin ! c’est formidable, c’est le
progrès ! » Entends-je clamer par ci, par là. Pourquoi ? Parce que c’est
moderne ? Savez-vous que les pays qui ont fait cette expérience en sont
revenus, font machine arrière, retour au livre, au papier et au crayon ?
Des enquêtes menées en Allemagne, par exemple, ont démontré que la tablette n’avait
rien apporté de positif par rapport au livre. Au contraire.
Mais nos élus n’en tiennent pas compte, et nous, Français, tels
des moutons, nous nous laissons faire. C’est le modernisme qui est tentant, pas
vrai ? Comme le téléphone portable : si tu ne le prends pas, t'as l'impression d'avoir raté quelque chose. Mais non, en fait la plupart du temps, t'as rien raté.
Le supermarché en son temps était moderne aussi, et
maintenant faire les courses demande dix fois plus de temps qu’avant, quand
l’épicerie était au bas de la rue principale du village. Et le glyphosate aussi
est moderne, mais je ne me souviens pas qu’on ait eu des problèmes sanitaires
quand on arrachait les mauvaises herbes à la binette. C’est bien parce qu’il
est dangereux que le glyphosate (le fameux Roundup) nous est interdit, à nous,
particuliers, non ? Les paysans en revanche ont encore le droit de répandre ce
produit dangereux sur leurs cultures (OGM, évidemment) et nos assiettes. C'est expliqué ici: https://fr.wikipedia.org/wiki/Glyphosate
Revenons à nos moutons. L’école primaire est également et gravement
touchée par l’introduction du glyph… euh, pardon, du tout numérique. Il y a, paraît-il,
de plus en plus d’écrans interactifs dans les salles de classe, qui coûtent la
peau des fesses et obligent à tenir les rideaux tirés toute la journée (parce
que bien sûr, l’écran reste allumé toute la journée, y compris pendant la
séance d’éducation physique). Y a-t-il eu expérimentation ? Y a-t-il eu
évaluation là où ça a été d’abord mis en place ? Non. Et quand je demande à
des collègues de me lister les formidables bénéfices que les élèves en
retirent, ils sont étonnés que je puisse poser la question, mais restent muets.
Ah non, pardon, ils ont un argument, en commun avec les experts
qui s’expriment dans les médias : « C’est plus ludique. »
Quoi ? Appuyer sur des touches (c’est à peu près tout ce qu’on peut faire en
numérique) serait donc une activité ludique ? Et si le geste est ludique, le
contenu s’apprend forcément mieux ? Je ne crois pas : ce qui
s’apprend le mieux, c’est ce qui questionne, aiguillonne l’intelligence. Le jeu
sur tablette, smart-phone, ordinateur ou console, qui fait appel à leur
intelligence, fût-elle seulement une intelligence manuelle (des pouces), les
enfants connaissent déjà, et tellement par cœur, que l’usage étriqué qu’on en fait à
l’école ne doit certainement pas beaucoup les motiver.
En vérité, le tout numérique facilite surtout le travail des
enseignants. Mais les apprentissages, ça reste à prouver ; en tout cas, ce
n’est pas une révolution pédagogique, sinon ça se saurait. Si le numérique a vraiment son utilité, il faut la penser, la préciser, la limiter à ce qui est
véritablement pertinent. Or, l’ordinateur, la tablette, le grand écran interactif,
ne sont souvent que des gadgets remplaçant mal ce qui jadis se faisait au
tableau ou sur papier, et c’est encore moins une modernité qu’une vile concession à
la mode.
Deux exemples des ravages de la modernité à l’école.
1. Le photocopieur. Depuis que le photocopieur est entré
dans les écoles, les élèves n’écrivent plus, ils cochent, ils relient. Les
cahiers au format Seyes, qu’on continue pourtant d’exiger, finissent quasi vierges
d’écriture manuelle, mais tout boursouflés par la colle et les photocopies empilées
les unes sur les autres tout au long de l’année. N’est-ce pas en écrivant, en
copiant, qu’on mémorise l’orthographe ou la table de multiplication ? Si
la réponse est oui, il faut interdire le photocopieur à l’école, ou au moins en
limiter considérablement l’usage.
Quand je pense qu’il y a eu des partisans de ne plus
apprendre les tables de multiplication, voire le calcul, sous prétexte qu’il
existait des calculatrices ! « Tu n’auras pas de calculatrice tant
que tu ne sauras pas calculer mentalement. » disait l’excellent Steve Jobs
à ses enfants. Prenons exemple sur lui : pas de photocopie tant que tu ne
sais pas faire une « rédaction » sans fautes !
2. Le QCM, questionnaire à choix multiple. La belle
invention venait d’Amérique. Et c’est ludique ! Là encore, facilité pour
les enseignants d’une part - ça se corrige d’un coup d’œil, voire par
apposition d’un cache - et d’autre part, facilité débilitante pour les
élèves : si on lit encore, en revanche on n’écrit rien, on coche, on
relie, on peut même répondre au hasard. Pour savoir si l’élève a compris, le
maître doit renouveler souvent l’exercice et s’en remettre au calcul des
probabilités et à la statistique.
Autrefois, on lisait aussi la question, mais surtout, on
rédigeait une réponse sous la forme d’une phrase - impossible de s’en remettre
au hasard, il fallait savoir. Sans doute cet exercice était-il trop formateur… et
trop chronophage, tant il est vrai que depuis 30 ans, le temps scolaire ayant
été réduit de 20%, il a fallu choisir entre approfondir les apprentissages ou
les expédier.
On ne s’y prendrait pas autrement si des élèves on voulait
faire des ânes. Mais c’est la marche irréversible du progrès - n'est- pas.
Courage, les parents !
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