dimanche 24 septembre 2017

A chaud, les avocats du Mexique.

Quand la sauvegarde de l’emploi tue (sous-titre)

L’autre soir sur France 2, c’était reportage sur le scandale des avocats mexicains. Une journaliste se balade là-bas dans les plantations d’avocats, souvent gagnées sur la forêt, qui font vivre tout un tas de gens pauvres dans des villages reculés loin, bien loin de la civilisation. Déjà, tu as un pincement au cœur quand tu vois les baraques dans lesquelles ils vivent : tant de misère ! Il faudra que tu y penses quand tu mangeras ton prochain avocat. (penser, oui, mais pour quoi faire ?)

Après le constat que de plus en plus d’enfants naissant dans le voisinage de ces plantations sont victimes de malformations, la journaliste se rend dans un hôpital du coin où elle interroge les soignants. A visage découvert, tous se taisent. Puis, ne se croyant plus filmés, ils avouent que « tout le monde ici sait le rapport qu’il y a entre les pesticides utilisés dans les plantations d’avocats et les malformations des enfants ».
Là, on a un cri du cœur : mais c’est dégueulasse ! Pourquoi ne le disent-ils pas ouvertement ? Pourquoi ne font-ils rien pour ces pauvres gens ? De quoi ont-ils peur ? 
Eh bien, je vous le dis, ils n’ont peur que d’une chose : perdre leur emploi, ce travail qui leur assure le minimum de sécurité : un toit et à manger. Mais qui donc exerce sur eux une telle pression ? La nécessité. La pénurie. Le système économique actuel et surtout ceux qui en tirent profit (ne croyez surtout pas qu’ils soient innocents.)

Puis la journaliste fait analyser, en France, par le plus éminent des spécialistes, les cheveux de collégiennes qui vivent également proches des plantations et dont certaines ressentent des troubles chroniques étranges et anormaux. Le résultat est effarant : leurs cheveux contiennent 11 pesticides différents et en quantité quatre fois plus grande que les cheveux des agriculteurs français. A noter que ces pesticides sont suspectés (seulement suspectés ?), à la suite de diverses études, d’être cancérogènes.

Forte de ces constatations, la courageuse journaliste va alors interpeller un représentant de l’administration mexicaine chargé justement de quelque chose en rapport avec les pesticides. Le pauvre ne semble pas comprendre ce qu’elle dit, défend la non-responsabilité du gouvernement, explique que son travail est d'informer ces ignorants d'ouvriers des dangers des pesticides, mais qu'il n'y peut rien s'ils ne se protègent pas davantage (mais à aucun moment n'est évoquée une possible action auprès des patrons, genre obligation de protéger les employés, sans doute parce que ça augmenterait leurs charges financières et ferait grimper le prix de l'avocat mexicain qui alors ne serait plus compétitif au niveau mondial...), le mec s’embrouille, parce qu'il sait parfaitement ce qu'il en est réellement, transpire abondamment... jusqu’à ce qu’une chargée de communication gouvernementale vienne lui sauver la mise ; elle ne connaît rien aux effets des pesticides sur les êtres vivants, mais en com’, elle assure : "Au revoir, circulez, y a rien à voir." Eh ben oui, c’est dégueulasse ; les ouvriers agricoles de ces plantations vont continuer d’être empoisonnés, malgré ce courageux reportage.

Mais ce qui est également dégueulasse, c’est d’abord que ces avocats arriveront dans notre supermarché de Hettange-Grande, où nous n’en achèterons que la moitié, l’autre étant d’office vouée à la poubelle, et ensuite que personne dans le reportage, comme dans le commentaire post-diffusion auquel nous avons eu droit, n’a relevé que les paysans français sont eux aussi chargés de pesticides, certes quatre fois moins que les petits enfants mexicains, mais tout de même assez pour quelquefois en mourir. 
Etre infecté par des substances exogènes dangereuses pour la santé est donc considéré comme normal. Jusqu'à quelle dose, s'il-vous-plaît ? Ca dépend du bon vouloir du pollueur, madame. Enfin merde! Ca aurait dû tilter, on ? Ben non, ça ne tilte pas. On peut donc se demander pourquoi la courageuse journaliste n’est pas allée poser la question à Nicolas Hulot.

Et là-dessus, le lendemain même, j’apprends que 50 agriculteurs français ont manifesté pour protester contre la volonté du ministre de la transition écologique et solidaire d'interdire le glyphosate, un herbicide (un seul !). Mais pourquoi donc ? Ils sont cons, ces paysans-là : ils veulent un permis de nous empoisonner ou quoi (la formule est de mon pote Alain) ?

« Mais non, faut pas exagérer. » plaide le bon gus. Nous n’exagérons pas (Alain et moi), ce sont les faits. Il faut seulement comprendre que le fond du problème pour eux est ailleurs que dans la santé publique. Le dialogue suivant vous montre où il est.
Josette : Dis donc, moi, plus question que j’achète des avocats du Mexique. Tu imagines tout ce qu’ils doivent contenir comme pesticides !
Kevin : D’accord, mais tu vas priver des milliers de familles de leurs revenus, les employés des plantations d’avocats du Mexique.
Josette : Tant pis, hein. Je préfère acheter français, c’est plus cher mais au moins je soutiens nos agriculteurs.
Kevin : Mais tu n’as pas entendu ? Eux aussi, ils traitent aux pesticides.
Josette : Un peu moins, quand même.

Vous voyez ? Notre santé est directement impactée, presque toujours en pire, par notre dépendance à l’égard de l’emploi. Dans ce cas précis, les ouvriers agricoles mexicains ont le choix entre mourir au travail, empoisonnés par les pesticides, ou mourir de faim au chômage. Même chose pour ces paysans français qui sont tellement endettés que s’ils n’obtiennent pas un rendement optimal grâce au glyphosate, ils seront obligés de fermer boutique. (Peut-être même y a-t-il une raison cachée encore plus terrible) 
Et pourquoi notre si vertueux ministre n’interdit-il pas purement et simplement tous les pesticides, tous ! (en voilà une dictature qui serait bonne, non ?) ? Parce qu’il veut préserver de l’emploi ? Oui, un peu. Du profit ? Oui, beaucoup. Nicolas Hulot est un gugusse.

Songez-y, analysez votre propre cas : le problème se pose dans les mêmes termes dans tous les domaines, pour tous les emplois. Nous sommes prisonniers de notre dette, de nos faux désirs, d’une logique qui n’est pas celle qui favorise la vie mais celle qui favorise le profit ; et le profit, c’est la mort. Nous sommes prisonniers mentaux d’une représentation du travail complètement pervertie. Si nous ne cassons pas ce cercle vicieux, le résultat sera que nous continuerons de crever à petit feu, tristes et jaunes, quel que soit notre choix.

Moralité.
Il faut que nous cessions de réclamer des emplois de merde dans des industries de merde, sales et inutiles. Nous devons refuser le progrès du dernier i-phone, de la bagnole « suréquipée », du tout numérique et du sèche-linge, et ne pas les acheter. Que les syndicats laissent donc les industries anti-écologiques être délocalisées, que les ouvriers jetés dans les affres du chômage se laissent vivre aux crochets de ceux qui peuvent leur payer l’aide sociale, que nous nous regardions vivre et comprenions que solidaires, il ne peut rien nous arriver de grave. Bref, qu’il advienne quelque chose enfin qui rende cette dictature économique caduque, inopérante, ne produisant plus aucun profit.

Gandhi n’a-t-il pas vaincu l’empire britannique par la non-violence ? Nous pouvons certainement vaincre le capitalisme par la paresse.

A bas le travail ! 
Camarades.

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