Quand la sauvegarde de l’emploi
tue (sous-titre)
L’autre soir sur France 2,
c’était reportage sur le scandale des avocats mexicains. Une journaliste se
balade là-bas dans les plantations d’avocats, souvent gagnées sur la forêt, qui
font vivre tout un tas de gens pauvres dans des villages reculés loin, bien loin
de la civilisation. Déjà, tu as un pincement au cœur quand tu vois les baraques
dans lesquelles ils vivent : tant de misère ! Il faudra que tu y
penses quand tu mangeras ton prochain avocat. (penser, oui, mais pour quoi
faire ?)
Après le constat que de plus en
plus d’enfants naissant dans le voisinage de ces plantations sont victimes de
malformations, la journaliste se rend dans un hôpital du coin où elle interroge
les soignants. A visage découvert, tous se taisent. Puis, ne se croyant plus
filmés, ils avouent que « tout le monde ici sait le rapport qu’il y a entre
les pesticides utilisés dans les plantations d’avocats et les malformations des
enfants ».
Là, on a un cri du cœur :
mais c’est dégueulasse ! Pourquoi ne le disent-ils pas ouvertement ?
Pourquoi ne font-ils rien pour ces pauvres gens ? De quoi ont-ils
peur ?
Eh bien, je vous le dis, ils n’ont peur que d’une chose :
perdre leur emploi, ce travail qui leur assure le minimum de sécurité : un
toit et à manger. Mais qui donc exerce sur eux une telle pression ? La
nécessité. La pénurie. Le système économique actuel et surtout ceux qui en
tirent profit (ne croyez surtout pas qu’ils soient innocents.)
Puis la journaliste fait
analyser, en France, par le plus éminent des spécialistes, les cheveux de
collégiennes qui vivent également proches des plantations et dont certaines
ressentent des troubles chroniques étranges et anormaux. Le résultat est
effarant : leurs cheveux contiennent 11 pesticides différents et en
quantité quatre fois plus grande que les cheveux des agriculteurs français. A
noter que ces pesticides sont suspectés (seulement suspectés ?), à la
suite de diverses études, d’être cancérogènes.
Forte de ces constatations, la
courageuse journaliste va alors interpeller un représentant de l’administration
mexicaine chargé justement de quelque chose en rapport avec les pesticides. Le
pauvre ne semble pas comprendre ce qu’elle dit, défend la non-responsabilité du
gouvernement, explique que son travail est d'informer ces ignorants d'ouvriers des dangers des pesticides, mais qu'il n'y peut rien s'ils ne se protègent pas davantage (mais à aucun moment n'est évoquée une possible action auprès des patrons, genre obligation de protéger les employés, sans doute parce que ça augmenterait leurs charges financières et ferait grimper le prix de l'avocat mexicain qui alors ne serait plus compétitif au niveau mondial...), le mec s’embrouille, parce qu'il sait parfaitement ce qu'il en est réellement, transpire abondamment... jusqu’à ce qu’une chargée de
communication gouvernementale vienne lui sauver la mise ; elle ne connaît
rien aux effets des pesticides sur les êtres vivants, mais en com’, elle
assure : "Au revoir, circulez, y a rien à voir." Eh ben oui, c’est dégueulasse ; les ouvriers agricoles de ces plantations vont continuer d’être empoisonnés,
malgré ce courageux reportage.
Mais ce qui est également
dégueulasse, c’est d’abord que ces avocats arriveront dans notre supermarché de
Hettange-Grande, où nous n’en achèterons que la moitié, l’autre étant d’office vouée
à la poubelle, et ensuite que personne dans le reportage, comme dans le
commentaire post-diffusion auquel nous avons eu droit, n’a relevé que les
paysans français sont eux aussi chargés de pesticides, certes quatre fois moins
que les petits enfants mexicains, mais tout de même assez pour quelquefois en
mourir.
Etre infecté par des substances exogènes dangereuses pour la santé est donc considéré comme normal. Jusqu'à quelle dose, s'il-vous-plaît ? Ca dépend du bon vouloir du pollueur, madame. Enfin merde! Ca aurait dû tilter, on ? Ben non, ça ne tilte pas. On peut donc se
demander pourquoi la courageuse journaliste n’est pas allée poser la question à
Nicolas Hulot.
Et là-dessus, le lendemain même,
j’apprends que 50 agriculteurs français ont manifesté pour protester contre la
volonté du ministre de la transition écologique et solidaire d'interdire le
glyphosate, un herbicide (un seul !). Mais pourquoi donc ? Ils sont
cons, ces paysans-là : ils veulent un permis de nous empoisonner ou quoi (la
formule est de mon pote Alain) ?
« Mais non, faut pas
exagérer. » plaide le bon gus. Nous n’exagérons pas (Alain et
moi), ce sont les faits. Il faut seulement comprendre que le fond du problème pour eux est ailleurs que dans la santé publique. Le dialogue suivant vous montre où il est.
Josette : Dis donc, moi,
plus question que j’achète des avocats du Mexique. Tu imagines tout ce qu’ils
doivent contenir comme pesticides !
Kevin : D’accord, mais tu
vas priver des milliers de familles de leurs revenus, les employés des
plantations d’avocats du Mexique.
Josette : Tant pis, hein. Je
préfère acheter français, c’est plus cher mais au moins je soutiens nos
agriculteurs.
Kevin : Mais tu n’as pas entendu ?
Eux aussi, ils traitent aux pesticides.
Josette : Un peu moins,
quand même.
Vous voyez ? Notre santé est
directement impactée, presque toujours en pire, par notre dépendance à l’égard
de l’emploi. Dans ce cas précis, les ouvriers agricoles mexicains ont le choix
entre mourir au travail, empoisonnés par les pesticides, ou mourir de faim au
chômage. Même chose pour ces paysans français qui sont tellement endettés que
s’ils n’obtiennent pas un rendement optimal grâce au glyphosate, ils seront
obligés de fermer boutique. (Peut-être même y a-t-il une raison cachée encore plus terrible)
Et pourquoi notre si vertueux ministre
n’interdit-il pas purement et simplement tous les pesticides, tous ! (en
voilà une dictature qui serait bonne, non ?) ? Parce qu’il veut préserver
de l’emploi ? Oui, un peu. Du profit ? Oui, beaucoup. Nicolas Hulot est un gugusse.
Songez-y, analysez votre propre
cas : le problème se pose dans les mêmes termes dans tous les domaines, pour
tous les emplois. Nous sommes prisonniers de notre dette, de nos faux désirs, d’une
logique qui n’est pas celle qui favorise la vie mais celle qui favorise le
profit ; et le profit, c’est la mort. Nous sommes prisonniers mentaux
d’une représentation du travail complètement pervertie. Si nous ne cassons pas
ce cercle vicieux, le résultat sera que nous continuerons de crever à petit
feu, tristes et jaunes, quel que soit notre choix.
Moralité.
Il faut que nous cessions de
réclamer des emplois de merde dans des industries de merde, sales et inutiles. Nous
devons refuser le progrès du dernier i-phone, de la bagnole « suréquipée »,
du tout numérique et du sèche-linge, et ne pas les acheter. Que les syndicats
laissent donc les industries anti-écologiques être délocalisées, que les ouvriers jetés
dans les affres du chômage se laissent vivre aux crochets de ceux qui peuvent
leur payer l’aide sociale, que nous nous regardions vivre et comprenions que
solidaires, il ne peut rien nous arriver de grave. Bref, qu’il advienne quelque
chose enfin qui rende cette dictature économique caduque, inopérante, ne produisant plus aucun profit.
Gandhi n’a-t-il pas vaincu
l’empire britannique par la non-violence ? Nous pouvons certainement
vaincre le capitalisme par la paresse.
A bas le travail !
Camarades.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire