mardi 31 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (6)


6. Les paramètres de pilotage du système universel à points.

"Article 55.
Le présent article fixe les modalités de pilotage financier du système universel de retraite."

"Le conseil d’administration détermine à cette fin (le respect de la règle d'or d'équilibre du système) les paramètres permettant de mettre en œuvre la trajectoire financière (modalités d’indexation des retraites, évolution de l’âge de référence, revalorisation des valeurs d’acquisition et de service, taux de cotisation et le cas échéant, produits financiers des réserves).

Mais bien sûr, "si la délibération du conseil d’administration ne respecte pas ces conditions d’équilibre, la loi de financement de la sécurité sociale de l’année (proposée par le gouvernement et votée par l'assemblée) fixe une nouvelle trajectoire."

S'agissant d'une "fixation annuelle des paramètres", le pilotage se fera donc au plus serré, "pour répondre aux aléas...", à l'aide de ces VARIABLES D'AJUSTEMENT qui permettront au gouvernement de baisser le montant des retraites lorsqu'il s'agira de sauvegarder l'équilibre financier du système.

A cet égard, le texte de la loi prévoit beaucoup de "blancs", des valeurs qui ne sont pas données, des formules de calcul qui ne sont pas précisées... et qui seront établies par ordonnance ou par décret.


6.1. l'âge d'équilibre et


6.2. les conditions du taux plein 

qui pourront tous deux être différents pour chaque tranche d'âge car ils dépendront de
l'espérance de vie de chacune.


6.3. La valeur de la décote pour départ avant l'âge d'équilibre sera également ajustable.


6.4. Le taux de cotisation

"Un décret fixera le niveau de la cotisation de retraite à 28,12 %.

Ca, c'est au départ. Suivent une série d'alinéas prenant en considération les taux et assiettes des régimes spéciaux qui devront "rentrer dans l'ordre" progressivement. Avec quelques adaptations. 

Si l'on compare avec les taux des cotisations actuelles, on constate des changements dont on comprend difficilement les raisons. 

a) Les cotisations globales vont commencer par augmenter sur la tranche 1 : de 27,77 à 28,12.
Cette tranche est étendue de 1 à 3 plafonds SS.
Cela fait donc davantage de cotisations !

b) Mais dans le même temps, les tranches entre 3 et 5 plafonds vont passer de 24,64% à 2,81%.
Et pour les tranches supérieures à 3 plafonds, il n’y a plus de cotisations ouvrant droit ! 
Cela fait donc moins de cotisations !

c) Il y aura une légère augmentation du taux général, de 27,77% à 28,12%, tandis que les cotisations salariales baisseront de 11,31% à 11,25%, soit 0,06 %.

Il n'est écrit nulle part si la règle d'établissement du plafond de la Sécurité Sociale va rester la même.



6.5. La valeur des points

C'est la grosse inconnue, le super paramètre de pilotage !


"Article 9.
 Les valeurs d’acquisition et de service du point seront déterminées par le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle, en tenant compte des projections financières du système de retraite. La valeur du point ne pourra pas baisser, " 


Cette dernière assertion est pour le moins confuse, sinon bizarre, car il existe deux valeurs du point. 
- Si la valeur du point à l'achat baisse, le salarié aura davantage de points pour sa retraite. c'est bon pour lui.
- Si en revanche, c'est la valeur de service qui baisse, ses points vaudront moins l'année de son départ.

Difficile de prévoir le montant de sa retraite dans ces conditions.


On lit encore : "Par défaut, l’évolution de la valeur du point sera garantie par des règles d’indexation [...] les valeurs d’acquisition et de service seront fixées par défaut en fonction de l’évolution annuelle du Revenu Moyen par Tête constatée par l’INSEE... "

Pourquoi ne pas simplement prévoir une indexation sur les salaires ? Edouard Philippe l'avait pourtant promis.

Eh bien voici encore une chose étonnante que le
 REVENU MOYEN PAR TETE ;
cet indicateur n'existe pas. 
L'INSEE devra le créer... en suivant les directives du gouvernement ?


Mais quelle est la valeur de départ ?
Eh bien, il n'y en a pas dans le texte de la loi.
Ca se décidera par décret. 


Si nous supposons cependant que le gouvernement en décidera en suivant les recommandations du rapport Delevoye, cela devrait donner ceci :

« Au démarrage de la réforme, et en l’état des hypothèses actuelles, le rendement d’équilibre du système, c’est-à-dire 
le rapport entre la valeur de service et la valeur d’acquisition des points, serait fixé à 5,5%. »

Remarquons d'abord que les hypothèses actuelles étant appelées à s’adapter à la réalité future, la valeur du point sera évidemment elle aussi appelée à s'adapter
Dans quel sens ? Ca dépendra !

On voit aussi que dans la présente hypothèse, les valeurs des deux types de points sont liées entre elles. Or, dans la loi, rien de tel n'est précisé.

Est-ce à dire que les valeurs du point de service et d'acquisition des points pourront varier                    indépendamment l'un de l'autre ?                                                                                                               
Est-ce à dire que deux salariés partant à une année d'intervalle ne bénéficieront pas du même tarif de vente de leurs points ?                                                                                                                                
Mais oui, évidemment, puisque c'est la valeur de service, révisée chaque année, qui sera prise en        compte au moment du départ en retraite.                                                                                                  

Non, un euro cotisé ne donnera pas la même retraite à tous.

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Par parenthèses, on peut rappeler ici le précédent suédois quand, sous le coup de la crise financière, la valeur du point avait brutalement été abaissée et que les retraités avaient enregistré une chute vertigineuse de leur pouvoir d’achat.
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En résumé, 
la retraite universelle à point, 
c'est la loterie.

Le brave rapporteur nous en livre lui-même clairement l’objectif :


« Le système universel incitera au prolongement de l’activitéLes projections du Conseil d’orientation des retraites prévoient ainsi que les âges moyens de départ continueront d’augmenter du fait de la hausse de la durée d’assurance requise pour le taux plein et des entrées plus tardives sur le marché du travail. »

* * * *
Dans le dernier chapitre, je vous parlerai de Korian, entreprise dont nous avons depuis hier aperçu le logo dans certains reportages télévisuels sur les morts du covid-19 dans les EHPAD. 

(à suivre)

lundi 23 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (5)

5. Les véritables raisons de cette réforme.

Voici une phrase qui n'apparaît pas dans la loi passée par le 49-3, mais figure en toutes lettres dans le rapport Delevoye :  il s’agit d’instaurer 


« Un système de retraite pilotable

et apte à faire face
aux aléas économiques et démographiques
 »



Dès lors, deux questions se posent : 
1 - qui pilotera le système ?
2 - par quels moyens ?


5.1 Qui pilotera le système ?

Pour mémoire, on lisait dans le rapport Delevoye que « Ce projet collectif sera soumis à l’analyse, par chacun d’entre vous, des conséquences sur votre future retraite et votre choix de départ en retraite. »
On pouvait donc encore envisager un référendum ou au pire un grand débat. 
C'était être bien naïf !

Delevoye promettait aussi : « Une nouvelle gouvernance doit être mise en place », sans trop préciser.
Ca y est ! Les grands principes sont inscrits dans la loi.

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Article 49 :
"[...] création d’un établissement de tête et d’un réseau territorialisé unifié... établissement public... administré par un conseil d’administration paritaire composé des organisations syndicales représentatives et des organisations professionnelles représentatives représentant également les travailleurs indépendants, les professions libérales et les employeurs publics"

La gouvernance sera assurée par le
"Conseil d’Administration
de 
la Caisse Nationale de Retraite Universelle"

Fort bien, mais plus loin, dans le même article, on a :
"L’organisation interne de la Caisse Nationale de Retraite Universelle sera fixée par ordonnance."

Déjà se dessine la tête du pilote ! Et ça continue dans la même veine.
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Articles 8 et 9 : "une délibération du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle [sera] approuvée par décret" mais aura été prise "en fonction des recommandations et analyses du Comité d’Expertise Indépendant des Retraites"

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Article 10 : "Les coefficients de majoration et de minoration [des décotes et surcotes] seront à la main du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle avec un encadrement du pouvoir réglementaire."

"La valeur par mois du coefficient d’ajustement est fixée par décret."

"L’âge d’équilibre, fixé par décret et exprimé en mois entiers, évolue par génération à hauteur des deux tiers de l’évolution des prévisions d’espérance de vie à la retraite des assurés. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de calcul permettant de déterminer ce ratio.

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Article 11 : Le coefficient pour la revalorisation annuelle des retraites est fixé "selon les modalités et dans les limites prévues aux articles L. 19-11-3, L. 19-11-4 et L. 19-11-7 par une délibération du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle approuvée par décret ou, en l’absence de délibération ou en l’absence d’approbation de celle-ci, par un décret."

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Article 13 : "Les taux des deux fractions de la cotisation retraite, pour partie à la charge de l’employeur et pour partie à la charge du salarié, sont fixés par décret. [...] Une délibération du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle peut fixer des taux différents ainsi qu’une répartition différente entre employeurs et salariés, selon les modalités et dans les limites prévues aux articles... Un décret approuve cette délibération ou énonce les motifs pour lesquels elle ne peut être approuvée."

Et les choses sont finalement très claires :

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Article 55 : "Le CA dispose d’un pouvoir de propositions sur l’ensemble des paramètres du système universel de retraite. Le Gouvernement doit indiquer au conseil d’administration les suites qu’il entend donner aux propositions et avis de ce dernier."

Conclusion :

Le Conseil d'Administration n'aura aucun pouvoir.
Les députés ne seront plus jamais consultés. 
Tout se fera par décret.

Il n'y aura qu'un seul pilote

pour le régime des retraites :
L E       P O U V O I R        E X E C U T I F





Et je vous fais grâce des articles de la loi autorisant le gouvernement à prendre des ordonnances sur les taux de cotisation, les conditions de la transition et les âges de départ pour les régimes spéciaux, le décompte de l'invalidité pour la retraite, et à peu près tout ce qui touche les fonctionnaires. Vous trouverez tout ça ici :

                http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2623_projet-loi 


Encore un mot sur l'objectif de la réforme :

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Article 54 : "[...] sur la base du rapport d’un comité d’expertise indépendant, le conseil d’administration propose une trajectoire financière [...] et dans ce cadre respecter une « règle d’or » imposant l’équilibre du système". 


Où l'on constate que le souci du législateur, en l'occurrence le gouvernement à lui tout seul, n'est pas de garantir une retraite convenable à chaque salarié, mais d'abord et avant tout de réaliser l'équilibre financier du système, dont nous venons, au chapitre précédent, de constater qu'il n'est pourtant pas menacé.

C'est donc logiquement qu'il existe une autre raison impérieuse à l'utilisation du 49-3 pour imposer cette réforme. Une raison secrète ? Non, pas vraiment. Juste dissimulée. Mais nous garderons cela pour la fin de l'exposé. 

La prochaine fois, nous répondrons à la deuxième question qui attise notre curiosité :

Avec quelles manettes l'exécutif va-t-il piloter  le système ?

(à suivre)

samedi 21 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (4)

4. Comment le système de retraite à points se justifie

Nous venons de voir que la retraite universelle à points s'annonce comme une régression des droits pour la majorité des salariés.
Cette réforme vient pourtant de passer, grâce à l'article 49-3 de la constitution.

C'est certainement parce qu'elle est hautement justifiée.

Vous avez en effet tous entendu, répétés dans les grands médias audiovisuels à longueur d'interviews des membres du gouvernement et de commentaires journalistiques, les arguments en faveur de cette réforme.

Voyons ce qu'il en est. (Les parties entre guillemets sont extraites des textes du rapport Delevoye ou de la loi elle-même.)

4.1 "La réforme va vers un système plus simple"

Il paraît en effet qu'au système actuel, avec ses nombreux régimes spéciaux et ses règles compliquées, « On n’y comprend rien ».
D’où l’idée de simplification, d’universalité. Ce qui est universel serait forcément mieux. D'ailleurs, si les humains étaient tous pareils, hein...

Bien sûr, les humains ont entre eux beaucoup de différences et ils exercent aussi une foule de métiers différents. De là vient la diversité et la complexité des barèmes qui leur sont appliqués dans le travail, comme pour la retraite.

Et on a bien vu que d'emblée le gouvernement a fait des concessions aux policiers, aux militaires, aux pilotes de ligne...
Le texte final de la loi consacre même plusieurs articles à des dérogations et aménagements accordés aux travailleurs indépendants, aux auto entrepreneurs, aux agriculteurs, aux travailleurs handicapés, aux danseurs et aux artistes en général, aux femmes qui élèvent des enfants, aux carrières longues, aux personnes qui font des travaux pénibles (alors qu'on avait d'abord dit qu'on « voudrait bien qu’on arrête de parler de pénibilité du travail, comme si le travail pouvait être une peine »...

Le nouveau régime ne sera donc pas plus universel, ni plus simple, que l'actuel. Ce n'est que de raison. Cela se comprend bien.


4.2 "Le nouveau système sera plus juste pour tous"


a) Sont visés exclusivement les fonctionnaires, 
qui ont trop d'avantages et partent trop tôt en retraite. Les pires sont les agents de la RATP, de la SNCF et d'EDF. Et en plus, se sont les seuls qui peuvent se permettre de faire grève et d'embêter le monde... !

Mais on supprimera en même temps les conventions négociées par branches dans le privé (BTP, transports, etc.), en parfaite logique avec la "loi travail".

Allez hop ! Tous à la même enseigne : alignement sur les conditions les moins favorables.

Cela n'est pas de la justice, mais tout au plus une méprisable consolation donnée en pâture aux moins bien lotis qui se satisferaient de cette sorte de mesquine vengeance. 
Et c'est en réalité une injustice.


b) "Un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous"

N'est-ce pas déjà le cas ? Mais oui ! 
Mais non, bien sûr, ce sont encore les fonctionnaires qui sont visés, pour qui le calcul de la retraite est plus avantageux que pour les salariés (3/4 du dernier salaire contre 70% de la moyenne des 25 meilleures années). 
A cet égard, on peut bien concevoir une réforme, mais dans l'autre sens, qui égaliserait les retraites vers le haut.

Par ailleurs, à y regarder de près, il y a bien des métiers pour lesquels, dans une heure de travail, il entre plus de sueur, de douleur, de stress ou de maladie professionnelle que dans d'autres, qui pourtant n'ouvrent pas de droits à retraite et qui ne sont pas pour autant mieux rémunérés.

Un euro de salaire ou de cotisation n'a jamais la même valeur pour tous.

Encore une fois, les régimes spéciaux ne sont pas une anomalie, ni une injustice, mais une nécessité, de justice précisément puisque, comme tout le système de la sécurité sociale, ils tendent à compenser les inégalités sociales. 


4.3 Cette réforme est faite « pour que les Français retrouvent la confiance en leur système de retraites »


a) Qu'en est-il de la confiance ?

J'ai bien fouillé dans le paquet de sondages publiés en 2019. J'y ai trouvé que les Français faisaient de moins en moins confiance au système scolaire, au système de santé, au politiciens professionnels... mais pas un seul qui dise que les Français ont perdu confiance dans leur système de retraite. 

En revanche, dans un sondage de décembre pour le Journal du Dimanche, si "76 % des Français se disent favorables à une réforme du système de retraites", dont 40% pour plus d'égalité, "64% disent ne pas faire confiance au gouvernement" pour la mener à bien.
Dans le sondage du 22 janvier pour BFM, 61% sont même contre la réforme. 

C'est à l'égard du gouvernement qu'il y a perte de confiance.


b) Qu'en est-il du déficit ?

Ces sondages paraissent alors même que le gouvernement avait annoncé « une explosion du déficit » de l'assurance vieillesse de la Sécurité Sociale - 6 milliards à la fin 2020, pareil l'année suivante -, ce qui était sans doute censé provoquer la perte de confiance en le système actuel et faire accepter la réforme.

En fait, le déficit actuel de la CNAV est de 2,5 milliards, celui du Fonds de Solidarité Vieillesse, qui sert les retraites pour les périodes de chômage, de 2,3 milliards, soit un total de 4,4 milliards.
Et il est prévu pour 2020 un déficit total de 5,2 milliards.

Or cela ne représentera que 4,33% des 120 milliards nécessaires au financement des retraites.
La dette globale de la sécurité sociale (maladie, chômage, famille, etc) ne représentant par ailleurs que 9% de la dette publique totale.

Il n’y avait donc pas d’urgence.

Rappelons enfin qu’en 2017, il n’y avait pas de déficit de l’assurance vieillesse et qu'elle était même excédentaire.


c) Que s’est-il donc passé ?

- D'abord, les taux de cotisation au Régime Général n’ont pas évolué depuis le 1er janvier 2017.

Mais qui donc décide de la loi de financement de la Sécurité sociale ? Le gouvernement.
Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage.
Qui veut tuer la Sécu, lui coupe les vivres.

Pour expliquer le déficit soudain, le président de la CNAV pointe en outre du doigt trois autres facteurs :

- "la non-compensation des exonérations de charges" votées dans la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES).
C’était la mesure pour calmer les gilets jaunes. Au lieu d'augmenter les salaires, le gouvernement a diminué les charges sociales ; les charges sociales étant une partie du salaire, il a donc diminué les  salaires.
Qui veut tuer la Sécu, lui coupe les vivres.

- "la trop faible évolution de la masse salariale" 
       * pas de hausse des salaires
       * davantage de retraités 
       * et toujours autant de chômeurs !

- "L’accord Agirc-Arrco rapporte très peu à la branche retraite de la SS"
(Nous verrons cette importante et scandaleuse question des caisses complémentaires de retraite dans le tout dernier chapitre de cet exposé.)

Il y a autre chose encore :

- La CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale), créée en 1996, qui réalise des placements avec de l’argent public pour combler les déficits de la SS, dispose annuellement d'à peu près 24 milliards d'euros.

Pourquoi ne pas les utiliser ???

Parce que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, proposée par le gouvernement et votée par l'assemblée, lui a supprimé la reprise d’une dette de 15 milliards ainsi que l’augmentation de l’affectation de CSG associée qui étaient prévues par la Loi de Financement de la SS en 2019.

Pourtant, la dette totale restant à amortir par la CADES étant actuellement estimée à 72,5 milliards, cela pourrait se faire aisément, au vu des 24 milliards disponibles annuellement. Mais...

Qui veut tuer la Sécu, lui coupe les vivres



4.4 Conclusion : les justifications à cette réforme ne semblent ni sûres, ni sincères.

Le gouvernement avait en main, par le moyen de la loi de finance - de la loi tout court -, toutes les manettes pour  :
- compenser les exonérations de charges
- augmenter temporairement les cotisations 
                   (avec + 0,1% pendant 4 ans, la dette serait résorbée)
- obliger les caisses complémentaires à contribuer au financement de la CNAV

            - utiliser les réserves financières existantes
            - ou augmenter les salaires
mais il ne l'a pas fait.

Il a fait tout le contraire.
Quelle est donc sa logique ? 
Quels sont ses plans ?

Nous verrons cela la prochaine fois.
 (Le plus beau reste à venir !) 

(à suivre)

jeudi 19 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (3)

3. Calculez votre future retraite à points

3.1 Conclusion du précédent article... que je vous avais laissés tirer vous-mêmes, suite à la comparaison entre le régime actuel et le système à points : 
les salariés vont tous y perdre, 
beaucoup en partant en retraite à l'âge minimum, et même encore un peu en partant à l'âge d'équilibre promis. 
Pour avoir une retraite simplement équivalente, il va leur falloir travailler jusqu'à plus de 65 ans. 
La courbe ci-dessous va grimper sec ! Normal, c'est le but de la réforme.



3.2 Concrètement, qu'est-ce qui attend le salarié du privé ?

Si vous êtes nés après le 31 décembre 1974, vous passerez au nouveau régime à partir du 1er janvier 2025, les années cotisées jusqu'à cette date étant comptées selon l'ancien système. 

La réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2022 pour ceux qui sont nés à partir du 1er janvier 2004

Pour la valeur d'exemple des calculs ci-après, nous supposerons que :
- vous êtes né en 2004 ou après
- vous n'aurez connu qu'un seul boulot et aucune interruption d'activité lorsque vous prendrez votre retraite
- votre salaire n'aura évolué ni dans un sens, ni dans l'autre (et votre pouvoir d'achat non plus)
- que les variables d'ajustement, que nous écrirons en rouge, et en particulier les valeurs d'achat et de vente du point, seront restées les mêmes que celles proposées au démarrage du système universel à points. 
Le calcul est dans le tableau ci-dessous.

Ne connaissant pas la situation de tous mes lecteurs, je vous propose le calcul des droits à retraite sur des parts de salaire brut de 10, 100 et 1000 €. 
Ainsi, si votre salaire mensuel brut est par exemple de 3170 euros, vous obtiendrez le montant de vos droits à pension en prenant en bas du tableau le montant de la colonne C trois fois, celui de la colonne B une fois et celui de la colonne A sept fois. 
NB. La dernière colonne reprend l'exemple de calcul proposé dans le rapport Delevoye (déjà présenté précédemment).



Maintenant, il s'agit pour vous de choisir votre âge de départ.

David, notre exemple, a cotisé 43 années, il suffit donc de multiplier (ligne 5), sa pension annuelle par 43, ce qui fait bien 16390 € de pension annuelle brute, soit 1365,84  € par mois.

Nous avions vu cependant que dans son exemple M. Delevoye avait oublié de défalquer 15% de décote pour un départ avant 65 ans.

Le problème du futur retraité sera donc un choix forcé, celui de son âge de départ :
- ai-je acquis assez de points pour avoir une retraite que j'estime correcte ?
- puis-je supporter la décote si je pars à 62 ans (- 15%), à 63 (- 10%), à 64 (-5%)
- ai-je le courage d'aller jusqu'à la surcote et ne partir qu'à 66 ans (+5%) ou 67 ans (+10%)

Allez, courage !


3.3 Pour les fonctionnaires, ça va faire très mal !

Voici pourquoi.

D'abord comprendre comment le fonctionnaire, actif et retraité, est payé.
- Le salaire d'un fonctionnaire dépend d'une grille indiciaire et de la valeur du point d'indice. 
- La grille est particulière à chaque classe de fonctionnaires, la valeur du point est commune.
- La grille - on dit aussi tableau d'avancement - détermine des échelons. 
- A chaque échelon, du 1er au 8ème, ou au 11ème, selon les corps, correspond un nombre croissant de points d'indice. On gagne peu au début, davantage à la fin.
- Le temps passé dans un échelon avant d'accéder à l'échelon supérieur est lui aussi croissant.

- A la fin, le fonctionnaire part en retraite avec environ 75% de son dernier salaire, à condition qu'il soit resté au moins six mois dans son dernier échelon.

Le fonctionnaire sait donc plus ou moins à l'avance ce qu'il va gagner ainsi que le montant de sa pension. Je dis plus ou moins, parce que cela fait maintenant dix ans que la valeur du point d'indice n'a pas été revalorisée.


Bien. Prenons un exemple dans la fonction publique territoriale :

secrétaire de mairie


En bleu, vous avez le temps passé dans les échelons, en rouge le salaire correspondant.
Tout le reste en découle, selon les calculs présentés dans le texte de la réforme. (Vous pouvez les vérifier, ils sont justes)

Bon maintenant, vous comparez avec 75% du dernier salaire dans le système actuel et vous arrivez à la conclusion suivante :

Le -32,1 , c'est en pourcentage. :-)
Oui, ça fait mal.

"Bien fait pour eux, c'étaient des privilégiés" pensez-vous peut-être.
Allez donc demander ce qu'en disent les pompiers et les infirmières de l'hôpital public !
Ah... Autant pour moi, vous avez raison : dans le privé, les infirmières sont encore plus mal payées.
Ca serait donc logique et raisonnable qu'on aligne les salaires du public sur ceux du privé - pas vrai ?

Non, les amis, je ne dis pas ça pour vous. Et puis j'avais promis : pas de polémique.
Alors OK. Revenons aux faits.

Et les faits sont que :


Or, le gouvernement a promis qu'il ferait en sorte que les fonctionnaires ne perdent pas sur leur pension (puisque le principe était que les pensions ne baisseraient pas - au contraire !).

Mais là, c'est un vrai casse-tête !
Sauf si l'objectif est de liquider la fonction publique, police mise à part, bien sûr.
(oui, je verse encore dans la polémique, je ne peux pas m'empêcher... mais c'est l'avant-dernière fois, juré !)

(à suivre)

mercredi 18 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (2)

2. Le projet de retraite universelle à points 

Le système à points s'appliquera à tous les salariés, du privé et du public... "à partir du 1er janvier 2022 aux assurés nés à compter du 1er janvier 2004 et à partir du 1er janvier 2025, aux assurés nés à compter du 1er janvier 1975." [article 2]

Suivent plusieurs articles pour faire la transition et tenir compte des particularités des professions libérales, des artisans et commerçant, des salariés et exploitants agricoles, des fonctionnaires...

Passons et venons en au coeur de la réforme.


2.1 La formule de calcul [article 8]
C'est la même que dans le système actuel des retraites complémentaires.

NOMBRE DE POINTS multiplié par
VALEUR DE SERVICE DU POINT 
(au moment du départ en retraite)

Voici l'exemple donné dans le rapport Delevoye (ceux qui sont proposés sur le site du gouvernement ne sont pas clairs).


C'est parfaitement clair.

Vous remarquez que le salaire de référence (valeur d'achat du point) est proposé à 10 € et que la valeur de service du point (prix de revente du point) l'est à 0,55 €

Sauf que le calcul est incomplet, donc faux : il y manque la prise en compte de la décote de 5% par an qui s'appliquerait sur les départs en retraite avant le fameux âge pivot, âge d'équilibre, qui n'est cependant pas fixé dans le texte de la loi [article 10] et qui ne sera d'ailleurs pas le même pour toutes les générations [article 10], mais le rapport Delevoye parle de 64 ans, qui pourront évoluer vers 65 ans. 
Il faut noter aussi que le "coefficient d'ajustement" [article 10], c'est-à-dire le pourcentage de décote annuelle, n'est pas non plus fixé par la loi. 

Tout cela fera l'objet de décrets.

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En partant à 62 ans, soit 3 ans avant l'âge probable d'équilibre, David ne touchera donc que 
1265€ / 100 x (100-5-5-5), 
c'est-à-dire 1075,25€, 
189,75 € de moins
et ce montant sera définitif, car la décote ne sera pas temporaire comme dans le système actuel des retraites complémentaires.
========================================================================


Reprenons l'exemple du salarié au SMIC (appelons le Lambda) qui a commencé à 16 ans et n'a connu aucune période d'inactivité et transposons son cas dans le système à points, dans le tableau ci-après (en haut son âge de départ et son nombre d'années de cotisations, en bas sa retraite ; entre les deux, les calculs).


C'est parfaitement clair. 


On ne vit pas avec 828 euros brut par mois. 

Ah mais non, me direz-vous, il est prévu que personne n'aura une retraite inférieure à 1000€ !

C'est là qu'il faut suivre.

Il sera en effet garanti "aux assurés ayant effectué une carrière complète une retraite nette égale à 85 % du SMIC net.[article 40]
Donc 1219 € / 100 x 85 = 1036,15 €

D'autre part, "le minimum de retraite sera accordé à compter de l’âge d’équilibre." [article 40] et "cet âge d’équilibre se substitue au mécanisme faisant intervenir la durée d’assurance.[article 10]
Une carrière complète, c'est donc uniquement quand on a atteint 65 ans, et pas comme aujourd'hui, quand on a cotisé tous ses 168 ou 172 trimestres.

On lit pourtant que dans le système universel, les artisans et commerçants pourront "valider 4 trimestres par an, et donc in fine [avoir] une carrière complète[article 22] Pour eux, la retraite à taux plein dépendra donc encore de la durée de cotisation ? 

Ce n'est pas clair. Mais passons.


2.2. Comparons avec le système actuel

Avec le système à points, c'est donc seulement 
après 49 années de cotisations 
et à l'âge de 65 ans, 
que le salarié Lambda aura son minimum de 
1037,63 € (85% du SMIC net). 

Et c'est effectivement ce que nous constatons dans le tableau ci-avant. 
NB : Et encore, je n'ai pas tenu compte du fait que les emplois avant l'âge de 18 ans sont payés à 80 et 90 pour cent du SMIC, ce qui donne forcément moins de points..
En revanche, cela n'a que peu d'incidence sur la retraite dans le système actuel puisque seul le montant de la retraite complémentaire dépend d'un nombre de points. 



Dans le régime actuel "retraite de base + retraite complémentaire" (tableau ci-contre), le même salarié Lambda aura 

une retraite de 1143 €, 
dès l'âge de 62 ans.

soit 105,37 € de plus 
qu'en partant à 65 ans dans le régime universel à points.

Pour un départ à 65 ans, Lambda aurait 18,81 € de plus dans le régime actuel que dans le système universel.

Et pour un départ à 67 ans, âge où il n'y a actuellement plus de décote sur la retraite complémentaire, il toucherait encore 19,01 € de plus que dans le système à points, malgré qu'il aurait droit à une surcote de 10% pour deux années au-delà de l'âge d'équilibre.

Je vous laisse tirer vos conclusions.


La prochaine fois, je vous proposerai de calculer vous-même le montant de votre retraite à points.
Nous verrons aussi ce qu'il advient des fonctionnaires dans cette réforme.

(à suivre)

mardi 17 mars 2020

Comprendre la réforme pour la retraite à points (1)



Bataille autour de la réforme des retraites visant à changer de système, c'est-à-dire supprimer la retraite de base de la Sécurité Sociale pour la remplacer par un système entièrement calqué sur celui des actuelles retraites complémentaires. 


Bataille gagnée finalement par le gouvernement par 49 et 3 KO. C'était prévisible. Mais ce n'est pas une raison pour continuer d'ignorer ce qu'il y a dans cette réforme.

Ah, bon sang, qu'est-ce que je m'étais m'énervé avec ces grands médias qui ne faisaient que présenter les arguments du gouvernement et ceux de l'opposition sans jamais chercher à les vérifier, à discerner le vrai du faux, sans jamais poser les questions qui pourtant me paraissaient évidentes; alors je me suis mis au boulot.

J’ai d'abord décortiqué le texte du rapport Delevoye, destiné à être le support du texte de la loi. Il est ici :

Puis, quand il a été disponible, je l'ai comparé avec le texte qui a été discuté à l'Assemblée Nationale.

Les deux disent exactement la même chose.

J'ai aussi consulté pas mal de sites : celui de la Sécurité Sociale, celui de l'ARGIC-ARRCO, celui de Capital, et d'autres encore.

Voici ce que j'ai trouvé.

1. Le régime actuel 


La retraite des salariés du privé est composée de 2 parties :
1.1 la retraite de base versée par la CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, branche de la Sécurité Sociale)

Tout est sur l'image ci-après
La retraite de base ne peut être prise avant l'âge de 62 ans et représente au maximum 50% de la moyenne des salaires bruts des 25 meilleures années. (Avant la réforme Balladur en 1993, c'étaient les 10 meilleures années, c'était plus avantageux.)
Les conditions du taux plein ne sont pas les mêmes selon votre année de naissance, conséquence de la précédente réforme.S'il vous manque des trimestres, votre retraite est calculée au prorata (par une règle de trois).


Les cotisations plafonnées sont dues sur la part de votre salaire inférieure au plafond de la Sécurité Sociale et sont redistribuées aux actuels retraités. Les cotisations déplafonnées sont prélevées sur la totalité de votre salaire et servent au fonctionnement de la CNAV. 


1.2 la retraite complémentaire (obligatoire) versée par l’ARGIC-ARRCO (réunion des Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres et Association pour le Régime de Retraite Complémentaire des salariés)

Là aussi, tout est dans l'image
La complémentaire peut-être demandée dès l'âge de 57 ans, mais assortie d’un coefficient de minoration. 
La retraite complémentaire à taux plein n'est acquise qu'à l’âge de 67 ans. Entre cet âge et l’âge de 62 ans s’applique un coefficient de minoration de 10% pendant au maximum 3 ans (5% ou 0% pour les salariés qui paient une CSG réduite ou nulle). Il y a une majoration temporaire de 1 ans à 10, 20 ou 30% si le départ à la retraite a lieu 2, 3 ou 4 ans après le taux plein du régime général.

Différence avec la retraite de base : 
La retraite complémentaire est constituée par
l’acquisition puis la vente de POINTS.


a) La VALEUR D'ACHAT du point (ou salaire de référence) est fixée par les régimes de retraite complémentaire et revalorisée par les partenaires sociaux. Elle est en 2020 de 17,3982 €, en augmentation de 2% par rapport à 2019.
On obtient chaque année un nombre de points pour la retraite par la formule suivante :

total des COTISATIONS salariales et patronales de l'année N
divisé par 
VALEUR D'ACHAT DU POINT
 l'année N


b) La VALEUR DE VENTE du point (ou valeur de service) est fixée pour 2020 à 1,2714 €.
Le montant de la retraite annuelle est calculé par la formule :

NOMBRE DE POINTS multiplié par
VALEUR DE SERVICE DU POINT 
(au moment du départ en retraite)


Le taux de cotisation pour votre retraite complémentaire est différent selon la part de votre salaire sur laquelle il s'applique : jusqu'au plafond de la SS (mensuel, en salaire brut), ce seront 10,02% qui seront prélevés (entre vous et l'employeur) ; entre ce plafond et 8 fois le plafond, ce seront 24,64% ; au-delà, il n'y a plus de cotisation (sinon temporaire). 
NB. Sur 127 euros cotisés à Argic-Arrco, 100 euros servent à l’achat de points. Les 27 euros restants sont destinés au financement du régime (cotisations d'équilibre général).

Vous voilà désormais capables de calculer vous-même le montant de votre future retraite ; enfin, à peu près, puisque les valeurs d'achat et de vente des points de votre complémentaire varient chaque année et que vous n'avez peut-être pas encore connu vos 25 meilleures années. 

Dans le tableau ci-dessous, nous prenons en exemple un cas particulier (carrière longue, sans interruption, au smic) et en considérant que les salaires et les variables liées aux points progressent en parallèle. Nous y reviendrons lorsque nous comparerons le système actuel au système universel à points qui est l'objet de la réforme.



1.3 Ah oui, à propos, qu'est-ce que nous propose cette fameuse réforme ?

D'abord, supprimer la retraite de base Sécurité Sociale servie par la CNAV.

Instaurer une retraite entièrement à points, sur le modèle de la retraite complémentaire servie par les caisses d’assurance vieillesse regroupées dans ARGIC ARRCO. (pour la fonction publique et assimilés, c’est l’IRCANTEC)


Ce que cela change fondamentalement :

la plus grande partie du montant de votre retraite ne sera plus définie seulement par rapport à vos salaires bruts - 50% de la moyenne des 25 meilleures années (dans la retraite de base SS, les cotisations n'entrent en effet pas en ligne de compte).

- le montant total de votre retraite dépendra de nombreux paramètres, variant selon les années, parmi lesquels les taux de cotisations, la valeur d'achat du point et la valeur de service du point.

Mais nous verrons cela dans un prochain épisode.
(à suivre)