jeudi 20 décembre 2018

Merci aux Gilets Jaunes !

Les Gilets Jaunes ont reçu beaucoup de soutien en pourcentage dans les sondages, mais peu dans les actes. Ça révèle des choses sur le fonctionnement de notre société, de la même façon que deux tiers d'abstentionnistes. Par parenthèse, on aurait aimé avoir le profil politique, socioprofessionnel et géographique de ces nombreux Français qui soutiennent encore les Gilets Jaunes ; on aurait ainsi vu qui ne les soutient pas - peut-être une révélation de plus.

Donc, le mouvement des Gilets Jaunes n’en finit pas de mettre à nu les escarres de notre société, d’en gratter les furoncles, d’en retourner le slip merdeux : la pauvreté, l’inégalité, la dictature, la corruption, toutes les dégueulasseries banalisées que refuse de voir, par paresse, par confort, pour ne pas se prendre la tête avec les problèmes des autres, un certain Français, plutôt moyen, moyen haut, qui s’en sort encore pas trop mal, celui qui dès lors qu’il a assez pour partir en vacances dans sa grosse bagnole se prend pour un genre d’intellectuel et considère le smicard comme d’une classe inférieure qu'il répugne à fréquenter, des fois que ça salirait.

Les Gilets Jaunes ont, sans le vouloir vraiment, mis en lumière ce type-là dont, même sans l’aide d’un sondage, je peux deviner l’appartenance politique et socio professionnelle.
 Pour cela, aux Gilets Jaunes je dis merci.

En effet, où étaient les artistes (à part quelques-uns) pendant que les Gilets Jaunes se battaient pour un salaire décent, une vraie démocratie et retrouver leur dignité ? Eh bien, il se tenaient en retrait, dans leurs hautes sphères et dans un silence assourdissant.
Je me suis demandé pourquoi ces enfoirés si prompts à chanter ou signer contre la faim dans le monde et pour les restaus du cœur et le téléthon n’ont pas daigné soutenir la cause des pauvres quand les pauvres se rebellent eux-mêmes, tout seuls, sans aide - et foin des dames patronnesses ! - contre leur état de pauvreté.
J’ai d’abord supposé que, contre le plein gré de leur bon cœur, les artistes ont eu peur de se mouiller, peur qu’on les empêche ensuite de travailler (un peu comme ce qui arrive à ceux que la meute médiatique accuse d’antisémitisme) parce que tout de même, les producteurs ne sont pas des philanthropes, mais des businessmen, et donc du côté du fric. Je me suis dit alors que le pognon avait sacrément gangrené le métier.
Mais à la réflexion, je pense qu’il n’y a plus de saltimbanques (même pas ceux qui tournent dans les MJC, puisqu’ils dépendent  des subventions), les artistes sont passés du côté du fric, des riches ; ils sont devenus des animateurs de jeux du cirque, payés (grassement parfois) pour faire rêver ou rigoler, distraire au sens propre, avec des foutaises mais que surtout ça ne fasse pas réfléchir. Comme le football.

Où étaient les penseurs d’Amnesty International ? N’auraient-ils pu frapper à la porte des journaux pour protester contre les tirs tendus de flash-ball, contre les grenades assourdissantes, contre les arrestations préventives, contre le tabassage des grand-mères tombées au sol, contre l’esprit des Benalla… Peut-être que les membres d’Amnesty France craignent qu’on les accuse de faire de la basse politique s’ils critiquent le gouvernement Philippe ? Peut-être que les membres d’Amnesty France n’ont tout simplement pas les mêmes vulgaires préoccupations que les Gilets Jaunes…

Où étaient les enseignants ? Dans leur classe. Ah, ils travaillaient ! Tout va bien pour eux, ils sont payés à l’heure, le boulot n’est pas fatigant, et ils ont les vacances. L’école mise à mal, ils s’en foutent, ils appliquent docilement les injonctions ministérielles et les réformes. La culture interdite aux pauvres, ils s’en foutent, ils s’en vont entre amis écouter l’opéra. Peut-être que les enseignants n’ont pas remarqué la présence dans leurs classes d’enfants dont les parents tirent le diable par la queue.

Où étaient les intellectuels si compatissants pour les peuples opprimés ? Ils se bouchaient le nez, pardi ! (à part quelques-uns, ceux qu’on accuse de populismes) car pour eux, le Gilet Jaune sent un peu trop la sueur.

Et où donc étaient les policiers dont on découvre soudain cette semaine qu’ils sont mal payés ? N’auraient-ils dès lors pas dû se trouver du côté des Gilets Jaunes...au lieu d’être en face ?
Ah mais non, ils sont du côté du manche ! Le boulot des policiers, c’est justement d’empêcher les Gilets Jaunes… Ils sont payés comme eux, mais pour leur taper dessus.

Le plus marrant, du point de vue des flics, c’est qu’ils ont habilement réussi à profiter du mouvement des Gilets Jaunes pour obtenir du gouvernement, en quelques heures et en double, ce que les Gilets Jaunes n’ont pas obtenu après cinq semaines de bagarre. C’est vrai qu’ils ont pleurniché qu’ils étaient fatigués. Mais quand ils balançaient des grenades sur un retraité obligé de distribuer des pubs pour survivre, ils n'étaient pas fatigués, hein : ils ne se demandaient pas si le vieux était fatigué.

En tout cas, s'ils avaient eu un peu de dignité, les policiers auraient dû en premier lieu remercier les Gilets Jaunes. Mais sans doute que ça leur aurait arraché la gueule.
Quoi qu’il en soit, les policiers devraient maintenant enfin s’interroger sur leur véritable rôle dans la société, en arrêtant de jouer l’hypocrisie. Si c'est possible, car malheureusement, ce n’est pas avec le discours ressassé à longueur de temps par les médias que l’examen de conscience pourra se faire sincèrement.

J’entendais en effet hier soit le Calvi (à prendre dans le sens « archétype du journaliste de TV »), dans une de ces émissions politiques de propagande farcies de spécialistes autoproclamés, dire à un représentant de syndicat policier en grève qui venait d’affirmer crânement sa détermination à aller jusqu’au bout pour obtenir satisfaction : « Vous êtes quand même le dernier rempart de la démocratie ». D’abord, on croit rêver, puis on se marre et en fin de compte, on a envie de pleurer.

Dans son souci de lécher le cul du pouvoir, le Calvi place en effet la police à l’exact opposé de ce qu’elle est, un outil de coercition au service du pouvoir, tout entier entre les mains de l’exécutif. La police, gérée par un exécutif tel que le nôtre, que personne ne contrôle, est en fait LE danger qui menace la démocratie. (Vous ferez vous-même l’analogie avec les polices des diverses dictatures passées et actuelles.)

Quand certains (Darmanin, Castaner, par exemple) accusent les Gilets Jaunes d’être des fachos, de brouter aux prairies du Rassemblement National, et quand on voit comment la police (aux ordres du même Castaner) traite les manifestants, on se demande si le fascisme ne serait pas du côté du ministre, de la chenillette blindée et du canon à eau.

Là-dessus, flash vers 22 heures : les policiers tout contents annoncent aux micros qu’ils n’ont plus de raison de faire la grève puisqu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient : du fric. Le reste, ils s’en foutent. Enfin pas tout à fait : ils veulent aussi davantage de moyen, pour flinguer les manifestants sans doute. 
Après avoir bien profité du mouvement des Gilets Jaunes, ces égoïstes, même pas solidaires des autres fonctionnaires qui eux n’auront rien, rentrent dans leurs casernes, chaussent les rangers et sabrent le champagne, à nouveau prêts à casser du manifestant. Et maintenant qu’ils sont engraissés, la prochaine fois, ils feront du zèle et ça va saigner pire encore, je vous le dis.

Merci aux Gilets Jaunes qui viennent de sortir tout ça des sphères confidentielles pour le hisser dans la lumière, malgré tous les efforts des médias pour qu'on n'en parle pas. Car bien sûr, les Calvi, comme toujours, balayent les saletés du régime sous le tapis.


Néanmoins, on se marre parce qu’ils se trahissent quand même : parmi les derniers remparts de la démocratie, le Calvi a oublié de citer... les journalistes. Non ? Sans doute s'agit-il d'un acte manqué : il n’y a pas pensé parce qu’au fond il sait bien qu’il n’est lui-même qu’un servile lécheur de bottes.

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