En trois points.
1. Nous étions 3000, selon le
collectif Alter G7 qui organisait l’événement. Pour une manifestation qui se
voulait le pendant citoyen à la réunion du G7 environnement, c’est un bien mince
résultat.
On pourrait en
conclure que dans leur grande majorité les gens se fichent bien de la
pollution, du réchauffement climatique, de la perte de biodiversité, de la dégradation
de la qualité de l’air, de l’eau et des sols, de la malbouffe, des perturbateurs
endocriniens, de tous les maux et saletés que nous impose ce que certains
nomment encore le progrès.
Mais l’aspiration
naturelle de l’humain étant la paresse, par ailleurs encouragée par notre mode
actuel de production, consommation, fonctionnement, et le combat réclamant des
efforts, il est bien normal que le mouvement peine à mobiliser, surtout les
jours de froidure et de pluie.
Il faudrait
que les désagréments causés par la pollution de la planète nous deviennent
proprement intolérables pour que notre réaction devienne majoritaire, devienne massive.
Si j’en juge par la tolérance aux embouteillages qui font chaque jour perdre de
précieuses heures de vie aux travailleurs frontaliers, ce n’est pas pour
demain.
Ainsi la prise
de conscience d’un problème n’implique pas forcément qu’on tente de le
résoudre. J’ai rencontré sur le stand Stop Knauf Illange du village Alter G7 un
monsieur dont la vision du monde tenait en ces quelques sentences -oui, c’est
bien de lutter contre la pollution ; mais on ne peut pas l’empêcher ;
en Inde, on pollue cent fois plus ; on est en compétition avec l’Inde ;
on ne peut pas refuser des emplois-, ce qui revient à justifier qu’on ne fasse
rien et qu’on laisse faire.
2. En revanche, les organisations
et les associations qui œuvrent sur le terrain se trouvaient nombreuses réunies
sous la bannière écologique. Je ne les citerai pas, de crainte d’en oublier, à
part Stop Knauf Illange, collectif de riverains dont je suis adhérent et au
stand duquel j’avais participé la veille avec mon déguisement de Monsieur Knauf.
Il y avait des Luxembourgeois,
des Allemands, des Belges et des Alsaciens.
On a vu flotter sur le cortège les
drapeaux de la CGT, de FSU, du Parti Communiste, du NPA, d’Europe Ecologie les
Verts, et bien évidemment de La France Insoumise, dont je suis et me réclamais
en cette occasion particulière.
On pourrait
penser que tant d’étiquettes différentes, que les innombrables collectifs créés
chacun pour une cause particulière, que les divergences revendiquées, font un émiettement
néfaste à la lutte. C’est vrai, mais seulement dans le domaine politique et
dans les urnes.
Sur le
terrain, il est au contraire salutaire que les uns et les autres se battent
pour une cause précise, car on ne peut pas courir tous les lièvres à la
fois : défendre les baleines et les éléphants, protéger les abeilles et
les chauve-souris, surveiller l’industrie nucléaire et l’alimentation, militer
pour une agriculture bioéthique, empêcher le contournement de Strasbourg ou
l’exploitation du gaz de couche dans les anciennes houillères de Moselle ou
l’usine Knauf à Illange… Toutes les causes sont importantes.
Et tous les
militants, les activistes, les sympathisants, à la fin se retrouvent main dans
la main pour faire cause commune pour le bien commun. C’est un signe évident de
convergence. Reste à fédérer.
Le soir, dans
le TER du retour, nous avons échangé avec Christophe, qui avait marché avec
EELV. Actuellement en formation (en fait une reconversion), il s’apprête à
embrasser le métier de paysan, en agriculture biologique. C’est lui, le matin
même, nous ayant reconnus, Jean-Luc Pierré et moi, pour nous avoir vus jouer
notre duo Knauf-Weiten lors de la marche organisée à Illange par SKI, qui avait
proposé que nous prenions un billet de groupe. (A trois, on paie moitié prix,
mais on doit voyager ensemble). Je crois qu’il nous aurait été difficile de
trouver entre nous de graves points de désaccord.
Et pourtant, comme
pour le défilé du premier mai, j’arborais par-dessus ma veste, outre mes badges,
tracts et drapeaux Stop Knauf et France insoumise, un gilet jaune. C’est
peut-être ce qui a motivé trois reporters de France 3 National à m’interroger
sur mes motivations. Ils n’avaient pas de signe distinctif, par crainte d’être
pris à parti, peut-être. Je ne tiens pas vraiment à ce que ça passe, parce
qu’en y repensant, j’aurais pu répondre beaucoup mieux que je l’ai fait.
3. Ce sont les gilets jaunes qui
ont pris la tête de la manifestation ; ils se sont carrément imposés ;
ils ont agi exactement comme s’ils étaient dans une de leurs manifestations
hebdomadaires. C’est normal, ils étaient les plus nombreux et les plus
bruyants, sans doute parce qu’ils sont aussi les plus ardents.
On pourrait
dire qu’ils ont ainsi récupéré le mouvement, que par tout un week-end
farouchement repeints en verts, ils ont redoré leur blason à bon compte. Mais personne
ne s’y est opposé, personne n’a même grogné dans les rangs. Le monde écolo s’est
aligné derrière eux, en confiance. Il faut dire qu’Isabelle, qui était de
l’organisation, avait sur le dos un gilet jaune et à la main la bannière
d’ATTAC.
C’est qu’ils
n’étaient pas les seuls à lutter aussi sur le terrain du social : Emmaüs,
ATTAC, OXFAM et d’autres y étaient. Et pour tout dire, si j’ai bien écouté ce
qui se disait autour de moi, hormis quelques rares naïfs, il ne faisait de
doute pour personne que capitalisme et libéralisme économique sont
incompatibles avec l’écologie, le souci de la vie et la dignité humaine. A la
France insoumise, nous le traduisions par ce slogan : « Fin du monde,
fin du mois, mêmes responsables, même combat. »
A un moment,
peu avant le départ, un type en gilet jaune tout bardé de rouges vignettes CGT,
s’approche de moi, suivi par une femme sans autre signe ostentatoire que des
cheveux teints de couleurs fluo. Ils engagent illico : « Ah la France
Insoumise ! C’est vous qui aimez les migrants. » Je tente d’expliquer
la position de la FI, mais ils n’écoutent pas. Ils sont venus pour déverser
leur haine. C’est un flot ininterrompu d’invectives et de propos racistes. Au
bout d’un moment, je leur lance : « Vous voudriez peut-être les tuer
tous. » Et la charmante dame : « Oui, c’est ça qu’il faut
faire. » Alors un homme est venu pour leur dire : « Je suis à la
CGT, moi. Mais vous, non, ce n’est pas possible. »
Comme quoi, il
y a des exceptions. Dans le monde politique aussi, il y a des exceptions, ce
sont les partis qui n’étaient pas représentés à cette marche : LR, LREM, RN,
toute la droite, quoi. Mais je n’ai pas vu non plus les socialistes, de quelque
couleur qu’ils soient. Peut-être ces partis de
gouvernement répugnent-ils simplement à défiler avec ceux de l’opposition. Mais
tout bien pesé, je crois plutôt que leur absence révèle qu’ils n’ont aucune,
mais alors strictement aucune, sensibilité écologique.
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