dimanche 19 mai 2019

La règle d'or

J’étais vendredi soir à la réunion publique organisée par les Insoumis de Yutz-Thionville dans le cadre de la campagne des élections européennes. Les orateurs y étaient Caroline Fiat, députée France Insoumise de Meurthe-et-Moselle, Céline Léger, d’Aumetz, la candidate régionale (21ème sur la liste), et Jean-Marie Brom, de Strasbourg (46ème sur la liste). Tous orateurs convaincus et convaincants, mais le dernier a réussi à m’apprendre quelques trucs malgré les centaines heures que j’ai passées à lire ou écouter l’argumentation développée par la France Insoumise.

Un exemple : je ne connaissais pas cet article (192, si je me souviens bien) du traité de Lisbonne qui stipule que les états membres restent libres de choisir leur politique énergétique. Les Allemands, toujours diligents à suivre les directives européennes ( J !), brûlent donc du charbon et de la lignite en parfait accord avec la politique européenne en faveur du développement durable et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre( J !). Incidemment, J.M. Brom se demande bien pourquoi Macron se dépêche actuellement de brader l’exploitation de nos barrages hydroélectriques en nous expliquant que c’est l’Europe qui l’exige, parce que les Allemands, eux, gardent leurs barrages dans le giron de l’état. Pinocchio encore une fois pris en flagrant délit de mensonge !

Mais Jean-Marie Brom nous a également rappelé une chose essentielle, cruciale, que nos quatre derniers présidents et leurs gouvernements ont pourtant eu bien du mal à nous dissimuler par de trompeurs discours, une chose tellement évidente que je m’en suis voulu de l’avoir un instant oubliée : c’est que l’Union Européenne, qui s’est appelée « le marché commun », n’a été faite que pour nous imposer une seule règle : la règle d’or du marché, le libéralisme économique, le totalitarisme de la concurrence non faussée, non faussée signifiant expressément que les inégalités de richesse et de pouvoir, richesses et pouvoirs acquis et transmis de père en fils et au sein de la caste des ultra-riches dans un monde qui ne peut qu’être capitaliste, que ces inégalités qui ne sont nullement fondées sur le mérite ne sont pas des facteurs faussant la concurrence et qu’en conséquence les états n’ont aucun droit de s’en mêler, qu’il leur est même strictement interdit de tenter d’égaliser les chances, qu’ils doivent absolument laisser le riche écraser le pauvre et le fort écraser le faible.

* * * * * *

C’est exactement ce qu’imposent les traités européens :

- Le riche exploitant de la ferme des Mille Vaches est ainsi légitimé à recevoir les subventions de la PAC qui lui permettront de réduire à la faillite et pousser au suicide le paysan qui tente de faire de l’élevage respectueux des animaux

- Ainsi, le kérosène ni le fioul n’étant taxés, sans souci de la manière dont sont exploités les travailleurs du bout du monde, les richissimes propriétaires de chaînes de supermarchés en tous genres sont encouragés à acheter leurs produits à des dizaines de milliers de kilomètres de l’endroit où ils seront vendus, puis à pratiquer encore le dumping sur les prix, afin qu’en implantant partout leurs magasins, ils puissent réduire à la faillite le paysan, le menuisier, l’épicier, le boucher, le marchand de chaussures, le quincaillier, le droguiste et vider les villages et les villes de leurs entreprises et commerces de première nécessité.

- Ainsi les riches multinationales se voient offrir la possibilité d’énormes bénéfices en n’ayant pour tout effort à fournir que d’employer des travailleurs polonais détachés en France et des travailleurs slovènes ou roumains détachés en Pologne.

- Les super riches financiers peuvent aussi tranquillement ubériser puis faire main basse sur toutes les activités de services, grâce au merveilleux statut d’auto-entrepreneur, et ruiner sans état d'âme les petites entreprises locales

- Enfin tout ce joli monde est autorisé par les gouvernements des « grands pays membres » de l’Union Européenne à planquer ses bénéfices dans des banques au Luxembourg et en Irlande, paradis fiscaux qui sont protégés, choyés, en vertu de la règle de concurrence non faussée qui s’applique aux relations entre les états de l’Union, du moment que ça permet aux riche de s'enrichir davantage. (*)

En fait, la règle d’or du capitalisme libéral est qu’il n’y a pas de règle, même pas de règle du marché, puisque tous les coups sont permis. Les seuls à devoir subir la loi sont les états et les individus. La règle d’or de l’Union Européenne, la seule règle européenne effective, c’est en effet de limiter, et si possible abolir, le pouvoir de régulation des états sur la sauvagerie de l’économie de marché, et de favoriser le libre-échange tout en contraignant les individus à se soumettre à la puissance esclavagiste des financiers, des actionnaires et des propriétaires de multinationales.

* * * * * *

Dans le cadre de l’Union Européenne, tous les problèmes sont passés au crible de cette règle d’or. C’est comme ça que :

- le SMIC est vu comme une aberration économique parce qu’il entraverait la légitime recherche du profit maximal, sans égard pour la santé, le pouvoir d’achat ou la qualité de vie des travailleurs ; c’est pourquoi la conférence des chefs d’état de l’UE n’en veut pas

- la sécurité sociale, parce qu’elle empêche les assureurs de réaliser les bénéfices auxquels ils auraient droit, ne doit pas être généralisée en Europe mais au contraire démantelée là où elle existe afin que chaque citoyen qui en aura les moyens se voie obligé de se payer une assurance privée

- pour l’assurance chômage et l’assurance vieillesse, c’est pareil : la Commission Européenne n’en a le souci que pour laisser les gouvernements et les chefs d’états, tel que Macron, les démolir dans l’intérêt du privé (du privé Mederic-Malakoff, par exemple, dont la famille Sarkozy est actionnaire)

- ah oui, et les migrants : l’Union Européenne les appelle de tous ses vœux car ils sont bons pour l’économie, constituant une main d’œuvre très bon marché, qui en fait rabattre aux travailleurs européens vraiment trop gâtés en matière de protection sociale

- la pauvreté est aussi une excellente chose pour les riches qui ne s’engraissent que du travail des gens, parce que la pauvreté crée une main d’œuvre pas chère, corvéable à merci car affamée de travail, ce travail indispensable à leur simple survie… mais attention ! les aides sociales, qui faussent la concurrence entre les travailleurs, doivent disparaître ; pensez donc : à cause du RSA, de l’allocation logement et des allocations familiales, trois millions de chômeurs sont devenus trois millions de fainéants qui ne veulent plus bosser, un drame pour les patrons contraints, à l’encontre de leur bon cœur, d’aller chercher des travailleurs détachés en Slovénie ou en en Tchéquie, voire des migrants libyens ou irakiens

- et voici que la culture intensive sustentée au glypgosate ou « Round Up », ne peut pas être interdite comme ça, parce que ce serait une catastrophe. Une catastrophe non pas parce que ça mettrait sur la paille les petits paysans, que la PAC pourrait par exemple illico aider à se reconvertir en agriculture non glyphosatée, mais catastrophe juste parce que ça foutrait à mal tous les gros salopards de riches actionnaires qui ont investi dans la firme Monsanto, sans penser un instant à la santé des gens.

C’est tout ça, l’essence même de l’Union Européenne.
Si ça vous va, ben, tant pis. Moi, ça me fait vomir.
Mais si vous voulez changer quelque chose, alors remuez vous.
Comment ? Je ne vais pas vous dessiner votre ligne de conduite, mais commencez par chercher l’info ailleurs que dans les grands médias. Internet, pour ça, c’est formidable, alors profitez-en, tant que c’est encore à peu près libre.

Sinon, je peux vous conseiller https://lafranceinsoumise.fr

* * * * *

(*) Question : Est-ce que, pour sauver « l’économie française », on ne pourrait pas faire de la France un paradis fiscal ?
Réponse : Euh, non, parce que pour qu’il y ait paradis fiscal, il faut qu’il y ait enfer fiscal. Si tout le monde s’aligne sur une fiscalité unique en Europe, où qu’ils vont aller chercher refuge, nos riches actionnaires, pour éviter que leurs pépettes servent au bien commun ? Hein ?

samedi 18 mai 2019

Comment je n’ai pas convaincu une abstentionniste de voter aux élections européennes

Si je milite, c’est que j’ai l’espoir de convaincre. Quand, lors d’une distribution de tracts, je peux engager la conversation avec la personne qui vient de prendre mon tract, ou parfois aussi le refuser, je me demande toujours aussitôt pourquoi cette personne s’arrête, prend sur son temps (comme moi) pour m’écouter ou au contraire me faire connaître son avis ; je me demande qui j’ai en face de moi, une personne simplement intéressée ou déjà convaincue ou au contraire décidée à ne pas se laisser convaincre, et je me demande de quelle sorte sa réaction va être. Je me prépare psychologiquement, j’observe les mouvements de sa physionomie, j’interroge le ton de sa voix, je suis attentif à chaque mot qu’elle prononce.

« J’irai pas voter.
- Pourquoi ?
- Ca ne sert à rien. Le parlement européen n’a aucun pouvoir. Une fois élus, ils font ce qu’ils veulent. Tous pourris, ne pensent qu’à leur gueule. »
Aïe ! Ca commence mal. Les dégoûtés de la politique, sincères ou feints, c’est dur à convaincre. Mais j’essaie de raisonner : « Ne pas voter, madame, c’est voter pour les deux que les sondages donnent gagnants. Vous êtes donc contente de la politique de Macron et d’accord avec le programme de Le Pen
- Je n’ai pas dit ça.
- C’est vrai, vous ne dites rien, mais qui ne dit mot consent. »
Et là, il faut bien qu’elle s’explique.

Mais c’est dur, elle patine dans la semoule, elle tourne en rond avec ses mêmes arguments, illustrés d'exemples :
« Les financiers sont plus forts que les politiques. Mélenchon est plus riche que Macron. Les syndicalistes sont vendus aux patrons. Et cetera. »
Voilà une personne désespérée, résignée à se faire tondre. Ce qu’elle demande : oublier la contrariété, qu’on lui fiche seulement la paix. Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui :
« Si vous n’êtes pas contente et ne votez pas, je comprendrais que vous soyez escroc, perceuse de coffre-fort ou voleuse de poules pour récupérer un peu de ce qu’on vous prend, je comprendrais que vous soyez anarchiste et poseuse de bombes pour vous venger ou provoquer un changement, je comprendrais que vous soyez nonne bouddhiste afin d’apprendre à supporter votre souffrance… ce serait logique. Mais si vous restez là, comme ça, sans réagir, j'en déduis qu’en réalité vous êtes contente de votre sort - non ? »

Agacée, pour clore le débat, elle me lance, en s’éloignant déjà :
« Allez, je m’en fous, moi, de tout ça, je bosse au Luxembourg. »
- Vous avez raison, madame, il faut être égoïste. Si vous vous faites agresser, ne comptez pas sur moi pour vous secourir. »

dimanche 12 mai 2019

Sauver la puissance publique : une urgence absolue.

Il y a des jours, tu te lèves et les choses compliquées te paraissent évidentes, et tu ne comprends pas que d’autres ne voient pas comme toi cette évidence. Je m’explique. Au milieu d’une conversation assez animée avec mon voisin, je prononçai la phrase suivante :
- Je suis internationaliste.
L’autre aussitôt :
- Macron aussi est internationaliste. La preuve : il veut plus d’Europe, il veut même des entités administratives régionales transfrontalières - tu vois. Donc, tu es d’accord avec Macron.

Syllogisme classique destiné à embrouiller le message, à embobiner l’interlocuteur. Un enfant ne tomberait pas dans le piège. Je lui rétorque :
- Dans la bouche de Macron et dans la mienne, le mot « internationale » n’a pas le même champ d’application.
- Reconnais au moins que la coopération transfrontalière, c’est une bonne chose, que ça va dans le bon sens.
- Je reconnais que si Macron, grand prêtre du libéralisme économique capitaliste, prêche et agit pour le dépassement des nations souveraines, je suis nationaliste.

Mon voisin jubile :
- Aha ! Vous vous contredites !
- Que nenni. Je suis pour l’internationale des peuples, une internationale en dehors et au-dessus du cadre des nations et de leurs lois propres, lorsque les gouvernements des états organisent et entretiennent une concurrence économique entre les peuples pour ne favoriser que des intérêts privés et particuliers. Je considère par exemple un état nocif lorsqu’il se soumet à des puissances d’argent, tels les lobbies de l’agroalimentaire, de la pharmacie ou de l’armement. Ce qui est une dictature.
Je suis en revanche pour les nations, leur territoire et leurs lois propres, quand je vois que la puissance des états est aujourd’hui le seul rempart face aux superpuissances économiques privées, les multinationales, les banques, la caste des milliardaires, et face à leur volonté de détruire les états et de lier les peuples dans l’asservissement du travail et de la consommation, après leur avoir ôté le recours de la démocratie et de la solidarité.

Vous voyez bien que les services publics sont démolis par des privatisations à tour de bras et par la diminution forcée des recettes de l’état, que le pouvoir de l’état est battu en brèche par l’interdiction de relancer l’économie en investissant, par la mise en place, à travers les traités de libre échange, d’une réglementation internationale qui permettra demain à une entreprise de faire condamner un état qui entraverait sa liberté de faire du fric avec tout et n’importe quoi, sans aucun respect du vivant (lisez le CETA !).

La sauvegarde du pouvoir politique exercé par les états est aujourd’hui un enjeu aussi important que, et pour tout dire indissociable de, la sauvegarde de la planète et de la vie sur Terre. Parce que la puissance économique, entre les mains de quelques-uns, ne sert pas le bien commun mais seulement leur appétit de richesse et de pouvoir. Parce que faire du fric est devenu aujourd’hui incompatible avec, et antinomique du respect de la vie.

Il est donc important de voter, à chaque élection, important de faire entendre que le peuple ne se désintéresse pas de son propre sort et qu’il accorde davantage de valeur morale à la puissance publique qu’aux libres marchés. L’Union Européenne est le cheval de Troie, ou plutôt le rouleau compresseur, de puissants intérêts privés. Il faut donc voter contre l’UE, en envoyant au parlement européen des dissidents, des subversifs, des empêcheurs de magouiller en rond.

Macron réclame plus d’Union Européenne. Macron est le cheval de Troie, le rouleau compresseur, chargé de dépecer et de vendre la France. Il faut donc voter contre Macron.
Pour sauver ce qui reste de l’état protecteur.

jeudi 9 mai 2019

Main basse

Ecoutant France Inter ce matin (oui, ça doit être par masochisme), j’entendais que chaque problème soulevé par une partie de nos concitoyens ou par les medias eux-mêmes - mise en doute de la volonté écologique de Macron, inquiétude causée par la réforme de l’école, spectre d’une victoire du RN aux élections européennes… - donnait lieu, exactement dans la minute qui suivait, à un discours des plus rassurants pour l’auditeur béotien comme pour la majorité présidentielle, soit d’un invité LREM, soit d’un expert censé indépendant, soit d’un chroniqueur ou d’une humoriste de la chaîne. Tous les matins, c’est pareil : jamais un opposant pour donner l’autre son de cloche. France Inter porte la voix de son maître.

Comme chacun sait, le chien ne mord pas la main qui le nourrit, cette main de Macron qui peut le faire abattre (autrement dit virer) rien qu’en claquant des doigts, et à travers lui, la main des gros capitalistes, les quelques-uns qui possèdent 90% du capital économique mondial et qui ont fait main basse sur les états. Ce n’est pas nouveau, mais ça se voit beaucoup mieux aujourd’hui. Depuis que Macon est aux manettes pour les servir, il saute en effet aux yeux que la destruction ou la neutralisation de la république et de la démocratie sont ses vrais objectifs.

Avec la complicité d’un certain peuple abruti de propagande, de conformisme, de peurs et de haine de classe, il ôte à l’Etat, un à un, tous les moyens dont celui-ci disposait pour contrôler, contrer les agissements des superpuissances économiques et le réduit ainsi peu à peu au seul rôle de garde-chiourme du petit peuple travailleur consommateur aliéné dans cette double dépendance.
Et ça donne le traitement de nazi infligé aux gilets jaunes, des lois pour restreindre les libertés, la privatisation systématique de toutes les activités qui abondent le budget de l’état, l’assèchement des services publics, la soumission à l’idéal ultralibéral déguisé, mais incarné, en l’Union Européenne.

Les ficelles sont désormais trop grosses pour ne pas se voir. Encore faudrait-il qu’on ne détourne pas le regard. Mais voir et savoir ne sert de rien si l’on n’agit pas pour résister et, à terme, renverser cet ordre inique qui est un système proprement esclavagiste. Manifester, militer, voter, résister, gueuler, valent mieux que le silence qui équivaut au consentement.


lundi 6 mai 2019

Retour sur la manif Alter G7 de Metz, le 4 mai, 2019

En trois points.

1. Nous étions 3000, selon le collectif Alter G7 qui organisait l’événement. Pour une manifestation qui se voulait le pendant citoyen à la réunion du G7 environnement, c’est un bien mince résultat.

On pourrait en conclure que dans leur grande majorité les gens se fichent bien de la pollution, du réchauffement climatique, de la perte de biodiversité, de la dégradation de la qualité de l’air, de l’eau et des sols, de la malbouffe, des perturbateurs endocriniens, de tous les maux et saletés que nous impose ce que certains nomment encore le progrès.

Mais l’aspiration naturelle de l’humain étant la paresse, par ailleurs encouragée par notre mode actuel de production, consommation, fonctionnement, et le combat réclamant des efforts, il est bien normal que le mouvement peine à mobiliser, surtout les jours de froidure et de pluie.

Il faudrait que les désagréments causés par la pollution de la planète nous deviennent proprement intolérables pour que notre réaction devienne majoritaire, devienne massive. Si j’en juge par la tolérance aux embouteillages qui font chaque jour perdre de précieuses heures de vie aux travailleurs frontaliers, ce n’est pas pour demain.

Ainsi la prise de conscience d’un problème n’implique pas forcément qu’on tente de le résoudre. J’ai rencontré sur le stand Stop Knauf Illange du village Alter G7 un monsieur dont la vision du monde tenait en ces quelques sentences -oui, c’est bien de lutter contre la pollution ; mais on ne peut pas l’empêcher ; en Inde, on pollue cent fois plus ; on est en compétition avec l’Inde ; on ne peut pas refuser des emplois-, ce qui revient à justifier qu’on ne fasse rien et qu’on laisse faire.

2. En revanche, les organisations et les associations qui œuvrent sur le terrain se trouvaient nombreuses réunies sous la bannière écologique. Je ne les citerai pas, de crainte d’en oublier, à part Stop Knauf Illange, collectif de riverains dont je suis adhérent et au stand duquel j’avais participé la veille avec mon déguisement de Monsieur Knauf.
Il y avait des Luxembourgeois, des Allemands, des Belges et des Alsaciens.
On a vu flotter sur le cortège les drapeaux de la CGT, de FSU, du Parti Communiste, du NPA, d’Europe Ecologie les Verts, et bien évidemment de La France Insoumise, dont je suis et me réclamais en cette occasion particulière.

On pourrait penser que tant d’étiquettes différentes, que les innombrables collectifs créés chacun pour une cause particulière, que les divergences revendiquées, font un émiettement néfaste à la lutte. C’est vrai, mais seulement dans le domaine politique et dans les urnes.

Sur le terrain, il est au contraire salutaire que les uns et les autres se battent pour une cause précise, car on ne peut pas courir tous les lièvres à la fois : défendre les baleines et les éléphants, protéger les abeilles et les chauve-souris, surveiller l’industrie nucléaire et l’alimentation, militer pour une agriculture bioéthique, empêcher le contournement de Strasbourg ou l’exploitation du gaz de couche dans les anciennes houillères de Moselle ou l’usine Knauf à Illange… Toutes les causes sont importantes.

Et tous les militants, les activistes, les sympathisants, à la fin se retrouvent main dans la main pour faire cause commune pour le bien commun. C’est un signe évident de convergence. Reste à fédérer.

Le soir, dans le TER du retour, nous avons échangé avec Christophe, qui avait marché avec EELV. Actuellement en formation (en fait une reconversion), il s’apprête à embrasser le métier de paysan, en agriculture biologique. C’est lui, le matin même, nous ayant reconnus, Jean-Luc Pierré et moi, pour nous avoir vus jouer notre duo Knauf-Weiten lors de la marche organisée à Illange par SKI, qui avait proposé que nous prenions un billet de groupe. (A trois, on paie moitié prix, mais on doit voyager ensemble). Je crois qu’il nous aurait été difficile de trouver entre nous de graves points de désaccord.

Et pourtant, comme pour le défilé du premier mai, j’arborais par-dessus ma veste, outre mes badges, tracts et drapeaux Stop Knauf et France insoumise, un gilet jaune. C’est peut-être ce qui a motivé trois reporters de France 3 National à m’interroger sur mes motivations. Ils n’avaient pas de signe distinctif, par crainte d’être pris à parti, peut-être. Je ne tiens pas vraiment à ce que ça passe, parce qu’en y repensant, j’aurais pu répondre beaucoup mieux que je l’ai fait.

3. Ce sont les gilets jaunes qui ont pris la tête de la manifestation ; ils se sont carrément imposés ; ils ont agi exactement comme s’ils étaient dans une de leurs manifestations hebdomadaires. C’est normal, ils étaient les plus nombreux et les plus bruyants, sans doute parce qu’ils sont aussi les plus ardents.

On pourrait dire qu’ils ont ainsi récupéré le mouvement, que par tout un week-end farouchement repeints en verts, ils ont redoré leur blason à bon compte. Mais personne ne s’y est opposé, personne n’a même grogné dans les rangs. Le monde écolo s’est aligné derrière eux, en confiance. Il faut dire qu’Isabelle, qui était de l’organisation, avait sur le dos un gilet jaune et à la main la bannière d’ATTAC.

C’est qu’ils n’étaient pas les seuls à lutter aussi sur le terrain du social : Emmaüs, ATTAC, OXFAM et d’autres y étaient. Et pour tout dire, si j’ai bien écouté ce qui se disait autour de moi, hormis quelques rares naïfs, il ne faisait de doute pour personne que capitalisme et libéralisme économique sont incompatibles avec l’écologie, le souci de la vie et la dignité humaine. A la France insoumise, nous le traduisions par ce slogan : « Fin du monde, fin du mois, mêmes responsables, même combat. »

A un moment, peu avant le départ, un type en gilet jaune tout bardé de rouges vignettes CGT, s’approche de moi, suivi par une femme sans autre signe ostentatoire que des cheveux teints de couleurs fluo. Ils engagent illico : « Ah la France Insoumise ! C’est vous qui aimez les migrants. » Je tente d’expliquer la position de la FI, mais ils n’écoutent pas. Ils sont venus pour déverser leur haine. C’est un flot ininterrompu d’invectives et de propos racistes. Au bout d’un moment, je leur lance : « Vous voudriez peut-être les tuer tous. » Et la charmante dame : « Oui, c’est ça qu’il faut faire. » Alors un homme est venu pour leur dire : « Je suis à la CGT, moi. Mais vous, non, ce n’est pas possible. »

Comme quoi, il y a des exceptions. Dans le monde politique aussi, il y a des exceptions, ce sont les partis qui n’étaient pas représentés à cette marche : LR, LREM, RN, toute la droite, quoi. Mais je n’ai pas vu non plus les socialistes, de quelque couleur qu’ils soient. Peut-être ces partis de gouvernement répugnent-ils simplement à défiler avec ceux de l’opposition. Mais tout bien pesé, je crois plutôt que leur absence révèle qu’ils n’ont aucune, mais alors strictement aucune, sensibilité écologique.

mercredi 1 mai 2019

1er mai 2019

Je rentre de la manif du 1er mai à Metz. C’était pas la foule des grands jours, mais ça avait de l’allure tout de même.

Comme syndicats, n’y étaient que CGT, SUD et FSU. Les autres ont peut-être voulu ne pas froisser Macron. Leur en sera-t-il reconnaissant ? C'est à voir.

Au rang des organisations politiques, j’ai vu des drapeaux de la Fédération Anarchiste, de Lutte Ouvrière, d’Action Anti-Fascisme et des militants de Générations alignés derrière leur banderole. Le Parti Communiste y était, c’est normal.

Nous, les Insoumis, étions une petite trentaine entourant Caroline Fiat, députée France Insoumise de Meurthe-et-Moselle, et Céline Léger, candidate FI aux prochaines Européennes (elle est d'Aumetz). Notez dans votre agenda la réunion publique qu’elle tiendra à Thionville, salle Verlaine, le 17 mai, à 20h.

J’ai bien vu aussi les drapeaux d’ATTAC et les militants d’« Alter G7 » et peut-être d’autres associations (qu’elles me pardonnent d’avoir zappé leur nom). Avec Stop Knauf Illange, on se prépare ensemble à recevoir le G7 de l'environnement, le week-end qui vient. Ca va pas être triste. Mais chut...

Dans le défilé, j’ai vu beaucoup de gilets jaunes, presque autant que de syndicalistes ; et des fois, c’étaient les mêmes personnes, coloriées de rouge communiste et de jaune fluo à la fois. Comme moi-même qui avais revêtu le gilet jaune tout en brandissant ma bannière de la France Insoumise. Ca m’a d’ailleurs valu un compliment au moment de la dispersion : un gilet jaune est venu m'avertir que, si je voulais, je pouvais le suivre et que les gilets jaunes allaient poursuivre la manif expressément là où elle n’était pas autorisée.

J’avoue que je ne suis pas trop courageux pour sortir des clous et risquer de me prendre un coup de matraque sur mes vieux os. Mais je trouve que les gilets jaunes ont raison de braver les interdits. Jusqu’à nouvel ordre, se balader en groupe dans une ville, serait-ce affublé d’un signe "politique" distinctif, n’est pas un délit… ou bien si ?

Ah oui. Il y avait aussi un grand groupe de Turcs qui défilaient pour protester contre l’incarcération d’un journaliste d’opposition dans leur pays ; puis, à la fin, sur le camion qui tenait lieu de podium, une femme kurde, en treillis de combattante contre Daesh, qui appelait à soutenir une de ses compatriotes emprisonnée, en protestant contre le traitement inhumain que lui inflige actuellement l’état turc. D’où une petite tension entre l’oratrice et une personne dans la foule, assez véhémente, sans doute une fan’ du dictateur Erdogan.

A part ça, tout s’est passé gentiment : pas de lacrymogène, pas de flash-ball, pas de grenade. Juste quatre camionnettes de police au départ, sans un flic autour, que je n’ai plus revues ensuite, et tout au plus trois ou quatre motards de la gendarmerie pour arrêter les voitures aux carrefours. Normal.

Pas de débordement non plus. Les slogans fusaient de partout, divers, connus ou originaux, même pas méchants. A un moment, je me suis représenté Macron dans notre défilé, refaisant son trajet olympien d’après l’élection, et je me disais qu’on pourrais désormais l’accompagner en scandant « Macron, à poil, au balcon » comme aurait pu crier l’enfant dans le conte « Les habits neufs de l’empereur ». Parce que désormais, franchement, ceux qui n’ont pas compris quel est le dessein final de Macron, ceux qui ne l’ont pas percé à nu, ceux-là ont vraiment besoin d’une paire de jumelles, ou d’un coup de pied au cul.

Bon, je blague, mais blaguer, ça ne sert à rien. Si on avait été un million dans les rues, là oui, on aurait pas eu de mal à bousculer l’empereur.

13h30. Je rentre à la maison. J’allume l’ordinateur et la télé, histoire de voir comment ça se passe à Paris.
Sur Youtube, beaucoup de directs, ambiance d’insurrection, mais sans commentaire.
Sur BFM, CNEWS et LCI (le fameux bouquet TNT gratuit de Sarkozy, le vrai piège à cons), tu as en revanche grand bandeau en travers de l’écran, marqué en gros « des heurts avec la police » ; puis, par-dessus les images, tu entends des commentaires qui, au cas où tu n’aurais pas compris ces images, t’expliquent comment comprendre ce qui se passe sous tes yeux, à savoir que les « forces de l’ordre » ne font que se défendre.

Puis, tu as un discours qui est nouveau sur ces chaînes de merde, un discours sur ces Gilets Jaunes qui se sont radicalisés, qui en fait ont viré black blocks. Tu comprends ? Toi, devant  ton écran, tu es censé trembler, faire dans ton froc, réclamer plus de répression contre cette sale engeance.
Mais je te le dis : ne t’emballe pas. Le Gilet Jaune radicalisé (genre terroriste islamiste), ça n'existe pas, c’est juste une invention du ministre de l’intérieur, enfin pas lui, pas Castaner, qui n’a pas les capacités intellectuelles suffisantes ; c’est en fait un staff de penseurs communicants qui lui souffle ces idées nauséabondes. Le bouquet gratuit ne fait que les relayer auprès des téléspectateurs.

Bon, après, je vois apparaître Alexis Corbière sur une moitié d’écran (sur l’autre moitié, c’est l’info en continu - obligé). Bon, il fait le job habituel, mais en plus il traduit assez bien comment la police provoque les manifestants et puis, à un moment, il prononce cette phrase : « j’en veux à la police ». Alors là, ma main au feu, ça va en faire, des gorges chaudes !

En ce qui me concerne, je pense qu’à obéir bêtement à ce gouvernement qui sent trop fort sa peste brune totalitaire, la police, les CRS et la gendarmerie sont en train de se couvrir de honte. Pour qu’ils retrouvent leur honneur, une seule solution : qu'ils rejoignent les gilets jaunes !