samedi 19 janvier 2019

Contourner le piège du grand débat

Le Grand Débat (j’écrirai GD par la suite) est en effet un piège parce qu’il présuppose la confiance en ceux qui l’organisent, alors que ceux qui l’organisent (le président, le gouvernement, les députés LREM), sont de parti pris, partie prenante - il y a donc conflit d’intérêt, donc aucune garantie de neutralité, et au contraire une forte suspicion de partialité.

Concernant la participation ou non à ce grand débat (grande consultation informelle dont les règles ne sont pas définies), j’ai bien écouté le président, j’ai bien écouté les oppositions, j’ai bien écouté les orateurs de la France Insoumise, mouvement dont je fais partie, et j’ai bien écouté les gilets jaunes qui sont sur le rond-point de Kanfen (57).

Après quoi mon opinion est faite. Voici le dilemme :
1 - Refuser de participer au Grand Débat fournirait au gouvernement cet argument que les gilets jaunes (et autres opposants) ne sont pas des démocrates, qu’ils sont juste animés par la haine, ou je ne sais quoi de plus vil encore… et que M. le président est donc autorisé à faire n’importe quoi jusqu’à la fin de son mandat.
2 - Participer au GD en l’état aiderait M., le gouvernement et LREM à justifier leur politique, dont ils ont déjà fait savoir qu’ils n’en changeraient pas, quel que soit le résultat du GD, puisqu’à la fin personne ne saura quels étaient les résultats du GD, et que le président M. décidera a priori tout seul de ce qu’il retiendra de choses à améliorer, comme par exemple, la diminution des retraites.

La question fondamentale dans cette affaire de GD n’est pas le GD en soi, mais la question de la confiance, qui s’exprime en ces trois interrogations :
1 - comment serons-nous sûrs que tout ce qui aura été dit sera « remonté »  jusqu’à M. (le président de la république) ?
2 - comment serons-nous sûrs que M. appliquera ce qui a été dit majoritairement lors de ce GD ?
3 - comment serons-nous sûrs que les organisateurs du GD (députés LREM, maires sans étiquette) remonteront honnêtement toutes les contributions au GD ?

Si je pose ces trois questions, ce n’est pas que je soupçonne M., son gouvernement, ses député LREM et les maires sans étiquette de vouloir fausser, confisquer le GD au profit du statu quo (ce serait les accuser de malhonnêteté). Non, c’est juste parce que je pense qu’en démocratie la confiance que j’accorde à mon élu ne le dispense absolument pas de rendre des comptes et de se soumettre à quelque bienveillante instance de contrôle. Il ne devrait donc pas s’en offusquer… à moins qu'il ait par avance des choses à cacher.

Alors, puisque M., le gouvernement et LREM organisent ce GD dans un grand flou artistique, je me suis dit que les vrais démocrates, qui ne manquent pas dans ce pays, pourraient bien être d’accord avec la  proposition suivante de mettre un peu d’ordre et de contrôle démocratique dans cette affaire :

1. pas de contribution anonyme (chacune doit être signée et indiquer le nom et l’adresse)

2. pas de collecte de contributions, à quelque niveau que ce soit, sans contrôle des gilets jaunes (qui, même sans chef, sont capables de nommer des représentants pour une tâche précise et un temps déterminé), sans contrôle de citoyens tirés au sort et, pourquoi pas, sans contrôle de tous les partis politiques ; il faut donc une telle commission de contrôle dans chaque commune où est organisée une collecte de contributions au GD.

3. le dépouillement des contributions doit être fait sur chaque point de collecte par cette commission. Le décompte numérique de chaque idée, de chaque proposition, doit être établi scrupuleusement ; ainsi se dégagera une hiérarchie, une priorité des questions à traiter : augmentation du SMIC, ISF, RIC…

4. au niveau national, une commission de contrôle du dépouillement doit être créée sur le même modèle (disons paritaire et aléatoire, pour faire court). Pas question de laisser M., son gouvernement et ses LREM mettre seuls leur nez là-dedans.

5. les résultats de tous ces échelons de dépouillement doivent à chaque stade être publiés immédiatement dans la presse, les médias nationaux et dans les bulletins municipaux, s’ils existent.
Tous les médias (quels qu’ils soient) doivent suivre du début à la fin tout le processus en donnant la parole à chaque commission de contrôle et à chaque stade de remontée des résultats.

Si cela n’est pas fait, rien ne garantira que le GD ne sera pas de l’enfumage. En revanche, si tout est enregistré, connu, à chaque étape du processus et si, malgré ça, M., le gouvernement et LREM n’appliquent pas ce qui est demandé majoritairement, ils auront fait la démonstration éclatante de leur fausseté. 
Ils n’auront alors plus beaucoup d’alternatives : ou s’en aller d’eux-mêmes ou continuer de taper sur les gilets jaunes à coups de flashballs, parce que les gilets jaunes, c’est sûr, jamais ils ne lâcheront l’affaire.

- Et si les résultats étaient contraires aux gilets jaunes ?
- Dans les conditions que je viens d’énumérer, il n’y a aucune chance !
  

Je vais donc participer au GD, mais ma première revendication sera que M., le gouvernement, LREM et les maires sans étiquette acceptent que, de la collecte au dépouillement des contributions, tout soit sous le contrôle de commissions (gilet jaune, paritaires et aléatoire, comme j'ai dit). . 

- Et si une majorité de gens mettent cette exigence en N°1 des revendications, que croyez-vous qu'il se produira?
- Je suis pessimiste : M; ne l'entendra pas et il enverra de nouveau les CRS.
- M'enfin, laissez-lui une chance !

1 commentaire:

  1. Très bonne idée dans la droite ligne d'Etienne Chouard et qui nécessite une forte mobilisation. C'est LA chance pour que les revendications des GJ aboutissent ailleurs que dans une poubelle.

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