Ça y est ! Al Assad a été frappé par le trio Trump, May,
Macron. Sur les ondes, on dit : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et
La-France ont frappé la Syrie. Passons sur cet abus de langage. Pour eux, l’honneur
est sauf : ils ont fait ce que Trump avait inconsidérément promis, ils ont
bien retracé la ligne rouge fixée par Macron, et on a finalement trouvé le
moyen que May punisse la Russie à peu de frais. Ah, mais !
En même temps, ça n’ira pas plus loin. Heureusement
d’ailleurs ! Encore que la Russie (de Poutine) à son tour a promis des
représailles. Et avec ça, les rebelles ont perdu la guerre et le dictateur
sanguinaire de Syrie est toujours en place. Bon, si on considère le bordel
actuel en Iraq et en Libye, ce n’est peut-être pas le mal absolu. Même en Tunisie
et en Egypte, pays sans pétrole, où les dictateurs ont été balayés sans
intervention extérieure (apparente), on n’a pas eu la démocratie qu’on espérait.
Rappelez-vous également de quoi la révolution iranienne avait accouché après
que le Shah fût démis et chassé, qui n’était même pas un dictateur selon la
norme de l’Occident.
Tout ça m’a fait songer à ce que Kamel Daoud publiait en décembre
2012 dans le « Quotidien d’Oran » (j’ai dû ressortir son bouquin,
« Mes indépendances », publié en 2017) : « Post révolutions : faut-il laisser les
peuples arabes voter ? » Et l’article commence par « C’est l’un des dilemmes discrets des
élites : faut-il laisser le peuple voter au nom de la démocratie ou sauver
la démocratie en interdisant au peuple de voter ? »
Ça n’est pas politiquement correct, n’est-ce pas ? Mais
il parle seulement des pays où s’est déroulé le fameux printemps arabe, de
l’Egypte surtout. Ce qu’il veut dire, c’est qu’on a chassé le dictateur pour instaurer
la démocratie, et qu’à peine le peuple a pu voter, on s’est aperçu avec stupeur
qu’il s’est jeté dans les bras des Frères Musulmans et autres islamistes qui,
même dits modérés, renvoient les femmes à leur condition d’infériorité,
mélangent la loi avec la charia, installent la dictature religieuse,
restreignent chaque jour un peu plus les libertés individuelles et,
accessoirement, soutiennent l’Etat Islamique. A voir ici : http://www.liberation.fr/planete/2017/01/24/egypte-six-ans-apres-la-revolution-confisquee_1543777
Historiquement, ça s’explique et se comprend parfaitement.
Les élites intellectuelles, éclairées, faisant business et
argent, amies de l’Occident, qui en 2011 se réjouissaient du départ de Ben Ali
et Moubarak, se sont retrouvées à la fin du printemps le bec dans l’eau, dans
l’opposition. Elles estimaient, nous dit Kamel Daoud, que « le vote d’un PDG d’entreprises qui emploient
des milliers de travailleurs est plus important que celui d’un village entier
qui ne fabrique que de la mastication », que le peuple avait mal voté,
parce que le peuple n’avait pas compris, qu’il n’était pas prêt, parce que malheureusement
la démocratie, c’est long à apprendre et qu’il fallait donc leur laisser à eux
la liberté de gouverner démocratiquement... En vérité, ces intellectuels
n’acceptaient pas leur défaite, ils auraient voulu imposer de force leur
démocratie, et surtout pas la confier au peuple.
Qu’en est-il chez nous, mes amis ? C’est pareil. Sarkozy
avait la même conception de la démocratie quand il a fait ratifier le traité de
Lisbonne par le parlement alors que 55% du peuple avait par referendum rejeté
le projet de constitution européenne ; il ne fallait pas laisser le peuple français voter. Macron est son héritier, il fait également fi
de la démocratie, car elle le gêne. La Cinquième République lui en donne tous les
moyens : ordonnances, 49-3 (trop usé sous le précédent président mais
toujours disponible quand les députés LREM décillés rueront dans les brancards),
prime démesurée à la majorité, pouvoirs démesurés du président, etc. Ajoutez à
ces deux dictatures la trahison d’un François Hollande à peine plus timide à
mener le même programme libéral, et vous comprenez pourquoi 60% des inscrits
sur les listes électorales estiment que voter ne sert à rien.
Pourtant, aux dernières présidentielles, il y avait pour
sortir de cette situation pourrie une proposition radicale faite par la France
Insoumise : réunir une assemblée constituante (pour partie des citoyens
tirés au sort), écrire une nouvelle constitution, se donner une chance de
construire une meilleure démocratie. Ca n’a pas marché. Merde, vous n’avez rien
compris, vous avez mal voté… Je déconne, mais j’ai eu l’occasion de discuter de
ça avec le maire de la plus grosse commune des environs et un célèbre
professeur d’histoire-géographie de ses amis, et j’en suis resté abasourdi :
eux aussi pensent que « une grande partie des Français ne devraient pas
avoir le droit de vote parce qu’ils n’ont pas le niveau de culture suffisant
pour comprendre les enjeux ». On dirait du Ben Ali dans le texte.
Vite fait sur Kamel Daoud : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kamel_Daoud_(%C3%A9crivain)
Peut-être qu'une bonne partie des Français ne devraient pas avoir le droit de procréer ou de manger ou de vivre ou de payer des impôts... Là, je m'égare. Mais le grand rêve de nos dirigeants c'est de gouverner des lobotomisés bons à enrichir la classe supérieure par leur travail et leur consommation. Un rêve. Alain
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