lundi 26 février 2018

La farce de l’info 4. - Le verbe l'emporte sur l’image

On nous avait dit que nous étions dans une « civilisation de l’image ». On se trompait, nous sommes dans une civilisation du verbe - du verbiage aussi, à l’occasion.

Pierre Bourdieu : « Les journalistes ont des lunettes… ils voient certaines choses et pas d’autres… ils voient d’une certaine manière les choses qu’ils voient… ils opèrent une sélection et une construction de ce qu’ils sélectionnent. »

Exemple : la banlieue. Depuis que les médias nous informent de ce qui se passe en banlieue, nous avons malgré nous adopté leur façon de n’y voir que des chômeurs, des « cas soc’s », des voyous, des dealers, des bandes armées, des émeutiers, des caillasseurs de pompiers, des incendiaires de voitures, une zone de non-droit. Partant de là, j'en connais, des haineux, qui n'auraient pas été mécontents que Sarko y envoie le nettoyeur Kärcher (l'armée avec des mitrailleuses et tout et tout)

Autre exemple : la guerre. Chaque conflit nous est présenté, non pas de façon neutre, avec tous ses tenants et aboutissants, en faisant appel à notre intelligence, notre capacité à en comprendre les enjeux, mais au contraire de façon délibérément partiale et manichéenne, en nous récitant le catalogue des horreurs commises par les méchants (antiaméricains) tandis que toutes les horreurs commises par des bons (proaméricains) seront soit immédiatement excusées, soit passées sous silence. Nous sommes ainsi constamment sous influence.

Pierre Bourdieu : « Le principe de sélection, c’est la recherche du sensationnel, du spectaculaire. La télévision appelle à la dramatisation, au double sens : elle met en scène un événement et en exagère l’importance, la gravité… »
C’est comme ça qu’il est devenu normal pour les journalistes de télévision de

- sortir une petite phrase de son contexte pour la faire paraître scandaleuse, quand ils veulent discréditer une personne: https://www.youtube.com/watch?v=3ddtNPHmyqI

- couper au montage les images qui n’illustrent pas le point de vue dramatique qu’ils ont choisi

- négliger certains événements et en favoriser d’autres. Voyez par exemple ici https://www.tf1.fr/tf1/jt-13h/videos les vidéos du journal de 13h sur TF1, ce 26 février. Non, ce n’est pas une caricature, c'est la réalité. 

Pierre Bourdieu : « En fait, paradoxalement, le monde de l’image est dominé par les mots. La photo n’est rien sans la légende qui dit ce qu’il faut y comprendre. Nommer, c’est faire voir, c’est créer… Les mots peuvent faire des ravages : ils créent des fantasmes, des peurs, des phobies, des représentations fausses »

- Ainsi, peut-on parler de foulard islamique, à moins qu’il soit aussi islamiste, alors qu’il ne s’agit que d’un fichu que portent certaines femmes musulmanes, comme certaines bonnes sœurs une cornette.

- Ainsi Macron modernise-t-il la société en détruisant ce qui dans le code du travail protégeait les travailleurs ou en rendant plus difficiles, voire impossibles, les plus vitales des missions de services publics, telles que la santé, la justice, l’instruction…

- Suffit-il de dire que des bombardements sont des « frappes chirurgicales » pour que la guerre devienne propre, ne tuant soi-disant que des professionnels ?

- Les journalistes connaissent bien la puissance des mots quand, pour l'abattre, ils essaient de faire dire à toute force à un interviewé quelque chose, n'importe quoi qui, par de pernicieux syllogismes et sous-entendus, le fera passer pour antisémite, arme plus létale qu'une accusation de viol (comme le fait cette journaliste dans cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=VChhgUeBScg)

Pour finir, voici comment est traité le joli mot de démocratie. Oh que oui, la parole est importante ! tellement importante que depuis que nous avons en 2005 voté contre la constitution européenne telle qu’elle nous était proposée, il n’est aucun gouvernement français qui ne nous ait répété, à chaque fois que nous rechignions à courber l'échine, que nous ne comprenions pas bien, que peut-être aussi il nous avait mal expliqué... C'est donc parce que nous sommes trop cons qu'on nous a quand même imposé l'Europe libérale de Juncker et Merkel. 
Macron, lui, a dépassé ce stade un peu embarrassant pour un monarque qui se veut absolu, car il a une méthode  : les ordonnances.
1. il n’explique pas, il dit juste en gros ce qu’il va faire. 
2. il invite les partenaires sociaux à négocier. 
3. il se fiche du résultat des négociations (et il le dit) et impose directement ce qu’il a promis au départ, sans même passer par la représentation nationale qui est priée de voter la loi avant de savoir ce qu’il y aura dedans.


Les députés LRM sont vraiment des guignols. Qui c’est qui a dit ça, déjà ? Wauquiez, non ?

dimanche 25 février 2018

A chaud : les paysans contre les cheminots

Chaque jour, sur chaque chaîne de radio, à l’heure matinale de grande écoute, est invité un membre du gouvernement. Ce matin, sur RTL, le responsable de la lutte anti-hooligans expliquait que pour tel et tel match de football de ce dimanche les déplacements de supporters sont interdits et que néanmoins, il y aura des policiers déployés aux abords des stades concernés. N’ont-ils pas mieux  à faire, les policiers ? Les clubs, la Ligue, la FIFA richissimes n’ont-ils pas les moyens d’assurer eux-mêmes la sécurité de leurs spectateurs dans et autour des stades, de prendre des mesures, de faire des campagnes de pub, que sais-je, pour éradiquer le hooliganisme ?

Un qui s’invite chaque jour sur toutes les ondes, c’est Macron. Vous avez vu comme il est brave d’aller comme ça au milieu des paysans - ces sauvages incontrôlables ! - leur dire qu’il ne changera rien à sa politique ? Evidemment, on ne voit et n’entend que lui, jamais ce que disent ses interlocuteurs. Son discours est d’ailleurs toujours le même. En voici un exemple.
Sur RTL ce matin, il disait aux cheminots venus protester : « Le monde a changé… vous ne pouvez pas avoir d’un côté des agriculteurs qui sont en difficulté, qui n’auront peut-être pas de retraite, et de l’autre des gens comme vous avec un statut de privilégiés... » Ce ne sont pas les mots exacts, mais c’est leur traduction en clair.

Peut-être avez vous envie d’acquiescer à ce discours égalitaire. Peut-être même avez-vous ressenti une pointe de compassion pour ces pauvres agriculteurs et une autre de haine pour ces égoïstes cheminots ? Si c’est le  cas, vous vous êtes fait avoir.
- Un, parce que ce discours, égalitaire en apparence, ne vise qu’à opposer les gens (diviser pour régner), à désigner aux uns des boucs émissaires pour le malheur des autres. C’est un procédé dégueulasse qui alimente tous les racismes.
- Deux, parce que Macron exprime là encore une fois sa véritable vision pour La-France, celle de la régression sociale, au profit des riches, qui tire tout le monde, sauf les riches, vers le bas : au lieu d’améliorer les conditions de travail des paysans, il veut détériorer celles des cheminots. C’est égalitaire, en effet. Quid de son propre salaire de président ? Moi, je fais ma part : j’ai désormais chaque mois  60 euros en moins à ma retraite - les effets de la modernisation de la France sont immédiats !


Je n’ai cependant pas entendu que les grosses fortunes participaient à ce généreux mouvement égalitariste macronien. Au contraire, elles creusent l’écart.

vendredi 23 février 2018

Autour de l’Ecole, la bêtise gagne du terrain

Il y avait déjà eu Trump qui, avec sa bonne tête de Super Cow-Boy, avait annoncé, il y a deux jours et sans rire, que la solution aux massacres en série dans les écoles et universités était d’armer les enseignants. Pas un journaliste n’a éclaté de rire. Voilà bien la preuve que rien n’est tant pris au sérieux que la connerie.

Le président de la Plus Grande Démocratie du Monde propose ni plus ni moins de transformer les maîtres d’école en shérifs, justiciers de l’immanence. A peine le candidat tueur a dégainé, le prof lui balance une bastos et l’affaire est réglée. N’est-ce pas une bonne idée ? Il fallait y penser, hein !

Ben non, armer les profs serait aussi inefficace que dangereux. Si j’étais un candidat massacreur, je dézinguerais d’abord le prof, première victime tout désignée, puisque le pauvre aurait son « arme dissimulée sur lui » ; alors le temps qu’il la sorte, vous pensez bien que je lui aurais déjà réglé son compte.

Si Donald avait osé aller au bout de son raisonnement, il aurait préconisé que le prof ait son six-coups à la ceinture, dans un holster, ou le fusil à pompe réglementaire posé sur le bureau pendant les cours. Quoi qu’il en soit, un prof armé ne constitue pas un rempart, mais un risque supplémentaire à l’égard de la violence : pour peu que le prof soit dans un mauvais jour, excédé par des élèves qui n’en ont rien fiche de son cours, et c’est lui qui perpètre le massacre. Enfin, sans déconner, l’idéal ne serait-il pas que tous les élèves soient armés... ? Comme ça, chacun surveillerait tout le monde : le candidat tueur aurait à peine dégainé qu’il se prendrait vingt-cinq bastos dans le buffet. Affaire classée. Logique bouclée. Retour au point de départ.

J’espère que les jeunes Américains qui ont prévu de marcher sur Washington seront suffisamment nombreux pour faire changer la constitution états-unienne et terrasser le lobby des canons. (On peut toujours rêver.)

Mais voilà que j’entends ce matin sur France Inter que le gouvernement français a eu, lui aussi, une super idée : les enseignants français pourraient bientôt recevoir une formation, un entraînement, qui les rendrait opérationnels dans la détection de l’ennemi intérieur, à savoir les enfants en voie de radicalisation. 

Logiquement, cette mission de renseignement, pour être efficace, devrait devenir obligatoire, et donc faire l’objet de rapports - ne figurant naturellement pas dans le carnet de notes. J’entends déjà les syndicats de profs râler contre la surcharge de travail administratif - à côté de la plaque, comme souvent.

Quelqu’un débarquant de Sirius (Micromégas, par exemple) ne comprendrait pas ce que radicaliser veut dire puisqu’il ne saurait pas à quoi, ni à qui l’appliquer. Mais vous et moi, nous le savons : il s’agit bien évidemment du radicalisme islamique, autrement appelé islamisme, la religion des musulmans étant seule réputée créer et nourrir le terrorisme.

Pourtant, dans la bouche du journaliste qui rapportait la nouvelle, je n’ai pas entendu de mot contenant la racine « islam »; eh bien, c'est que tout autour et dans des milliers d’émissions de télé et de radio diffusées depuis des années, c’est « radicalisation islamique » que j’ai entendu ; et rien d’autre. Les deux vont désormais ensemble. C’est quand même vicieux - vous ne trouvez pas ?- de confondre les vicissitudes de la politique planétaire avec la pratique d’une religion. N’existe-t-il pas alors également un radicalisme terroriste juif, israélite, sioniste, israélien ? Et un protestant, un catholique, un bouddhiste ? Bien sûr que si !

Mais Macron et la REM n’ont pas songé à le préciser ; ils désignent donc implicitement les musulmans comme cible. Or, c’est une façon inutile, dangereuse et insincère de répondre à la « menace terroriste » : montrer du doigt, c’est se mettre au-dessus ; se mettre au-dessus, c’est mépriser, le contraire de la main tendue ; et quand on ne tend pas la main, on ne récolte pas le respect, et encore moins l’adhésion. Il est évident d’autre part que les musulmans français ne sont pas un problème : les « radicalisés » sont en effet très peu nombreux (ne serait-ce qu’en pourcentage) et beaucoup de nos djihadistes nationaux sont en fait des convertis de la dernière heure qui ne connaissent rien du tout à l’Islam. Ce qui prouve que le terrorisme ne naît pas dans le sein de l'Islam.

Malgré ça, Macron et la REM nous signifient par cette annonce de flicage à l’école que les musulmans sont de facto suspectés de radicalisation et un vrai grave problème pour notre société. Comme Donald Trump, ils ajoutent du mal au mal. Chaque petit écolier français de confession musulmane va en effet désormais se sentir surveillé, épié, traqué par son prof investi du rôle de flic. Est-ce que ça lui fera aimer la république... ? Imaginez seulement le prof musulman… Logiquement, celui-là, il faudrait que ce soient les élèves qui le surveillent. Alors pourquoi ne pas faire de chaque citoyen un délateur, dans les administrations, au grand magasin, dans les associations, dans les entreprises… ! Oui, oui, ce sera seulement pour la sécurité des Français - promis. Eh  ben, je vous parie que ce sera la prochaine folie (libérale ?) du Macronisme.

Avec Macron et ses acolytes, qui décidément ne reculent devant aucune bassesse, on aura bientôt une vraie police politique, une tcheka à la sauce Vème République.

Le masque est en train de tomber.



jeudi 22 février 2018

La farce de l’info - 3. Le fait qui fait diversion

Toujours Bourdieu, à propos de la télévision : 
« Les faits divers […] le sang et le sexe, le drame et le crime ont toujours été la pâture préférée de la presse à sensations, et ont toujours fait vendre […] Le règne de l’audimat devait faire remonter ces ingrédients à l’ouverture des journaux télévisés … »
Et c’est bien ce que chacun peut constater en suivant au jour le jour n’importe lequel des journaux de midi ou du soir des principales chaînes de télévision, celles qui font le plus gros chiffre d’audimat. Combien de fois en effet n’avons-nous pas eu droit à l’incendie d’un immeuble à Taïwan avec les gens qui sautent pas les fenêtres, à l’accident dans le Yucatan d’un car dont il ne reste que de la bouillie (alors qu’au même instant se produisent des dizaines d’événements semblables de par le monde), au désormais banal  massacre d’étudiants dans les universités états-uniennes, sans compter les promeneuses et les petites filles françaises enlevées, torturées, violées, découpées, brûlées, dispersées, enterrées puis exhumées par les journalistes pour booster l’audimat ?

« Les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion. »
Très fort en effet ce que réussissent les dirigeants et les journalistes des chaînes publiques, qu’on pourrait d’ailleurs désormais appeler chaînes gouvernementales tant elles sont attentives à servir le dernier monarque que les élections ont mis au pouvoir, à ne pas le contrarier, à ne pas mordre cette main qui pourrait les pousser dans une oubliette. Le « 12-13 heures » de France 3, par exemple, commençait il y a deux semaines régulièrement sur un quart d’heure consacré aux chutes de neige. D’abord, le présentateur explique très sérieusement qu’il a neigé et que ça pose un problème « Vous allez le voir ». On a donc le reporter sur place, avec à l’arrière-plan une quelconque évocation des difficultés à circuler, ou juste un tas de neige, qui redit exactement  la même chose. Puis, c’est le micro-trottoir : une mamie fataliste dit « ben, c’est l’hiver », puis un chauffagiste ou un livreur de mazout se présentent comme des sauveurs, puis un automobiliste bloqué, mais philosophe, en prend son parti, puis le gendarme répète qu’il a neigé et donne quelques conseils du genre « Restez chez vous », puis un enfant se réjouit de ne pas aller à l’école, puis un moniteur de ski… et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on passe dans une autre région et qu’on recommence le même cirque. Si ça n’est pas du remplissage… Après ça, tout le reste de l’actualité est expédié en moins de dix minutes.
- Ca donne envie de hurler.
- Et personne ne dénonce cette fumisterie ?
- Ben non, faudrait déjà qu’on nous donne l’antenne pour qu’on puisse râler contre la  télé.
- Là, tu peux toujours courir.

Bourdieu appelle ça « les faits omnibus […] qui sont sans enjeu, […] qui ne touchent à rien d’important. » Il ajoute : « Le temps est une denrée extrêmement rare à la télévision. Et si l’on emploie des minutes si précieuses pour dire des choses si futiles, c’est que ces choses futiles sont en fait très importantes dans la mesure où elles cachent des choses précieuses […] On écarte les informations pertinentes que devrait posséder tout citoyen pour exercer ses droits démocratiques. »
Voilà, la chose est dite : « La télévision bras armé dans l’assassinat de la démocratie ». C’est ce complot qui est mené depuis toujours par la bourgeoisie financière pour conserver son pouvoir sur les travailleurs du monde entier. En favorisant l’émergence d’une certaine caste de politiciens qu’on peut facilement acheter (en finançant par exemple leur élection), puis en nous les vendant comme de la lessive grâce à la publicité et au lavage de cerveaux opérés par les medias audiovisuels dont elle est propriétaire, la puissance financière s’assure le verrouillage du jeu démocratique, tuant tout espoir d’une alternative au libéralisme capitaliste.
Jean-Claude Juncker, dans un bel élan de sincérité, à moins que ce fût un grognement menaçant de dictateur, l’a fort bien exprimé : « Il n’y a pas de démocratie en dehors des traités européens ». Traduction : Fermez-la ! Obéissez !
- Et personne n’a relevé ?
- Pas le temps, voyons, ça tombait juste avec le rebondissement de l’affaire Grégory.
- Ah ? Mais s’il n’y avait pas eu l’affaire Gregory, ils en auraient parlé, tout de même. Non ?


mardi 20 février 2018

L’affaire Wauquiez : quelle rigolade !

Cette affaire est un exemple parfait de la manière dont on fait de la politique en France. Rien à fiche du programme, on s’efforce seulement de faire le buzz, il faut donc surprendre, étonner, choquer et séduire. Ce qui importe, c’est d’exister dans les medias et… le message subliminal.

Démonstration.

Ce matin, ce midi, on glosait à nouveau sur les ondes de la radio et de la télé d’état - France-Info, France 3, etcetera -, sur les anciennes et nouvelles déclarations de Laurent Wauquiez, président de Les-Républicains, qui auraient été enregistrées à son insu dans une école de commerce lyonnaise.
Moi, je pense  qu’il a désiré ces enregistrements, les a permis et provoqués, et qu’il est bien content qu’ils soient diffusés. Les preuves : il a avoué qu’il se doutait qu’on allait divulguer ce qu’il disait et à aucun moment, je n’ai entendu dire qu’il allait porter plainte. Personne d’ailleurs ne porte plainte.

Partant de là, on doit se demander pourquoi rendre publiques ces déclarations. Les gros malins qui sont dans  le circuit de la politique depuis des lustres, tout occupés de fustiger et de s’indigner, le savent pertinemment mais ne le disent pas franchement, pas encore.
Pour ma part, Wauquiez s’adresse aux électeurs en mal de confiance, ceux qui cherchent un leader qu’ils pourraient croire, et il ratisse large, surtout à droite (je pense que tout le monde est d’accord maintenant pour classer En Marche à droite), pour se poser en homme intègre et au franc-parler ; en gros, il nous refait le coup du Macron révolutionnaire.

A-t-il réussi ? En tout cas, c’est bien vu, ces fameuses déclarations privées valent qu’on s’y attarde.
Je vous livre donc mon humble avis. Vous me direz après ce que vous en pensez.

Tout ce Wauquiez dit trouve un écho en chacun de nous :
1. « Nicolas Sarkozy mettait sur écoutes pour pomper tous les mails, tous les textos, sur les portables des membres du gouvernement lors des conseils des ministres. »
Ce serait bien dans le style de l’ancien matamore, non ? Que Wauquiez se soit excusé auprès de Sarkozy me déçoit beaucoup, comme si on était fautif de dire la vérité en politique. Peut-être a-t-il encore besoin du vieux. Dans tous les cas, il n’y a pas eu de démenti des propos tenus. Donc, c’est vrai.
Allez, passons, ce ne sont que des broutilles.
2. « Emmanuel Macron et ses équipes ont largement contribué à mettre en place la cellule de démolition contre François Fillon. »
Là, c’est une accusation nette et précise. J’ai toujours pensé que le feuilleton de la primaire des Républicains avait été pilotée de loin. D’abord Fillon qui en sort vainqueur contre toute attente (n’importe qui étant autorisé à voter, il n’était pas bien difficile de fausser l’élection), puis le Canard Enchaîné, informé des vicissitudes du candidat et de sa femme, qui s’empresse de les divulguer, à croire qu’il était complice de la fameuse « cellule », et la justice obligée (par le gouvernement socialiste ?) de s’y coller alors que cette histoire traînait déjà depuis des mois et des mois, et voilà le tour (de cochon) joué : les têtes du parti LR courent se réfugier dans le giron de l’immaculé Macron.

3. « Gérald Darmanin, visé par une enquête pour abus de faiblesse, sait ce qu’il a fait et il va tomber. »
Ca, c’est pour que les medias ne l’oublient pas, histoire de rappeler que dans les rangs En Marche, au sommet même,  il y a aussi quelques pourris. Parions cependant que tout ce qui pourrait gêner notre monarque ne sera guère repris.

4. « Juppé a totalement cramé la caisse, fait exploser les impôts, la dépense publique et l'endettement. Pécresse ? ah, le nombre de conneries qu'elle peut faire ! »
A l’attention des militants. Cuisine interne à la droite.

5. Darmanin (le retour) pense qu'il est inatteignable parce qu’on lui a dit que les députés En Marche l'idolâtrent, que c'était le nouveau génie, incarnation du macronisme. Le problème, c'est qu'en tombant, il va éclabousser tout le monde »
C’est vilain de se réjouir du malheur des autres. Enfin, quand je pense qu’il y en a qui croyaient que Macron allait laver la politique de toute salissure….

6. « Les plus catastrophiques, c'est le Medef. C'est la CGPME. Ils en ont rien à foutre de savoir si on augmente les cotisations sur les entreprises. La seule chose qu'ils veulent, c'est encaisser de l'argent. »
J’aime beaucoup cette sortie : elle sonne juste, vous ne trouvez pas ?

Et le meilleur pour la fin :
7. « Macron, c’est la dictature totale. »
Elle me fait plaisir, cette remarque, très pertinente, à laquelle notre bon Laurent n’aurait pas songé si lui-même avait été sur le trône.


Alors, coup réussi ou pas ? Réussi puisqu’on va parler de lui pendant un moment et qu’il va même venir s’expliquer à la télé ce soir. J’espère qu’il ne va pas se dégonfler. « Vas-y, Laurent, tiens bon ! » Ce serait rigolo qu’il fasse des révélations, hein ?
Le problème, c’est que les medias parle seulement de monsieur Wauquiez, de sa personnalité, de l’effet de ses dires sur les militants LR, des réactions de la classe politique (y compris des Insoumis, qui à mon sens ne devraient pas se mêler de ça) mais ils ne parle jamais du contenu. Personne pour se demander s’il y a quelque chose de vrai ou matière à réflexion dans tout ça.
Tout ce qu’on entend, c’est « injure à la représentation démocratique, injure à la République ».

Et ce soir, ce sera pareil. Alors pas la peine de rester devant votre poste, vous seriez déçus.


samedi 17 février 2018

Le bistrot planétaire

Autrefois, du temps de ma jeunesse, quand on voulait des nouvelles du bled, ou si on avait envie de klatscher (discuter) ou de ratscher (parler ragots), on allait s’asseoir au bistrot, pour les hommes, et faire la queue à la boucherie, pour les femmes. On venait là en habitué, comme consommateur bien sûr, mais aussi pour voir et revoir des connaissances, les gens du quartier, ses concitoyens, échanger des opinions, rechercher une approbation et parfois même refaire le monde.

Aujourd’hui, le bistrot, ça n’existe plus, la boucherie non plus. Quand vous avez l’un et l’autre, c’est quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent dans une ville, dans un centre commercial - sur la zone -, et alors, ça n’a plus rien à voir, car les gens y entrent anonymes et en ressortent inconnus les uns des autres, volontairement indifférents, comme il est de règle à la ville où l’autre n’est jamais qu’un gêneur qui parle trop fort, qui lambine devant vous sur l’escalator, qui vous pique la place de parking, etcetera, et pas quelqu’un qui peut vous tenir la porte, vous rendre un service ou vous adresser un simple sourire, chaud comme un souhait de bon jour.

La boucherie et le bistrot où l’on parle sont maintenant virtuels, sur la planète Internet. Dans Youtube, Facebook, Instagram, Twitter, et que sais-je encore, on peut s’exprimer comme autrefois devant le zinc, tout pareil faire son important, se désaper, révéler des secrets, blaguer, manipuler, commenter l’actualité, colporter des rumeurs, émettre des avis, argumenter, juger, s’indigner, gueuler, engueuler, insulter… faire le buzz en sus, sans que ça dégénère en bourre-pifs et sans avoir la gueule de bois le lendemain matin. Inconvénient cependant : vous ne voyez pas la tronche que fait celui qui est peut-être en train de vous raconter des salades. Le bistrot Internet a en revanche un avantage : il est démocratique, il met tout le monde à égalité ; la preuve : on y tutoie des célébrités. Un peu comme si Donald Trump ou Emmanuel Macron ou Nabilla en personne débarquaient au Café du Commerce.

J’en entends qui s’exclament « Et en plus, ça va hyper vite ! C’est formidable ! » Ben non, désolé, parce qu’en passant du comptoir à Internet, c’est toujours un maximum de conneries (dont buzz est de plus en plus le synonyme) qui se donne à entendre et qui domine le tumulte. Rien n’a changé ?! Non, c’est pire : vous restez là, sous l'avalanche, à vous demander si c’est du lard ou du cochon. Et si vous avez vous-même quelque chose d’important à dire, allez plutôt prêcher dans le désert, parce que le logiciel Internet fonctionne en vérité comme un agent commercial : dès qu’il a repéré vos centres d’intérêt, il vous y ramène sans cesse, avec le wagon des pubs qui le font engraisser. Ben oui, comme ça, vous ne risquez pas de rencontrer le troisième type, vous tournez en rond dans le cercle de vos « amis » et des infos, des annonces, des discours qui vous réchauffent le cœur en vous rassurant sur ce que vous pensez penser.

Allez, allez, si les discussions de comptoir avaient changé la face du monde, ça se serait su.

« Albert, tu me remets une mousse, s’il te plaît. »