Chère Sylvette,
Tu n’as pas pu échapper à cette pub qui depuis des mois et
des mois passe chaque midi, chaque soir, plusieurs fois sur France 3, à l’heure
où tu écoutes distraitement les infos : « Comme j’aime », ça s’appelle
et ça te vend des repas livrés à domicile censés te faire maigrir de 5 ou 6 kilos
pas mois. Et tu as donc essayé. Alors ?
« Oui, 54.90€, soit 9,15€ par jour, c’est la formule
minimale, pour tous les repas, 6 jours par semaine, pendant un mois. Pour la
promo ’’semaine gratuite’’, il a donc fallu que j’achète le mois. Alors, pour
ça j’ai eu, par exemple : 2 pancakes au petit déj’, poulet, légumes plus
un dessert de fruit à midi, 4 petits sablés, pavé de saumon (on ne sait pas d’où
il vient) et légumes le soir. Rien d’autre. Vu les quantités, forcément j’ai
maigri. Et j’ai eu faim. En plus, c’est livré seulement une fois par mois (pour
réduire les frais de transport, évidemment). Donc, c’est sous vide et plein de
conservateurs. Pas un seul jour, je n’ai mangé frais. En plus, ce n’est pas
bon. Et vu le prix, comme c’est fabriqué à la chaîne automatisée, tu te doutes du
sacré bénef qu’ils se ramassent. Je suis dégoûtée. Ah oui, le site propose aussi
un suivi par une diététicienne… »
Parce que c’est diététique, ça ? Allez, c’est bien
l’arnaque que je soupçonnais dès le premier spot. Parce que maigrir d’autant en
si peu de temps, tous les diététiciens te diront que tu craqueras forcément et
que tu en reprendras alors le double (de kilos). Mais qu’importe, la pub est
faite exclusivement pour les gogos. « Mentir », par omission, par
sous-entendu, par suggestion, est le premier devoir du publiciste.
Comme cette campagne est interminable et de plus en plus
pressante, tu te dis peut-être comme moi, chère Sylvette, qu’effectivement ça
doit marcher fort et qu’il y a donc encore pas mal de gogos comme toi à plumer.
Ou bien tu fais la supposition inverse : ça ne marche pas fort, mais
maintenant qu’ils ont commencé, les propriétaires de l’affaire sont condamnés à
aller jusqu’au bout en espérant rentrer dans leurs sous. C’est peut-être pour
ça qu’ils offrent maintenant une semaine ’’gratuite’’.
« Oui ben, en tout cas, ils ne m’auront plus. Maintenant,
je fais mes courses, c’est meilleur, c’est frais et ça me coûte moins cher. »
Moi, je me dis qu’à eux ça doit coûter drôlement cher, cette
campagne de pub, parce qu’en plus le clip est plutôt long. Ou alors ils ont des
prix sur le service public, par copinage, ou ils ont des actions dans l’agence
de pub ou ils ont une cagnotte inépuisable et comme des jetons dans un bandit
manchot, ils mettent le pognon dans la pub en attendant le jackpot.
La pub, tu vois, c’est
beaucoup d’argent foutu en l’air qui aurait pu mieux servir ; à
augmenter les plus bas salaires, par exemple. Mais non, ceux-là, les bas
salaires, doivent rester bas pour qu’on puisse produire à bon marché des choses
à vendre très cher aux plus hauts salaires.
Et tu sais d’où il vient tout ce fric qui a servi à créer
« Comme j’aime » ? Est-ce que ce serait une de ces géniales start-up,
créée par des jeunes sans un sous mais pleins de dynamisme ? Je rigole. En
fait, ça n’est pas compliqué à deviner :
c’est du surplus de
dividendes d’autres activités.
Ces mecs sont tellement riches et se prennent tellement de
bénéfices, qu’ils ne savent pas quoi faire de leur argent. Alors ils inventent
un soi-disant nouveau produit, copié en l’occurrence sur le portage de repas à
domicile, mais en dégueulasse, et se disent que
puisque ça existe, il va y avoir des gogos pour l’acheter.
Les gogos, ce sont dans ce cas précis les gens qui souffrent
de surpoids et qui cherchent désespérément la solution miracle, les gens qui
ont la flemme de se faire cuire un œuf, ceux qui n’en ont pas le temps, les
snobs, ceux qui ont les moyens. Pas les pauvres, c’est sûr.
Au lieu de consacrer leur fric à faire du bien à tout le
monde, ces investisseurs-là visent simplement à faire encore plus d’argent sur
le dos des gogos. Et où les gogos se trouvent-ils en plus grand nombre ? Dans
la classe moyenne.
C’est pourquoi la
classe moyenne est la cible privilégiée de la pub : ces gens-là ont des sous, il faut les leur soutirer dare-dare, quitte à leur
vendre de la merde et des produits inutiles du genre « Comme j’aime ».
Et comme beaucoup sont gogos et fiers de l’être, ça marche.
Voilà comment le fric va toujours aux mêmes, parce que des
milliards sont dépensés en pub et en futilités. Et pendant ce temps, des
familles vivent pauvrement de la charité.
Avec Macron, ça va encore empirer. « Comme j’aime »
a du souci à se faire.
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