mercredi 9 décembre 2020

Lexique du savoir-vivre à l’usage des apprentis dilettantes – 19. Caricature (suite)

Exercices de définition par l’exemple, l’analogie, l’incise, la digression, le glissement de sens, l’à-peu-près, le calembour et le parti pris

19. Caricature  (suite de fiction)

a) Liberté d’exagérer, de simplifier, d’omettre, d’orienter, d'inventer des propriétés (qualités et défauts) d’une personne, d’une personnalité. (extensible aux idées)

b) « Nous ne renoncerons pas aux caricatures ». E.M, le 21 octobre 2020.

c) Toute ressemblance avec des personnes réelles est intentionnelle.

Le film continue.

Plan large. Le soleil se lève sur la ville, pâle falot dans du smog à gogo. Dans une rue déserte, les haut-parleurs diffusent les consignes : « Restez chez vous, le couvre-feu ne prend fin qu’à 8 heures. Sortir vous expose à une amende de 135 euros, 1500 en cas de récidive. »

Sirène de police ; la voiture blindée entre dans le champ ; freinage, tête-à-queue. Les keufs jaillissent du véhicule, s’engouffrent dans un immeuble.
Caméra subjective : à l’étage sur le palier, la femme de ménage en pleurs explique : « Je l’ai trouvé comme ça, ce matin. Snif ! » Les keufs la poussent de côté, entrent dans la chambre.

Gros plan sur le profil troué de Véreux. Travelling sur la chambre, arrêt sur un tract, comme tombé au sol, portant le sigle bien connu du mouvement « Résistance ».

Voix off de plusieurs keufs :
- Ah, putain, la conne. Ce bout de papier ne suffira pas.
- Et si je signais, putain…
- Ouais, putain, vas-y !
- Putain, c’est épais, ça colle. Où j’écris ? Ah là, sur le plancher. … Voilà.

Léger zoom arrière : on découvre près de la tête du mort l’inscription en lettres de sang : « Merlichon m’a tuer »
- Putain, les gars, c’est pas trop crédible. Le gusse, il a dû canner sur le coup.
- On s’en branle, putain. Personne n’ira nous chercher des poux. On est protégés, putain.
- Hé, toi, la bonniche, putain.

Gros plan sur le visage de la femme de ménage qui couine :
- Ouiiii ?
- Tu l’avais bien vue, l’inscription ?
- Quelle inscription ? … Ah oui, oui, je l’ai bien vue en entrant. Même que je me suis dit...
- Ta gueule, putain. Bon, les gars, j’appelle les journaleux pour les images. D’abord ici, ensuite avec nous au QG de Merlichon.
 »

Plan d’ensemble en plongée sur la ville.

Les drones sillonnent l’espace. Les haut-parleurs beuglent : « Fin du couvre-feu. Rendez-vous maintenant à votre travail. N’oubliez pas votre Ausweiss ».
Des voitures s’engagent sur les chaussées. Des gens sortent des immeubles et s’agglutinent aux stations de bus, descendent dans le métro. Les bus arrivent, les uns derrière les autres. Les gens y montent par vagues.
En divers endroits se forment des attroupements qui occupent la chaussée. Léger zoom avant. On voit se déployer des drapeaux, des banderoles.

Zoom en plongées rapides et successives sur chacun des rassemblements :
Les manifestants brandissent des pancartes et scandent :
Ici, « Ouverture des commerces »
Là « Les artistes veulent vivre ! »
Ailleurs, « Laissez-nous nos tire-fesses ! »
Et encore : « Liberté pour les universités » ou « Nos retraites sont sacrées » ou « Des moyens pour l’hôpital ! », « Embauchez pour l’école ! », « Restaurateur mort pour rien ! », « Marre du smog ! »
Zoom arrière : tous les cortèges convergent vers le centre de l’image.

Sans transition. Macaron 1er furax, dressé sur ses ergots, reçoit Darmanino avec une bordée d’injures.

- Vous avez vu ces images ? C’est quoi ce bordel ?
- Les manifestations ? Mais vous savez bien, votre majesté, que ça finira comme d’habitude. J’envoie les black-blocs dès que les rassemblements sont assez denses, je fais nasser et on commence à gazer et tirer dans le tas...
Je ne vous parle pas de ça, nom de Zeus. Je vous parle de la police qui manifeste elle aussi maintenant.
- Ah,  la police. Non, c’est gentil. Ils veulent juste vous mettre un peu la pression.
L’empereur manque de s’étrangler.
- Mais c’est de votre faute aussi, votre majesté, c’est vous qui leur avez dit qu’ils étaient « le dernier rempart de la République ». Alors maintenant que vous êtes empereur, ils veulent leur récompense. C’est un peu normal.
- Mais ils ont déjà tout : le salaire, les primes, les armes, toute latitude pour aller au devant de mes désirs, l’indemnisation des frais de justice, mon soutien… Alors, qu’est-ce qu’ils veulent de plus ?
- L’immunité totale, votre majesté. Je me suis d’ailleurs permis de la leur promettre. »

Darmanino recule, courbé en deux, masquant ainsi son sourire de Tartuffe.

(à suivre)

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