Le monarque-président l’a dit : « J’ai décidé que l’école
maternelle sera obligatoire à partir de 3 ans, dès la rentrée 2019 ».
Est-ce vraiment une bonne idée ? Oui, on aurait tendance à le croire.
On se dit que notre magnanime pompeux a bien raison d'obliger les parents négligents à mettre leur enfant à l’école parce que ça leur donnera les mêmes chances qu’aux
autres en leur apprenant le langage que ces parents-là ne connaissent pas. Des différences discriminantes à l'entrée à l'école, il y en a, c'est vrai, mais passons le discours présidentiel au crible des faits (de la
réalité !).
D’abord, il y a les statistiques établies par l’INSEE, qu’on
trouve ici : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383587#tableau-Donnes
On y apprend, de source sûre, que 97,6% des enfants français
de 3 ans sont déjà scolarisés, qu'ils fréquentent donc la petite section de l’école maternelle. Avec les 4 et 5
ans (moyenne et grande sections), on monte à 100%. 100% aussi pour les enfants en âge d'entrer au CP.
Ceci ne prouve-t-il pas que les français sont conscients des enjeux de l’école
et n’ont pas attendu que la maternelle devienne obligatoire pour en faire profiter leurs
enfants ?
Bon, la mesure d’obligation ne vise donc que les 2,4% d’enfants
qui ne vont pas en petite section. Est-ce
que cela veut dire que leurs parents
sont irresponsables, ne font rien ? Certainement pas, car dans la même statistique de l’INSEE,
nous voyons que l’école élémentaire n’accueille plus en gros que 98,5% des enfants de 7 à 11
ans. Mais où donc sont-ils passés, après avoir fait leur CP ?
La réponse est sans doute ici, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N23493 , où l'on apprend ce qu’est l’obligation scolaire en ces termes :
« Les parents ont l'obligation de donner une
instruction à leur enfant. Cependant, ils peuvent choisir le mode
d'instruction :
- soit scolariser leur enfant dans une école ou un
établissement d'enseignement (public ou privé),
- soit assurer par eux-mêmes (ou toute personne de leur
choix) l'instruction de leur enfant.
Si leur choix se porte sur la scolarisation, l'assiduité de
l'enfant sera contrôlée. »
Il y a donc un certain nombre de familles qui instruisent elles-mêmes
1,5% des enfants français soumis à l’obligation scolaire du CE1 au CM2. Ils doivent naturellement
en faire la déclaration en mairie et sont alors également soumis à des contrôles
destinés à vérifier qu’ils enseignent bien les programmes de l’Education
Nationale à leurs enfants.
Qu’est-ce qu’on risque si on n’inscrit pas son enfant à l’école
ou si on ne déclare pas l’instruire par d’autres moyens ?
Eh bien, la famille reçoit une mise en demeure de se mettre
en règle de la part de l’inspection académique, et elle risque une amende de 1
500 €. Tout le monde se mettra en règle, soyez-en sûr. En allant ici ( http://eduscol.education.fr/cid46689/absenteisme-scolaire.html
) vous saurez ce qu’en coûte l'absentéisme scolaire. Je ne crois
pas que ces dispositifs, pour de multiples raisons liées à l'âge, aux représentations familiales...) soient directement applicables à la scolarisation d'enfants de 3 ans. Ce qui me fait penser que seule l'obligation d'inscription sera retenue pour ces jeunes enfants, pas celle d'assiduité.
Mais de toute façon, si je me souviens bien, l’absentéisme en
petite section devait avoisiner les 25% sur l’année, les après-midi surtout (et
pas toujours par choix des parents !), puis descendre à 15% en moyenne section et 5%
en grande section. (Mais Volmerange-les-Mines n’est pas un exemple type).
On voit bien que du point de vue des inscriptions,
et même de la fréquentation, l’école obligatoire à 3 ans ne changera pas grand’
chose, et même rien du tout.
Revenons maintenant à une question vraiment sérieuse.
Les statistiques de l’INSEE nous révèlent que
seulement 11,6% des enfants de 2 ans sont actuellement scolarisés.
Ah ben, voilà le problème ! N’était-ce pas sur cette tranche d’âge-là qu’il
fallait porter l’effort, monsieur le président ? N’est-il pas urgentissime, si l’on veut
améliorer le langage des élèves, de les plonger le plus tôt possible dans le
bain du beau langage ?
Pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas mis l’école
obligatoire à 2 ans ? C’est pourtant ça qui aurait été efficace !
Bah ! réponse trop facile : il n’y a pas assez d’enseignants, pas assez
de structures, il faudrait que l’état recrute et que les communes investissent.
Pas question de creuser le déficit de l’Etat ! Ouais, d’accord, mais alors
ne viens pas nous dire que tu veux lutter contre les inégalités, hein ! Avoue plutôt que tu t'en fous.
Il y avait pourtant une demande.
Je me rappelle très bien l’époque
où les parents pensaient encore que l’école à 2 ans, c’est trop petit. Mais ils
changeaient doucement d’avis. Et les chiffres devenaient parlants. Voyez donc sur
le site de ce syndicat : http://11.snuipp.fr/ancien_site/maternelle.html
Après le bel élan des années 80 et 90 en faveur de la
scolarisation des 2 ans, on ne pouvait, en 2007, que constater la dégringolade :
de 35,4 % d’enfants de 2 ans scolarisés en 1998/1999, on est passé en 2006/2007 à 23,4%.
Et aujourd’hui, à 11 misérables %.
Vous appelez ça comment, vous ? Progrès, amélioration
ou régression, dégradation du service et de la mission de l’école publique ?
Bon, Macron, nous aura encore une fois enfumés, jeté de la
poudre aux yeux, vendu pour une panacée un emplâtre sur une jambe de bois, avec l'aide complaisante des journalistes des radios et télés d’Etat, soi-disant le service
public mais en vérité l'organe de propagande du régime.
Cependant, je me demande si j’ai rêvé ou si la présentatrice du 12-13 de France 3 de ce midi n'a pas réellement bafouillé le chiffre de 97,4% de scolarisation des enfants de 3 ans, comme un peu vergogneuse de n'être pas assez courageuse pour le claironner - peut-être un reste d'honnêteté ?
Parions que ce beau nuage de fumée nous cache une belle surprise de derrière les fagots du genre: il faut récupérer des postes, les enseignants devraient travailler plus et gagner moins, reculons l'âge de la retraite, diminuons les pensions de retraite ...
RépondreSupprimerMais tout ça nous le connaissons et l'effet surprise, PFUITT, il part en fumée. Alain
Merci pour ce très intéressant article!
RépondreSupprimerIl semblerait que Macron ait à dessein employé le terme "école" et non "instruction" obligatoire dès 3 ans, car la guerre semble bien déclarée à l'IEF, qui pourrait désormais être soumise à AUTORISATION préalable:
http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0774/AN/33.asp
Qui dit autorisation préalable, dit justification, régime de dérogation, de l'exception et non plus du simple choix de la famille. On peut imaginer qu'il sera réservé aux cas exceptionnels: enfants phobiques de l'école ou présentant un handicap....
Ce n'était donc pas que du vent tout cela... Et si le vent cachait une mini-tornade! Car bien sûr ça ne concernera pas grand monde (même si le nombre de familles en IEF augmentent chaque année), mais pour eux, ça changera tout!
Voilà mon petit apport sur la question...