Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais ici, à
Volmerange, c’est le flop.
Un premier samedi matin était programmé à la mairie. J’y
suis allé pour voir, et pour expliquer pourquoi je ne participerais pas. Résultat : une
petite heure de discussion avec le maire et Roger, un gars de ma classe, à
propos de tout et de riens, mais pas des questions inscrites au débat par le
président. J’ai été le seul visiteur de la matinée. Ô solitude (celle du maire) !
Rebelote ce jeudi, 28 février, à la salle des fêtes, les tables prêtes à recevoir des groupes de discussion. On
attendait donc du monde. Et nous étions sept : le maire, une dame (dont je
ne sais rien) préposée à la direction et à l’animation des débats, le
correspondant du Républicain Lorrain, Vincent, un conseiller municipal, mon
pote Roger, qui est aussi conseiller,
Yves, qu’on peut rencontrer les manches retroussées lors des fêtes de l’école
ou des assemblées de l’association Orchestre d’Harmonie de Volmerange, et moi. Hormis la dame, nous nous connaissons
tous.
D’abord on se plaint mais, à peine, car on y est résigné,
du manque d’intérêt de nos concitoyens pour la vie publique. Et on se demande
si Volmerange est représentatif de la participation au niveau national. Mais
non. Sans doute le mode de vie dans notre cité dortoir et les salaires luxembourgeois font-ils que…
On
s’assoit, le débat commence.
La dame animatrice récite le bréviaire du président, les
quatre domaines et quelques sujets proposés. Elle demande si nous avons des
questions. J'ai trouvé ça marrant car ça signifiait évidemment qu’elle était
venue avec des réponses. Dans la discussion d’avant le commencement de la
séance, il m’avait semblé qu’elle laissait entendre, non pas avec
condescendance, mais plutôt avec une naïve sincérité, que les gens (les
citoyens, les gilets jaunes) avaient de la chance qu’on leur donne l’occasion
de s’exprimer, mais que les gens (les citoyens, les gilets jaunes) ne
comprennent pas toujours ce dont ils parlent et qu’il était de sa compétence de
les éclairer. Elle avait précisé également qu’on n’était pas là pour faire de
la politique et qu’il fallait laisser les étiquettes à la maison.
Du coup, j’ai montré mon badge France Insoumise. Et ça n’a
pas créé de malaise (les autres me connaissaient), au contraire même, la dame m’a
parue tout de suite plus détendue, un peu moins centrée sur le déroulement
programmé du débat. Bon, elle a bien vu qu’il n’y a pas de gilets jaunes à
Volmerange. Même si je lui ai dit que j’allais leur rendre visite de temps en
temps, je ne prétends pas être gilet jaune. Ceux du secteur sont sans doute allés au débat de
Kanfen (21 personnes) ou ailleurs.
Le gilet jaune, dans l’esprit de cette dame, dans l’esprit
de la plupart des gens qui ne les fréquentent pas, ce sont des pauvres ou des
presque pauvre sans trop de culture, des rustres, quoi. Du peu d’expérience que j’en
ai, j’ai pu, je crois, rétablir la vérité des faits : il y a dans les gilets jaunes,
c’est vrai, des personnes en difficulté, parfois même importante, mais aussi
beaucoup de gens qui sont seulement solidaires et surtout plein de gens qui ont
assez de culture pour analyser et comprendre le monde dans le quel nous vivons.
Quand tout le monde, assez longuement, se fut exprimé sur le
sujet social, après qu’ont été passés en revue, comme on explore des ramures
enchevêtrées, les sujets de l’emploi, des salaires, de la fiscalité, du niveau
de vie, des couvertures sociales, du partage des richesses, chacun s'est souvenu que
tout est lié, qu’il suffit de tirer un des fils qui dépassent de l'écheveau et c’est toute la construction de notre société qui s’en trouve
agitée. De fil en aiguille, c’est le fonctionnement de l’Union Européenne et sa
façon de mettre en compétition les travailleurs et les Etats sans jamais rien
demander aux multinationales, ni à la finance, qui se retrouve au banc des
accusés. Sur tous ces sujets, il y a eu entre nous une forme de consensus : quelque
chose ne tourne pas rond ; il y a de l’injustice, trop flagrante ;
c’est l’argent qui ne circule que dans un sens, de nos poches de travailleurs
vers celles des riches et hyper riches. Vincent aurait même bien vu la
disparition du principe de l'héritage au profit de la collectivité. Un dangereux
collectiviste !
Pour ce qui est des propositions à noter dans le
compte-rendu, nous ne sommes pas au même niveau d’exigence. Je trouve mes potes
Vincent, Roger et Yves un peu frileux. Arrivés à ce point, le maire qui jusque
là avait fait office de secrétaire, apporte sa voix et la dame animatrice
elle-même se mouille, du bout des lèvres ou par des mimiques
significatives. Alors je m’échauffe un peu, comme toujours -c’est plus fort que
moi-, et je lâche poliment quelques gros mots, sortir de l’Euro, changer les
règles de l’UE…, et je trouve en la personne du journaliste un allié inattendu.
Evidemment que si on ne sort pas du cercle vicieux que notre président veut
coûte que coûte maintenir cadenassé, envers et contre ce qui se dira dans son
grand débat, toutes les mesurettes qu’il voudra bien concéder ne changeront
strictement rien à la dépréciation du niveau de vie des Français, comme à la décadence de la
France.
Le débat continue sur les institutions, avec l’examen des mesurettes
qui figurent dans le questionnaire : nombre de députés, proportionnelle, cumul
des mandats, suppression du sénat…. (On m’a dit qu’en certain endroit, ce grand
débat se serait fait sous forme de QCM. Charmante façon de brider
l’expression !) Bon, j’annonce que je suis pour une 6ème
république, pour la convocation d’une assemblée constituante tirée entièrement au sort,
et là, tout le monde a quelque chose à dire,
car évidemment que ça se discute, et tout de suite on voit que le sujet est
complexe et vaste, que chaque question, chaque réponse, en amènent quantité
d’autres : le tirage au sort est-il un danger ? pourquoi moins de
députés ? quelle rémunération ? quelle retraite ? quel mode
d’élection ? attachement ou non à un territoire ? et cetera… En
quelques instants, on se passionne. C’est parfait ; je triomphe un peu
immodestement : « Nous voilà en train de débattre comme si nous
étions la constituante. » « Elle est bien bonne, celle-là. » dit
la dame. Ils se marrent. Je suis content, même si n'a pas été évoquée la question du super pouvoir présidentiel, argument majeur pour la fin de la 5ème République.
Le social est toutefois resté le sujet le plus longuement
traité. Le réchauffement climatique n'est venu qu'à la fin. Dommage, mais
normal ! Dommage surtout parce que j’aurais pu ressortir les grandes
lignes du programme L’Avenir en Commun.
Qu'importe : je ne suis pas venu pour rien ! Ce qu’il adviendra
de ce qui s’est dit là, je ne le sais pas, car je ne sais pas qui dépouillera
l’ensemble des contributions -je verrais bien une commission sénatoriale… avant
que le sénat disparaisse.
J’espère que beaucoup de gilets jaunes y sont allés, au
grand débat. Comme me le disait Philippe S., historien, que j’ai croisé cet
après-midi au grand magasin, les cahiers de doléances de 1789 avaient été
lancés pour calmer et circonvenir le peuple, en fait pour justifier de
prochaines hausses de taxes. Et de suggérer que nous sommes aujourd’hui dans le
même cas de figure. Quand on lit les questions proposées par Macron, on n’a
aucun mal à s’en convaincre.
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