vendredi 1 mars 2019

Grand Débat National

Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais ici, à Volmerange, c’est le flop.

Un premier samedi matin était programmé à la mairie. J’y suis allé pour voir, et pour expliquer pourquoi je ne participerais pas. Résultat : une petite heure de discussion avec le maire et Roger, un gars de ma classe, à propos de tout et de riens, mais pas des questions inscrites au débat par le président. J’ai été le seul visiteur de la matinée. Ô solitude (celle du maire) !

Rebelote ce jeudi, 28 février, à la salle des fêtes, les tables prêtes à recevoir des groupes de discussion. On attendait donc du monde. Et nous étions sept : le maire, une dame (dont je ne sais rien) préposée à la direction et à l’animation des débats, le correspondant du Républicain Lorrain, Vincent, un conseiller municipal, mon pote Roger, qui est aussi conseiller, Yves, qu’on peut rencontrer les manches retroussées lors des fêtes de l’école ou des assemblées de l’association Orchestre d’Harmonie de Volmerange, et moi. Hormis la dame, nous nous connaissons tous.

D’abord on se plaint mais, à peine, car on y est résigné, du manque d’intérêt de nos concitoyens pour la vie publique. Et on se demande si Volmerange est représentatif de la participation au niveau national. Mais non. Sans doute le mode de vie dans notre cité dortoir et les salaires luxembourgeois font-ils que… 
On s’assoit, le débat commence.

La dame animatrice récite le bréviaire du président, les quatre domaines et quelques sujets proposés. Elle demande si nous avons des questions. J'ai trouvé ça marrant car ça signifiait évidemment qu’elle était venue avec des réponses. Dans la discussion d’avant le commencement de la séance, il m’avait semblé qu’elle laissait entendre, non pas avec condescendance, mais plutôt avec une naïve sincérité, que les gens (les citoyens, les gilets jaunes) avaient de la chance qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, mais que les gens (les citoyens, les gilets jaunes) ne comprennent pas toujours ce dont ils parlent et qu’il était de sa compétence de les éclairer. Elle avait précisé également qu’on n’était pas là pour faire de la politique et qu’il fallait laisser les étiquettes à la maison.

Du coup, j’ai montré mon badge France Insoumise. Et ça n’a pas créé de malaise (les autres me connaissaient), au contraire même, la dame m’a parue tout de suite plus détendue, un peu moins centrée sur le déroulement programmé du débat. Bon, elle a bien vu qu’il n’y a pas de gilets jaunes à Volmerange. Même si je lui ai dit que j’allais leur rendre visite de temps en temps, je ne prétends pas être gilet jaune. Ceux du secteur sont sans doute allés au débat de Kanfen (21 personnes) ou ailleurs.

Le gilet jaune, dans l’esprit de cette dame, dans l’esprit de la plupart des gens qui ne les fréquentent pas, ce sont des pauvres ou des presque pauvre sans trop de culture, des rustres, quoi. Du peu d’expérience que j’en ai, j’ai pu, je crois, rétablir la vérité des faits : il y a dans les gilets jaunes, c’est vrai, des personnes en difficulté, parfois même importante, mais aussi beaucoup de gens qui sont seulement solidaires et surtout plein de gens qui ont assez de culture pour analyser et comprendre le monde dans le quel nous vivons.

Quand tout le monde, assez longuement, se fut exprimé sur le sujet social, après qu’ont été passés en revue, comme on explore des ramures enchevêtrées, les sujets de l’emploi, des salaires, de la fiscalité, du niveau de vie, des couvertures sociales, du partage des richesses, chacun s'est souvenu que tout est lié, qu’il suffit de tirer un des fils qui dépassent de l'écheveau et c’est toute la construction de notre société qui s’en trouve agitée. De fil en aiguille, c’est le fonctionnement de l’Union Européenne et sa façon de mettre en compétition les travailleurs et les Etats sans jamais rien demander aux multinationales, ni à la finance, qui se retrouve au banc des accusés. Sur tous ces sujets, il y a eu entre nous une forme de consensus : quelque chose ne tourne pas rond ; il y a de l’injustice, trop flagrante ; c’est l’argent qui ne circule que dans un sens, de nos poches de travailleurs vers celles des riches et hyper riches. Vincent aurait même bien vu la disparition du principe de l'héritage au profit de la collectivité. Un dangereux collectiviste !

Pour ce qui est des propositions à noter dans le compte-rendu, nous ne sommes pas au même niveau d’exigence. Je trouve mes potes Vincent, Roger et Yves un peu frileux. Arrivés à ce point, le maire qui jusque là avait fait office de secrétaire, apporte sa voix et la dame animatrice elle-même se mouille, du bout des lèvres ou par des mimiques significatives. Alors je m’échauffe un peu, comme toujours -c’est plus fort que moi-, et je lâche poliment quelques gros mots, sortir de l’Euro, changer les règles de l’UE…, et je trouve en la personne du journaliste un allié inattendu. 

Evidemment que si on ne sort pas du cercle vicieux que notre président veut coûte que coûte maintenir cadenassé, envers et contre ce qui se dira dans son grand débat, toutes les mesurettes qu’il voudra bien concéder ne changeront strictement rien à la dépréciation du niveau de vie des Français, comme à la décadence de la France.

Le débat continue sur les institutions, avec l’examen des mesurettes qui figurent dans le questionnaire : nombre de députés, proportionnelle, cumul des mandats, suppression du sénat…. (On m’a dit qu’en certain endroit, ce grand débat se serait fait sous forme de QCM. Charmante façon de brider l’expression !) Bon, j’annonce que je suis pour une 6ème république, pour la convocation d’une assemblée constituante tirée entièrement au sort, et là, tout le monde a quelque chose à dire, car évidemment que ça se discute, et tout de suite on voit que le sujet est complexe et vaste, que chaque question, chaque réponse, en amènent quantité d’autres : le tirage au sort est-il un danger ? pourquoi moins de députés ? quelle rémunération ? quelle retraite ? quel mode d’élection ? attachement ou non à un territoire ? et cetera… En quelques instants, on se passionne. C’est parfait ; je triomphe un peu immodestement : « Nous voilà en train de débattre comme si nous étions la constituante. » « Elle est bien bonne, celle-là. » dit la dame. Ils se marrent. Je suis content, même si n'a pas été évoquée la question du super pouvoir présidentiel, argument majeur pour la fin de la 5ème République.

Le social est toutefois resté le sujet le plus longuement traité. Le réchauffement climatique n'est venu qu'à la fin. Dommage, mais normal ! Dommage surtout parce que j’aurais pu ressortir les grandes lignes du programme L’Avenir en Commun. Qu'importe : je ne suis pas venu pour rien ! Ce qu’il adviendra de ce qui s’est dit là, je ne le sais pas, car je ne sais pas qui dépouillera l’ensemble des contributions -je verrais bien une commission sénatoriale… avant que le sénat disparaisse.

J’espère que beaucoup de gilets jaunes y sont allés, au grand débat. Comme me le disait Philippe S., historien, que j’ai croisé cet après-midi au grand magasin, les cahiers de doléances de 1789 avaient été lancés pour calmer et circonvenir le peuple, en fait pour justifier de prochaines hausses de taxes. Et de suggérer que nous sommes aujourd’hui dans le même cas de figure. Quand on lit les questions proposées par Macron, on n’a aucun mal à s’en convaincre.





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