samedi 2 mars 2019

Extrémismes et nid de coucou

« Les gilets jaunes sont noyautés par des extrémistes, de droite comme de gauche. Les casseurs sont des extrémistes de gauche, ils le disent eux-mêmes. Les extrêmes représentent évidemment un danger pour la démocratie. On a vu ça en URSS et avec Hitler. »

Voilà le discours ressassé sans fatigue, ni vergogne, par les présentateurs, journalistes, chroniqueurs et spécialistes bidons des grands médias. Mais jamais aucun ne définit cet extrémisme autrement que par l’association de la personne ou du groupe concernés avec l’évocation d’horreurs tels que les camps de concentration ou la répression de manifestations dans des régimes réputés communistes, donc le mal. On ne démontre pas, on accuse par décret.

Pour chaque téléspectateur ayant bien appris sa leçon, l’expression « les extrêmes » désigne ainsi les partis qui prétendent changer un tant soit peu les règles actuelles du fonctionnement économique et politique en France (et au-delà). Que reste-t-il dès lors de non extrême ? Les seuls partis que les grands médias ont adoubés, qu’ils ont appelés « les partis de gouvernement », usant ainsi de tout le poids que leur confère leur auréole (totalement usurpée) de contre-pouvoir pour formater l’opinion, c’est-à-dire cette droite et cette gauche qui ont prospéré dans le giron de la 5ème République depuis sa création.

Ces partis de gouvernement ont fait de la 5ème République leur nid et ce nid est tellement douillet qu’ils ne veulent plus en sortir, donc surtout ne rien changer, si possible même le consolider encore -réaction normale pour des gens qui ne se préoccupent de l’intérêt général qu’après le leur, car si vous leur retirez le nid, ils tombent de l’arbre. Ainsi les cadres du parti socialiste, au fil du temps, ont fort opportunément su adapter leurs discours et comportements afin de rejoindre les coucous de la droite. Et le Parti Communiste, en participant au gouvernement de Programme Commun, est entré dans ce jeu et y a laissé ses muscles.

Nous qui passons notre temps à bosser pour survivre, sommes bien sûr complices de cet état de fait, par paresse, par souci de confort, par manque de temps, par complaisance, par inconséquence, par dégoût, par ignorance, par peur du lendemain, mais par conviction à seulement 20%, peut-être. C’est comme ça que Macron et Le Pen se sont retrouvés au deuxième tour de la présidentielle et que LREM a réalisé le grand chelem aux législatives, avec l'aide de la constitution. Macron, avec LREM, sont les nouveaux coucous dans le nid de la 5ème République, plus que jamais décidés à s’y incruster. Mais ceux-là en sont si orgueilleux que, « ne se sentant plus de joie », ils se sont mis à cracher de là-haut sur ceux qui les critiquent et, pour finir, sur ceux mêmes qui les ont élus.

Si un extrémiste est quelqu’un décidé à toutes les saloperies pour imposer à tous les autres son point de vue et sa présence, alors Macron et les siens sont les seuls extrémistes de France. Législation sur le travail et sur la fiscalité, destruction de la protection sociale mutualiste et des services publics, politique de privatisation et d’affaiblissement de l’Etat, et cetera, toute cette politique est de l’extrémisme libéral économique que bien peu d’économistes libéraux soutiennent encore. Macron est en train de tuer sa poule aux œufs d’or... et s’il ne veut pas tomber du nid, il ne peut que satisfaire aux revendications des gilets jaunes, qui nous représentent aussi, nous qui bossons et courbons l’échine sans rien dire, ou bien durcir sa dictature. Et nous avons bien entendu le choix que pour l’instant il a fait.

Alors si les gilets jaunes, exténués par des mois de résistance, de lapidation médiatique, de mitraillage policier, découragés par notre indifférence et notre manque de courage, abandonnaient la partie, la plaie ne serait pas fermée, le magma du mécontentement rejaillirait tôt ou tard... et quand il est trop tard, parfois ça tourne au vinaigre. 
A la France Insoumise, ce n’est pas ce que nous voulons. Nous ne sommes pas des extrémistes : nous voulons gagner les élections, puis convoquer une assemblée constituante afin que les Français changent eux-mêmes les règles de la vie politique. Ce n'est que le point de départ.





vendredi 1 mars 2019

Grand Débat National

Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais ici, à Volmerange, c’est le flop.

Un premier samedi matin était programmé à la mairie. J’y suis allé pour voir, et pour expliquer pourquoi je ne participerais pas. Résultat : une petite heure de discussion avec le maire et Roger, un gars de ma classe, à propos de tout et de riens, mais pas des questions inscrites au débat par le président. J’ai été le seul visiteur de la matinée. Ô solitude (celle du maire) !

Rebelote ce jeudi, 28 février, à la salle des fêtes, les tables prêtes à recevoir des groupes de discussion. On attendait donc du monde. Et nous étions sept : le maire, une dame (dont je ne sais rien) préposée à la direction et à l’animation des débats, le correspondant du Républicain Lorrain, Vincent, un conseiller municipal, mon pote Roger, qui est aussi conseiller, Yves, qu’on peut rencontrer les manches retroussées lors des fêtes de l’école ou des assemblées de l’association Orchestre d’Harmonie de Volmerange, et moi. Hormis la dame, nous nous connaissons tous.

D’abord on se plaint mais, à peine, car on y est résigné, du manque d’intérêt de nos concitoyens pour la vie publique. Et on se demande si Volmerange est représentatif de la participation au niveau national. Mais non. Sans doute le mode de vie dans notre cité dortoir et les salaires luxembourgeois font-ils que… 
On s’assoit, le débat commence.

La dame animatrice récite le bréviaire du président, les quatre domaines et quelques sujets proposés. Elle demande si nous avons des questions. J'ai trouvé ça marrant car ça signifiait évidemment qu’elle était venue avec des réponses. Dans la discussion d’avant le commencement de la séance, il m’avait semblé qu’elle laissait entendre, non pas avec condescendance, mais plutôt avec une naïve sincérité, que les gens (les citoyens, les gilets jaunes) avaient de la chance qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, mais que les gens (les citoyens, les gilets jaunes) ne comprennent pas toujours ce dont ils parlent et qu’il était de sa compétence de les éclairer. Elle avait précisé également qu’on n’était pas là pour faire de la politique et qu’il fallait laisser les étiquettes à la maison.

Du coup, j’ai montré mon badge France Insoumise. Et ça n’a pas créé de malaise (les autres me connaissaient), au contraire même, la dame m’a parue tout de suite plus détendue, un peu moins centrée sur le déroulement programmé du débat. Bon, elle a bien vu qu’il n’y a pas de gilets jaunes à Volmerange. Même si je lui ai dit que j’allais leur rendre visite de temps en temps, je ne prétends pas être gilet jaune. Ceux du secteur sont sans doute allés au débat de Kanfen (21 personnes) ou ailleurs.

Le gilet jaune, dans l’esprit de cette dame, dans l’esprit de la plupart des gens qui ne les fréquentent pas, ce sont des pauvres ou des presque pauvre sans trop de culture, des rustres, quoi. Du peu d’expérience que j’en ai, j’ai pu, je crois, rétablir la vérité des faits : il y a dans les gilets jaunes, c’est vrai, des personnes en difficulté, parfois même importante, mais aussi beaucoup de gens qui sont seulement solidaires et surtout plein de gens qui ont assez de culture pour analyser et comprendre le monde dans le quel nous vivons.

Quand tout le monde, assez longuement, se fut exprimé sur le sujet social, après qu’ont été passés en revue, comme on explore des ramures enchevêtrées, les sujets de l’emploi, des salaires, de la fiscalité, du niveau de vie, des couvertures sociales, du partage des richesses, chacun s'est souvenu que tout est lié, qu’il suffit de tirer un des fils qui dépassent de l'écheveau et c’est toute la construction de notre société qui s’en trouve agitée. De fil en aiguille, c’est le fonctionnement de l’Union Européenne et sa façon de mettre en compétition les travailleurs et les Etats sans jamais rien demander aux multinationales, ni à la finance, qui se retrouve au banc des accusés. Sur tous ces sujets, il y a eu entre nous une forme de consensus : quelque chose ne tourne pas rond ; il y a de l’injustice, trop flagrante ; c’est l’argent qui ne circule que dans un sens, de nos poches de travailleurs vers celles des riches et hyper riches. Vincent aurait même bien vu la disparition du principe de l'héritage au profit de la collectivité. Un dangereux collectiviste !

Pour ce qui est des propositions à noter dans le compte-rendu, nous ne sommes pas au même niveau d’exigence. Je trouve mes potes Vincent, Roger et Yves un peu frileux. Arrivés à ce point, le maire qui jusque là avait fait office de secrétaire, apporte sa voix et la dame animatrice elle-même se mouille, du bout des lèvres ou par des mimiques significatives. Alors je m’échauffe un peu, comme toujours -c’est plus fort que moi-, et je lâche poliment quelques gros mots, sortir de l’Euro, changer les règles de l’UE…, et je trouve en la personne du journaliste un allié inattendu. 

Evidemment que si on ne sort pas du cercle vicieux que notre président veut coûte que coûte maintenir cadenassé, envers et contre ce qui se dira dans son grand débat, toutes les mesurettes qu’il voudra bien concéder ne changeront strictement rien à la dépréciation du niveau de vie des Français, comme à la décadence de la France.

Le débat continue sur les institutions, avec l’examen des mesurettes qui figurent dans le questionnaire : nombre de députés, proportionnelle, cumul des mandats, suppression du sénat…. (On m’a dit qu’en certain endroit, ce grand débat se serait fait sous forme de QCM. Charmante façon de brider l’expression !) Bon, j’annonce que je suis pour une 6ème république, pour la convocation d’une assemblée constituante tirée entièrement au sort, et là, tout le monde a quelque chose à dire, car évidemment que ça se discute, et tout de suite on voit que le sujet est complexe et vaste, que chaque question, chaque réponse, en amènent quantité d’autres : le tirage au sort est-il un danger ? pourquoi moins de députés ? quelle rémunération ? quelle retraite ? quel mode d’élection ? attachement ou non à un territoire ? et cetera… En quelques instants, on se passionne. C’est parfait ; je triomphe un peu immodestement : « Nous voilà en train de débattre comme si nous étions la constituante. » « Elle est bien bonne, celle-là. » dit la dame. Ils se marrent. Je suis content, même si n'a pas été évoquée la question du super pouvoir présidentiel, argument majeur pour la fin de la 5ème République.

Le social est toutefois resté le sujet le plus longuement traité. Le réchauffement climatique n'est venu qu'à la fin. Dommage, mais normal ! Dommage surtout parce que j’aurais pu ressortir les grandes lignes du programme L’Avenir en Commun. Qu'importe : je ne suis pas venu pour rien ! Ce qu’il adviendra de ce qui s’est dit là, je ne le sais pas, car je ne sais pas qui dépouillera l’ensemble des contributions -je verrais bien une commission sénatoriale… avant que le sénat disparaisse.

J’espère que beaucoup de gilets jaunes y sont allés, au grand débat. Comme me le disait Philippe S., historien, que j’ai croisé cet après-midi au grand magasin, les cahiers de doléances de 1789 avaient été lancés pour calmer et circonvenir le peuple, en fait pour justifier de prochaines hausses de taxes. Et de suggérer que nous sommes aujourd’hui dans le même cas de figure. Quand on lit les questions proposées par Macron, on n’a aucun mal à s’en convaincre.