mardi 24 juillet 2018

On est… on est… on est les champions !

Ouais. Une semaine après, on dirait bien que le soufflé est déjà retombé. Tant Mieux.

Je n’ai pas suivi la coupe du monde, vu trois matchs pour faire plaisir à ma femme, à mon fils et à mon oncle Gérard. Parce que le foot en soi, l’affrontement des nations, ne m’intéressent pas. Mais quand je dis ça, les gens ne me croient pas, comme si l’engouement pour le « Mundial » était à l’être humain aussi irrésistible que respirer. Pourtant, les matchs et les résultats sportifs m’indiffèrent et, à vrai dire, m’ennuient.

Ce n’est pas que je n’aime pas le foot : c’est le sport en général que je n’aime pas. La pratique sportive, d’accord - pas dans n’importe quelles conditions - mais le spectacle, fût-il populaire, non. Je n’aime pas la place que le cirque sportif a pris dans notre société, et encore moins la manière dont il nous est vendu : éducatif, porteur de « valeurs », facteur d’intégration et reflet de la vitalité nationale.
Rien de tout cela n’est vrai. Le sport en club et le sport à la télé ne portent que des « valeurs » de division, le reste fait diversion. Pensez-y sérieusement, vous verrez ! Evidemment, tout est fait pour que le spectateur n’ait rien à penser. Le spectateur du sport lui-même réclame d’ailleurs qu’on lui épargne la peine de penser.

Bon, revenons à cette coupe du monde. C’est la France, tout de même, qui joue, me rappelle-t-on. Comme si ça pouvait me motiver ! D’abord, la France ne joue pas : c’est « l’équipe de France » qui joue. Quand la France joue, c’est qu’elle est en guerre avec un autre pays. C’est une autre dimension ! L’équipe de France de pétanque n’est pas la France. Celle de foot non plus.

Même en faisant des efforts, je ne pourrais pas être fier de l’équipe de France, comme je ne suis pas fier de la guerre menée par Sarkozy en Libye, et même pas fier des artistes et des héros que le monde nous envie. En fait, je ne me rappelle pas d’avoir été fier d’être français depuis ma sortie de l’adolescence. Parce qu’on ne peut éprouver de la fierté que pour les êtres et pour les choses à l’existence desquelles on participe soi-même. On ne peut être fier que de soi-même. Autrement, ce n’est pas de la fierté, c’est par exemple du chauvinisme…

Bon, revenons à cette coupe du monde de foot. Le plus dégueulasse et horripilant est la façon dont l’importance de l’événement est amplifiée, exagérée, par les médias. En particulier, ceux qui ont obtenu à prix d’or quelques droits de diffusion (ah, la FIFA, quels pirates !) car il leur faut bien capter le public.
Alors on nous explique, avant même que cela puisse advenir, que la France entière est enthousiasmée, captivée, par cette compétition et qu’il serait inconvenant que quelque mauvais esprit ne le soit pas. Et j’ai bien l’impression que ça a marché ; mais les Français sont des moutons de Panurge, n’est-ce pas.
Puis, cela établi, on nous fait de chaque événement, ou non événement (un mot d’entraîneur, un bobo de star, une action de jeu, une crotte de nez), un sujet de palabres infinies, commentaires sans fin avec les mêmes mots et les mêmes images… ad libitum.

Il n’ont pas de mots assez forts : « tout un peuple vibre avec les Bleus », « ils nous font rêver », « un match de folie », « un geste sublime », « les joueurs français sont des génies », « ils se sont transcendés », « nous sommes aux portes du paradis », etcetera. Comme disait le regretté, et néanmoins insupportable, Thierry Roland : « Après ça, on peut mourir tranquille. »
Images à l’appui, on nous montrait comment, à chaque but français, bondir de sa chaise, agiter les bras et les poings serrés, en beuglant, la bouche largement ouverte, puis chanter sur le même air, successivement, « on est les plus forts », « on est en finale », « on est les champions » tout en sautillant sur place. Ca me faisait songer à ces candidats de jeux télévisés qui lorsqu’ils gagnent se déchaînent pendant une minute, éructant, hurlant, toout secoués de spasmes : comme ils n’ont pas de mot pour dire la joie (à part « c’est cool »), il faut en faire la démonstration. Mais là aussi, ça ne se fait que sous l’œil de la caméra.
En vérité, ce que j’ai vu de ces supporteurs excités ne m’a paru que simulacre de joie, simulacre de communion avec les autres.

Et voilà que notre bon président, se secouant de même se dépêche de récupérer la victoire pour son compte, avec ce petit commentaire, comme quoi « le succès de l’équipe de France devra ruisseler sur… » - sur la France des gens de rien, fainéants, analphabètes et ivrognes ? Il nous prend vraiment pour des imbéciles. Dans la foulée, j’ai même entendu un zélé commentateur sportif affirmer que la victoire serait un point supplémentaire de PIB. Tout est bon pour faire monter la mayonnaise.

Tout ce battage dramatique vise à nous abêtir, à fondre nos individualités dans la foule sans conscience, le troupeau grégaire qui court là où courent déjà quelques-uns… à leur perte. Les jeux du cirque flattent toujours les plus bas instincts. Encore heureux que les fanatiques qui brûlent les voitures à Marseille ou montent sur le toit des voitures en stationnement à Moulins, où j’étais pendant la demi-finale, ne sont que minoritaires.

J’aurais préféré que l’équipe de France soit éliminée dès le premier tour, pas à cause d’eux, mais parce que ça nous aurait épargné tout ce dégueulis médiatique et les débordements qui l’accompagnent. J’avais préféré la Belgique en demi, puis la Croatie en finale : leur partition du jeu au moins était plaisante.
Mais l’essentiel est de gagner, n’est-ce pas. La triche peut faire partie du jeu (la divine main de Maradona !). Après, le business continue de plus belle. C’est ça que l’argent a apporté au sport, pas des valeurs.

Ah oui, au fait, c’en est où, l’affaire Benalla ?



1 commentaire:

  1. Certes, abêtir, mais aussi ratisser un maximum de fric dans les produits dérivés (drapeaux, perruques ...) et dans les retransmissions télévisées. Les média ont bien rempli leur rôle de rabatteurs et les marques peuvent les en remercier.
    Quant à l'affaire Macron Benalla, après ce soufflet notre éliséen reste camouflé. Tout juste s'est-il fendu, en petit comité, d'une évidence: il est le seul responsable.
    Ce monarque-là ressemble de plus en plus à Henri III.
    Alain

    RépondreSupprimer